Enseigner au XXI siècle

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La carte d’identité doit rester un document administratif !

De plus en plus fleurissent les références à des identités (encore que « fleurissent » ne soit pas forcément une bonne métaphore). Ici, on nous assigne une « identité française », baptisée parfois « républicaine », mais qui est surtout fermeture, forteresse, étroitesse. Les « Identitaires » sont peut-être dissous, mais l’identitarisme est bien vivant. Là on nous étiquette et on nous classe, en divisant selon les « races », selon les genres, selon qu’on est « occidental blanc mâle » ou pas, on nous intersectionne non pas au sens d’interactions, mais de segmentations avec croisements peut-être, mais bien peu de métissage et de mélange. Et c’est ainsi que l’on ne peut pas traduire une poétesse « noire » (mais avant tout une poétesse) si on est « blanc », que l’on doit surveiller ce qu’on écrit de crainte de ne pas intégrer la « féminité » en confondant genre grammatical et genre sexué, que l’on réduit l’Histoire à un récit légendaire où dans un camp, on a Charles Martel, Napoléon et la bataille de Verdun comme repères et dans l’autre un sombre cauchemar où personne n’est épargné et où Colbert côtoie Victor Schoelcher ou  même Victor Hugo dans un même rejet.

Trois livres, lus récemment, nous proposent une réflexion stimulante sur ces questions, sans ton inquisitorial, sans déni de la complexité, trois livres d’un genre très différent, de la part de personnalités diverses, toutes intéressantes et que j’invite volontiers à lire.

Autoportrait en noir et blanc , de Thomas Chatterton Williams

Journaliste et critique américain, l’auteur évoque son parcours au moment où devenant père d’un enfant « métis » en s’insurgeant contre ceux qui veulent l’assigner à une identité noire. Il parait qu’il se fait insulter pour cela sur les réseaux sociaux, fustigé comme « traitre » à la cause afro-américaine (selon la terminologie en vigueur aux USA). Au-delà des épisodes personnelles qu’il raconte avec brio et souvent humour (les relations avec sa famille et sa belle-famille française, les dialogues avec des interlocuteurs variés autour de ces questions qui déchirent l’intelligentzia américaine et hantent les campus), on lira une réflexion très riche sur ce que pourrait être, sur ce que doit être le combat contre les discriminations dans son pays (et ailleurs) et surtout le combat « pour » l’égalité réelle, un livre à la veille de la menace de second mandat de Trump. Je citerai simplement ce passage :

« L’aspect le plus choquant du discours antiraciste d’aujourd’hui est la façon dont il reflète des conceptions de la race – à commencer par la particularité de l’identité blanche- que chérissent justement les penseurs de la suprématie blanche. L’antiracisme « éveillé » part du principe que la race est réelle -à défaut d’être biologique. Elle serait une construction sociale et donc aussi déterminante sinon plus- rejoignant ainsi les présomptions toxiques du suprématisme blanc qui insiste lui aussi sur l’importance des différences raciales. S’ils aboutissent à des conclusions opposées, les racistes et de nombreux antiracistes ont en commun l’obsession de réduire les gens à des catégories raciales abstraites, tout en se nourrissant et en se légitimant mutuellement, tandis que ceux d’entre nous qui recherchent les zones grises et les points communs se font manger les deux côtés. »

 

