Enseigner au XXI siècle

Archive mensuelles: avril 2014

Propositions Fillon sur l’école, suite…

Je poursuis mon analyse des propositions de François Fillon, en abordant comme promis les trois autres thèmes : la formation des enseignants, les modes de gouvernance et un point particulier sur le numérique.

La formation       

Il est vraiment bien regrettable, comme je l’ai déjà exprimé, que les leaders de droite soient aussi peu sensibles aux besoins d’une formation vraiment pédagogique des enseignants. Il pourrait pourtant y avoir des consensus sur le sujet, comme il en existe dans certains pays développés. En Finlande, la formation des enseignants continue à être de haut niveau, avec une part très forte donnée à la pédagogie, et pourtant le gouvernement actuel est très libéral et bien plus proche de l’UMP que de la gauche française. On en reste avec Fillon à une conception consternante du compagnonnage ou alors de l’application mécaniste de recherches dites scientifiques, entre la ligne Darcos et la ligne de Robien en sorte.

Que dit Fillon ? Il constate que les enseignants sont mal préparés à la transmission du savoir aux élèves en difficulté. Soit. On pourrait élargir et dire qu’ils sont mal préparés à les faire apprendre, à les motiver, à gérer des classes, ce qui va bien plus loin que la « transmission du savoir ». Mais quelle est la réponse : d’un côté la « liberté pédagogique » (déjà évoquée sur ce blog et qui est une notion bien floue, surtout si elle ne s’accompagne pas de l’esprit de responsabilité), de l’autre la « sensibilisation aux approches scientifiques du comportement et du fonctionnement de l’enfant lorsqu’il apprend. » Loin de moi l’idée qu’il ne faudrait pas une telle sensibilisation, mais d’une part, indiquer cela comme seule réponse est réducteur et surtout si cela se fait sur le mode de l’ « application » et non à travers débats, aller-retours théorie-pratique, si on n’articule pas ces approches avec le nécessaire « bricolage pédagogique », tout cela sera vain , voire désastreux.

On nous parle aussi d’un rôle nouveau de l’Inspection. Je salue l’idée assez révolutionnaire des quelques heures d’enseignement qui seraient à effectuer par les inspecteurs. Chiche ! Mais les missions des inspecteurs seront « d’aider l’enseignant à traiter les difficultés scolaires, à asseoir son autorité, à respecter les programmes. » Pas de l’inciter à se former, pas à développer des pratiques innovantes. Le « respect des programmes » à l’heure où le Conseil supérieur des programmes relativise ceux-ci et prône une approche plus axée sur les curricula, est assez dérisoire…

 

  La gouvernance

Fillon prône une autonomie accrue des établissements et avance l’idée, qui personnellement me parait intéressante de la dissociation, en vigueur dans les établissements agricoles, entre chef d’établissement et président du conseil d’administration. Que nous dit-on  plus précisément? Citons le discours de Fillon :

« Chaque établissement public d’enseignement a un projet annuel d’action adapté à la situation locale associant l’ensemble de la communauté éducative – notamment les enseignants et les parents d’élèves. Ce projet peut comporter une part d’expérimentation à laquelle l’autorité académique ne pourrait s’opposer que pour un motif sérieux. Chaque établissement choisit son dispositif d’accompagnement des élèves (programmes d’aides, travaux interdisciplinaires, etc.). »

On peut à la fois approuver certains éléments et, contrairement à ce que pensent les jacobins invétérés et les défenseurs inconditionnels de l’Etat contre le local, je pense aussi qu’une autonomie accrue serait facteur de progrès et de dynamisme. Mais, deux remarques :

–        rien n’est dit sur le nécessaire développement dans les établissements du travail d’équipe, des conseils pédagogiques, des modes de travail internes ; dès lors il est à craindre qu’il s’agisse davantage de l’autonomie des chefs

–        le seul pilotage envisagé par le national serait alors dans l’évaluation des résultats, comme si l’autonomie accrue n’imposait pas un vrai pilotage, qui n’aurait rien à voir avec les contrôles tâtillons et bureaucratiques (du genre : les programmes sont-ils respectés et les apparences sauves)

Notons au passage qu’on ne nous dit rien sur la nécessité de la mixité sociale, et encore moins de l’éducation prioritaire et de la centration sur les élèves les plus fragiles. On est loin d’une vision « finlandaise » où les meilleurs établissements sont ceux qui font réussir les plus faibles.