La grande confusion, de Philippe Corcuff

L’auteur, qui enseigne à Science Po Lyon, a un parcours politico-idéologique singulier allant du CERES de JP Chevènement à l’anarchisme (ou plutôt la pensée libertaire) en passant par le trotskisme. Mais ici, il montre ce que peut signifier « penser contre soi-même », ce qui lui vaudra également des inimitiés et des injures, puisqu’il ose dénoncer les maux qui envahissent la gauche et permettent du coup à l’extrême-droite d’espérer gagner la bataille des idées. Dans cet épais ouvrage (570 pages, mais avec beaucoup de notes, car tout est référencé et solidement étayé), il fustige les divers confusionnismes qui conduisent aux glissements droitiers d’un Onfray, aux théories fumeuses d’un Michéa ou d’un Lordon qui justifient les pires comportements réactionnaires et ont pour adversaires au fond la démocratie, sans oublier les incroyables déclarations de Bégaudeau préférant Le Pen à Macron.  La question des réductions identitaires n’est qu’une des composantes d’un livre stimulant (mais qui nous alarme au plus haut point), qui fait souvent l’éloge de la nuance, de la complexité. Corcuff montre les méfaits du renoncement à l’universalisme et là encore de la réduction de l’Histoire à une légende dorée ou noire qui au passage minimise l’antisémitisme ou relativise les dangers du conspirationnisme et de l’intégrisme religieux et ne retient que les aspects les plus discutables des « Lumières » pour les rejeter, oubliant par exemple le combat conrre l’escalvage  qui a précédé la Révolution.  Du coup vont être exaltés des combats identitaires, ce qui va rapprocher paradoxalement des penseurs encore classés à gauche de façon indue par les médias (comme Onfray et ceux qui exaltent la « Nation française » qui lutte contre « le Grand Remplacement). Etonnants rapprochements qui donc sèment la confusion, alors même qu’on pourrait trouver tout cela « dérisoire » comme dans la chanson de Souchon que Corcuff reprend à plusieurs reprises (de façon peut-être un peu lourde). En tout cas, un livre important d’un acteur engagé de notre temps qui n’hésite pas à faire part de son expérience personnelle (c’est d’ailleurs le cas de ces trois ouvrages).

 

Soi-même comme un roi, essai sur les dérives identitaires de Elisabeth Roudinesco

L’auteure, éminente psychanalyste, sait s’adresser de façon claire et percutante au grand public. Voilà encore un ouvrage nuancé  (on peut être nuancé et percutant!) qui sait faire la part des choses entre les interrogations légitimes sur le colonialisme par exemple ou sur les discriminations et la folie identitaire qui conduit les uns aux délires quasi fascisants (chez Bouteldja qui prône son admiration pour Merah), les autres à la culpabilisation de l’homme blanc occidental (qui par essence, selon Eric Fassin, ne peut être victime d’un racisme, ce que l’auteure trouve stupide. Elle rappelle au passage le texte ignoble de Virginie Despentes saluant les assassins de Charlie Hebdo ce qui devrait suffire à la déconsidérer à jamais, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas lire ses romans, car contrairement à elle, à propos de Polanski, on peut dissocier pensée et œuvre fictionnelle) !

Elisabeth Roudinesco montre toute la paresse intellectuelle de ceux qui déforment la pensée de Foucault ou Derrida (ou encore Fanon) en les utilisant comme caution à leur pensée fermée et simpliste. Cela rappelle les dires de Corcuff qui, interrogé à France Culture, racontait comment certains étudiants confondaient en fait Bourdieu et Dieudonné ! L’auteure s’indigne aussi du rejet de soi-disant « colonialistes », citant au passage un magnifique texte de Hugo sur l’abolition de l’esclavage, à côté d’autres écrits qui justifient « l’œuvre civilisatrice de la République », mais qu’il faut contextualiser..

Elle s’en prend aussi aux dérives d’un certain féminisme ou de tendances du mouvement LGBT qui peuvent aller jusqu’aux caricatures incroyables d’une Alice Coffin.  Et sur un autre sujet, à tous ceux qui voient de « l’islamophobie » partout, utilisant une notion quelque peu douteuse, et qui sont le pendant des extrémistes de droite se revendiquant sans complexe de la « race blanche » et de la tradition « chrétienne » (si éloigné du message christique, il est vrai !) Avoir toujours à la bouche « islamophobie » ne vaut mieux que de brandir la dénonciation de « l’islamo-gauchisme ». Où est la pensée rigoureuse dans tout cela?

Elle pose à la fin de son livre la question, quelque peu angoissante : « Quel est le devenir de ces dérives identitaires ? Sont-elles le symptôme d’un bouleversement de subjectivité liée à un moment particulier de l’histoire du monde ou au contraire vont-elles perdurer au point de se substituer aux autres formes d’engagement individuel et collectif ? »

 

Pour terminer sur une note moins sombre, je ne résiste pas à l’envie de reprendre deux citations qu’on trouve dans le livre de Corcuff, en ces moments difficiles où les enquêtes d’opinion nous montrent à la fois montée de l’extrême-droite en particulier chez les jeunes et la faiblesse de la gauche, qui abandonne quelque peu le combat contre cette même extrême-droite en confondant ennemis de la démocratie et adversaires politiques.
Citations de l’écrivain polonais Jerzy Lec, déporté puis résistant polonais :

  • « Il n’y a pas d’impasse tant qu’on peut faire marche arrière. »
  • – « Ne succombez jamais au désespoir, il ne tient pas ses promesses »

 

Clichés 2020

Dès qu’on ouvre la bouche ou qu’on prend la plume (métaphoriquement), on doit lutter contre la tentation du stéréotype, du cliché, et je n’échappe pas à la règle. Mais en être conscient est le premier pas nécessaire pour y échapper un tant soit peu.
En 2020 ont fleuri et continueront à fleurir nombre de mots, d’expressions rebattus, les uns plutôt innocents et relevant davantage du tic de langage, les autres étant des révélateurs de certains types de pensée ou même des « empêcheurs de pensée ».

Dans la première catégorie, il y a tous ces « voilà » qui au mieux servent de ponctuation, au pire se substituent aux fins de phrase (Jean Tardieu aurait pu en rajouter à sa savoureuse pièce Finissez vos phrases). Et puis quelques expressions qui se répandent on ne sait trop pourquoi et du coup s’usent quelque peu. En termes savants on pourrait dire que la métaphore peut devenir « catachrèse » et plus simplement « cliché ». Citons « le trou dans la raquette », « c’est un vrai sujet », l’abus de « complètement » (consommer les adverbes avec modération), et le « en même temps » appuyé, avec clin d’œil, etc. Certaines expressions, utilisées par exemple dans le domaine sportif, peuvent avoir même un air de surréalisme : deux équipes qui font match nul, c’est une égalité « parfaite ». Et puis « il n’y a pas de petites équipes », « on lâche rien », « cette défaite va nous permettre de rebondir » (suite…)

France culture et France inculture…

Lundi 2 novembre, sur ma radio préférée, une série d’émissions sur l’Ecole avec des personnes qui savant de quoi ils parlent, à la fois des acteurs de terrain et des chercheurs ou personnalités. Et des débats de qualité où il ne s’agit pas d’être le plus fort, mais d’échanger autour de questions pas  si simples que cela. Ainsi, une discussion de haute tenue entre Vincent Peillon et Dominique Schnapper (cette dernière faisant au passage un éloge du travail commun avec Jean-Louis Bianco, attaqué par une coalition droite-gauche assez lamentable), autour de la laïcité. Ou encore, « le temps du débat » où Edwige Chirouter, promotrice des débats philo enfants, Mathieu Farina de la Main à la pâte et co-auteur d’un très bon livre récemment paru et un prof du lycée de Coutances travaillant avec ses élèves sur les « mémoires » ont pu discuter de la place respective de l’émotion, de la raison, de la juste distance, du « bon » doute et du « mauvais » , de la voie parfois étroite à trouver entre dogmatisme et relativisme. (suite…)

Choisis ton camp, camarade ?

On connait ces formules : « qui n’est pas avec nous est contre nous », « à bas les tièdes, vive la radicalité », « le choix est simple : ou bien…ou bien »

Bien sûr, l’éloge de la nuance, de la complexité, peut être une forme de lâcheté ou de pensée molle lorsqu’il est systématique. Le « c’est plus compliqué que ça » ne peut s’appliquer à tout et franchement, on doit trancher quand il s’agit de condamner le racisme avéré, de voter contre Trump ou de s’opposer aux dictateurs en Biélorussie ou au Brésil. J’ajoute même qu’en France, on ne peut balancer entre l’extrême-droite et la droite bon an mal an républicaine.

Dans les tragiques et bouleversants évènements survenus à Conflans Sainte-Honorine (évènements au pluriel, puisqu’il y a le crime et tout ce qui s’est passé en amont), il n’est personne qui ne condamne l’acte monstrueux qui a été commis, en dehors peut-être de fous furieux sur des réseaux sociaux.

Mais une fois cela dit, on est sommé par certains de devoir se plier à une logique binaire insupportable. (suite…)

Pourquoi les Cahiers pédagogiques doivent-ils poursuivre leur aventure ?

En ces temps difficiles pour la presse papier, alors même que Le Débat disparait, que des revues scientifiques craignent pour leur avenir, que Sciences Humaines lance un appel inquiet au soutien de ses lecteurs, on pourrait se dire que l’ère du papier est révolu. Mais d’une part, le modèle numérique ne va pas toujours mieux, et il faut se hâter des prédictions hâtives sur la fin du papier (les liseuses devaient mettre fin au livre, or, elles ne marchent pas du tout !) (suite…)

La gratuité, à quel prix ?

L’épisode récente du coût des masques devenus obligatoires en espace clos vient de relancer le débat sur la gratuité. Ou plutôt, je déplore qu’il n’y ait pas davantage de débat, que dans un réflexe pavlovien, des courants de gauche brandissent immédiatement la revendication du « gratuit » comme si c’était une évidence.

A vrai dire, qu’est-ce qu’un gratuit à moins de 100%?

Pour moi, c’est une occasion de remettre sur le tapis le débat sérieux entre équité et égalité formelle. Quelqu’un comme moi qui gagne convenablement sa vie doit-il bénéficier, payé forcément par les contribuables ou les assurés sociaux ce qu’il peut sans peine se payer ? Réserver la gratuité aux plus précaires, jusqu’à un certain seuil qu’on peut discuter, mais qui peut être défini, ou peut-être mieux allouer une somme spécifique destiné à l’achat de masques (lavables et réutilisables) me parait bien plus conforme à des valeurs de gauche qu’une égalité abstraite qui met sur le même plan ceux qui ont les moyens et ceux qui ne les ont pas.

La question est la même par exemple pour les cantines scolaires. Dans ma ville existe un tarif très dégressif et effectivement les classes moyennes paient d’une certaine façon pour les plus pauvres (et ils sont nombreux) et cela me parait une politique de gauche, bien davantage que d’instaurer une gratuité finalement inéquitable, car il y a toujours quelqu’un qui paie. Même chose pour les transports publics, même si on peut discuter ensuite de savoir si ça favorise ou non leur usage, ce qui n’est pas certain d’après diverses études qui parfois se contredisent.

J’entends qu’il est bon que certains biens soient gratuits. L’école publique par exemple. Il faudrait toujours préciser : gratuite pour les usagers, payée par la collectivité solidaire. Les soins médicaux sont financés par les cotisations sociales, mais celles-ci sont également « solidaires », et on finance ceux qui ont des charges lourdes, sans se soucier de savoir d’ailleurs s’ils ont pris ou non soin de leur santé et c’est tant mieux !

On ne peut en fait trancher dans l’absolu sur ce qui doit être gratuit ou pas. On peut déplorer par exemple que ce fameux « gratuit » soit parfois financé par la publicité. La presse gratuite, la circulation gratuite de nombreuses publications ruinent la presse et entrainent des phénomènes pervers de baisse de qualité parfois ou de manque de sélectivité de ce qui circule.  Dans le domaine scolaire, rendre systématiquement gratuits dans l’absolu les sorties scolaires a abouti à leur diminution, alors même que, pourtant enseignant en éducation prioritaire, je pouvais sans problèmes demander une petite somme aux élèves, sans que cela pose problème, même s’il fallait parfois aider certaines familles trop dans le besoin. Même chose pour les livres que je faisais acheter et que j’ai continué à faire plus ou moins clandestinement, pour des sommes d’ailleurs souvent très faibles.

distribution bénévole…de masques

Jusqu’ici, j’ai abordé la question de la gratuité du point de vue de l’offre. Mais de façon en apparence contradictoire, je ferai volontiers l’éloge du bénévolat. Echapper aux rapports marchands, aux « eaux glacées du calcul égoîste » pour reprendre l’expression de Marx,  lorsqu’on donne de son temps et de son énergie pour une cause, des convictions, une participation à un service profitant à tous, cent fois oui. Il faut dire que dans ce cas, il existe des gratifications, dont la fierté d’avoir été impliqué, une satisfaction morale qui n’est de la monnaie de singe que pour ceux qui reprennent à l’envi la fameuse phrase « tout travail mérite salaire ».  Et lorsqu’on propose par exemple de payer le don (qui n’est plus don alors) de sang, des recherches nous montrent que beaucoup se retirent du jeu, ils sont démotivés pour le faire.  Je me souviens de ces collègues venant participer à une aide aux devoirs extérieure au collège de façon purement bénévole, après avoir très peu satisfaisante l’organisation d’études dirigées, pourtant rémunérées.
Mais là encore, il y a tension entre vertus et abus du bénévolat et on ne peut abolutiser les choses d’un côté comme d’un autre, sachant en plus que la distinction professionnalisme/militantisme peut n’être pas si tranchée que cela.

Les lecteurs de ce blog savent bien que j’aime à penser que les solutions les plus simples, « tranchées » sont souvent les moins bonnes…

Il y a quelques années, un des collaborateurs des Cahiers pédagogiques, philippe Lecarme, avait écrit un brillant -et provocateur- billet « A bas la gratuité » Sans reprendre ce slogan, je demande au moins qu’on ne se jette pas tête baissée dans l’éloge du « gratuit » et qu’on réfléchisse à chaque fois à ce que peut être l’équité qui avant tout est un chemin vers l’égalité, contre la fausse route de l’égalité abstraite, celle qui conduit à verser un chèque aux milliardaires  au nom du « revenu universel » ou à ôter des moyens à des universités en baissant pour tous les couts d’inscription. Tant pis si ce que je dis là heurte une certaine démagogie, ou du moins absence de réflexion…Les bonnes réponses ne peuvent être données au nom du « bon sens » pas plus d’ailleurs à l’inverse par une mise en avant abusive des risques d’effet pervers.  Non à Pavlov, au manichéisme, à l’apologie du « simple », oui au débat raisonné et démocratique, qui débouche forcément sur des décisions imparfaites, contestables, mais légitimes si elles sont étayées et argumentées…

Mais que veulent-ils au juste ?

En ce moment de réouverture partielle et difficile des établissements et d’interrogations sur le devenir immédiat et à moyen terme de l’Ecole, les indignations, proclamations enflammées et dénonciations furieuses se multiplient, souvent sans nuances. Le problème est que souvent, on ne voit pas très bien où ceux qui en sont les porteurs, tout particulièrement sur les réseaux sociaux, veulent vraiment en venir, car ils paraissent vouloir tout et son contraire.

Ainsi, on proteste contre le protocole sanitaire très strict et ridiculement volumineux qu’on impose aux écoles. Mais qu’est-ce qu’on propose en alternative ? Un protocole plus souple, plus réaliste, celui d’ailleurs qu’un certain nombre d’enseignants mettraient en œuvre de fait, car il y a loin du travail réel au travail prescrit -voir cet article sur le site des Cahiers pédagogiques ? Ou la preuve qu’il ne fallait pas reprendre l’école, le protocole devenant dès lors un merveilleux alibi pour justifier cette exigence ? D’où la scandaleuse utilisation d’une photo décontextualisée qui présente une cour de récréation comme un univers carcéral effrayant (alors même que les témoignages d’enfants ne vont pas du tout dans ce sens, d’ailleurs un des parents dont l’enfant est en photo proteste contre cette manipulation d’une image. Notons que les mêmes qui réclament à juste titre qu’on éduque les élèves à l’image, à la vérification des sources, se lâchent complètement quand ça les arrange, méprisant les efforts des municipalités et des écoles pour concilier sécurité sanitaire et accueil vivable. (suite…)

Fakes, trilemme et loi des grands nombres

Chacun sait combien se répand le virus des fausses informations en ces temps incertains. La liste serait longue. Il faudrait d’ailleurs distinguer les mensonges pur et simple des déformations d’une information relativement avéré et du passage abusif du conditionnel à l’indicatif (à tous les temps)

Mensonge, honteux, c’est celui par exemple qui a circulé récemment concernant le soi-disant décès d’une enseignante ayant eu en charge des enfants de soignants en Alsace. Le plus consternant est que le message ait été relayé y compris par des gens par ailleurs raisonnables, mais pas au point de vérifier si c’était ou non étayé par des recoupements de sources. De plus, on constate le cynisme de ceux qui sont prêts à tout pour justifier leur indignation à ce que les écoles rouvrent (même sous certaines conditions, bien évidemment nécessaires) ou leur haine des gouvernants et qui semblent se réjouir de ces malheurs supposés qui confortent leur opinion. (suite…)

Le monde enseignant et l’épidémie

Il n’est guère original de dire que la situation de fermeture des écoles pose de gros problèmes à tout le monde.  Elle interroge aussi sur le sens et les missions du métier.

En négatif, il y a par exemple l’indécent communiqué de Sud Education qui « « refuse catégoriquement que le télétravail puisse être imposé à la va-vite et en dehors de tout cadre réglementaire (…). Le virus ne saurait être le cheval de Troie de l’enseignement à distance. » Elle rappelle « que le télétravail n’est aucunement obligatoire ».

Bien sûr que le télétravail n’est pas mentionné explicitement dans ce mythique contrat qu’auraient les enseignants avec l’Etat, mais celui-ci existe déjà largement et se développe. On n’en est plus à la surprise d’élèves à qui il y a quelques années j’envoyais, étant malade, un travail à effectuer…par fax (eh oui, moyen moderne à l’époque !) ou à ces profs refusant de communiquer par téléphone avec les familles.  Est-on vraiment dans un métier de cadre ? (suite…)

Séparatisme ?

Les lecteurs de ce blog savent combien j’ai de l’aversion pour la pensée binaire et pour les extrêmes. Cela peut conduire à des postures somme toute confortables, mais aussi valoir des critiques de bords opposés. En fait, il ne s’agit nullement d’adopter un je ne sais quel « juste milieu » ou de se considérer comme étant d’« extrême-centre », mais plutôt d’inviter à la complexité, celle-ci cependant ne devant pas être un alibi pour ne pas trancher lorsque sont en jeu des  « valeurs », lorsqu’en fin de compte, la logique binaire reprend ses droits.  Il ne s’agit pas par exemple de ménager son rejet du fascisme, du terrorisme ou du stalinisme au nom par exemple du contexte et encore moins de la complexité (qui doit être utilisé pour les analyser pas pour en amoindrir la condamnation).

Je voudrais donc ici, dans le prolongement de billets précédents, évoquer la question de ce que le président de la République a appelé récemment « le séparatisme islamiste ». (suite…)

Puisqu’on a plus de temps pour lire…

Nulle envie d’évoquer directement toutes les polémiques autour du confinement, lassé des donneurs de leçons, de ceux qui s’érigent en experts en viriologie, de ceux qui n’ont jamais eu de responsabilités de décideurs et qui sont très forts pour écrire l’Histoire au futur antérieur (amis uchroniciens, bonjour !). Nulle envie de dénoncer les complotismes en tous genres, les ignareries intellectuelles de ceux qui ne savent pas lire les chiffres (mais surtout prétendent savoir) par exemple en matière de courbes ou de manières d’évaluer des remèdes, plusieurs excellents sites ou médias le font très bien, de hoaxbuster à Check news ou les Décodeurs, sans oublier l’excellente chronique quotidienne de ce cher Nicolas Martin sur France Culture.  On peut aussi écouter au passage la belle chanson de Jacques Brel « c’est trop facile ! »

Je préfère ici, au cas où cela pourrait être utile et puisqu’on peut quand même commander des livres (en évitant Amazon !) indiquer quelques « conseils de lecture », même si je n’aime pas trop le mot « conseils », disons une invitation à lire trois ouvrages qui m’ont intéressé très récemment, et qui ont peut-être quelque chose à nous dire sur la situation actuelle, même de façon très indirecte

Rouge vif ou l’idéal communiste chinois (suite…)