 

Terminons par la conception qu’a Fillon du numérique.
Je note un grand écart entre la justesse du constat :

« Le défi (du numérique) est culturel car il faut  apprendre à maîtriser et à hiérarchiser le flot des informations qui est à portée d’un clic. Et le défi est pédagogique car on ne fera pas la classe de la même façon lorsqu’élèves et professeurs auront en permanence accès aux ressources numériques. »

On s’attendrait alors à une remise en cause nécessaire de la pédagogie traditionnelle, des modes classiques de transmission « du » savoir, à l’absolue urgence de former les élèves à des compétences de recherche, de tri, de vérification de l’information, dans une démarche associant les disciplines et les centres documentaires.
Or, la conséquence du développement du numérique serait très techniciste :

« Je propose que des spécialistes de l’utilisation pédagogique des outils numériques soient appelés à travailler par vacation dans les établissements pour aider les professeurs à utiliser le numérique, en commençant par l’enseignement des langues vivantes. »

Pourquoi les langues vivantes, d’ailleurs, mystère ? Mais surtout on a l’air revenu au temps des formations « Informatique pour tous » : des techniciens envoyés dans les établissements pour une utilisation du numérique, une manière bien simpliste d’envisager les choses à l’heure où on nous parle de classes inversées, de MOOC, d’élaborations d’outils vraiment interactifs. La pauvreté de la réflexion ministérielle sur les usages du numérique est souvent, hélas, consternante là encore.

 

Donc, avec ces propositions qui ont l’air plus raisonnables ou plus acceptables que celles du grand rival de l’UMP, on est loin d’avoir un ensemble à la hauteur des défis de l’école de demain, au-delà des débats possibles sur le statut des enseignants ou sur l’importance des moyens, de la taille des classes ou du salaire des enseignants.  On est quand même bien loin de la pédagogie du futur qui permettrait aux inégalités scolaires de reculer et à l’école française de ne pas s’enfoncer dans la médiocrité…

 

Décoder le projet Fillon pour l’école

François Fillon vient d’émettre des propositions pour l’école, qu’on peut retrouver sur son blog. L’hypothèse que cet ancien ministre de l’Education qui n’aura guère laissé de souvenirs impérissables de son passage rue de Grenelle, joue un rôle majeur dans la vie politique française dans les prochaines années n’est pas totalement invraisemblable, d’où l’importance de prendre au sérieux ces propositions, que je voudrais ici décrypter autant par ce qu’elles contiennent que par ce dont elles ne parlent pas…

Avant de démarrer cette analyse, je voudrais nuancer ce que j’ai dit plus haut : pas de souvenir impérissable… C’est pourtant sous Fillon qu’est né officiellement le socle commun de connaissances et compétences. Mais je me rappelle cette cérémonie de la Sorbonne où la Commission Thélot remettait son rapport , base du futur socle, le ministre avait l’air bien peu enthousiaste. On le verra plus loin : sa conception a minima du socle indique bien qu’il est loin de revendiquer l’esprit de cet outil d’une révolution copernicienne de l’Ecole. Et d’ailleurs, il a failli obtenir alors qu’on supprime le mot « commun », comme le raconte Claude Lelièvre , le socle étant pour lui ce qu’on lui reproche parfois : un kit des soi-disant essentiels pour les plus en difficulté.

Je ne vais pas reprendre toutes les propositions qui sont faites, qui vont de points de détail à des aspects qui touchent l’essentiel, mais me concentrer sur cinq points : ce qui est dit sur le socle et les « fondamentaux », ce qui touche au métier d’enseignant et à ses missions,  ce qui est (très peu) dit sur la formation, les modes de gouvernance et la conception du numérique qu’a notre ancien ministre.

Mais pour ne pas allonger la taille de ce billet et rester dans les normes implicites d’un post de blog, je n’aborderai aujourd’hui que les deux premiers points.

Le socle :

fillon thelot

Fillon, ministre aux côtés de Claude Thélot

On aurait envie de saluer l’idée qu’il faut absolument que tous les élèves acquièrent le fameux socle et maîtrisent les « fondamentaux » et en particulier la lecture. Fillon cite par exemple le fait de savoir lire et comprendre un conte de trois pages à la sortie du primaire. Très bien. Malheureusement, ce qui ressort du socle selon lui, ce qu’il appelle « socle des fondamentaux » (tout un programme !à), c’est :

–        un accent mis sur l’orthographe et la grammaire, en oubliant l’écriture ou l’oral par exemple et du coup d’ailleurs une minorisation de fait de l’importance de la lecture, au sens de « littéracie » telle que la définit l’OCDE (savoir mettre en relation un texte et ses informations et ce qu’on sait déjà). L’accent mis de façon très traditionnelle sur la grammaire nous fait craindre un nouveau retour en arrière vers ces leçons rabachées d’année en année et qui ne font qu’éloigner les élèves de la vraie vie de la langue. Et d’ailleurs, en matière de lecture, la principale innovation serait un apprentissage plus précoce en supprimant de fait la grande section de maternelle devenue un pré-CP comme si la solution évidente aux difficultés de lecture était de commencer plus tôt. Du quantitatif plutôt que du qualitatif.

–        une disparition remarquée : les compétences, puisque Fillon parle du « socle de connaissances » , celui-ci comprenant un ensemble qu’on peut craindre œillade bleue marine : « grandes dates et grands personnages de l’histoire, géographie de la France et de la région ». A l’heure de la mondialisation ! Plutôt les sources de la Loire que les questions de développement durable, plutôt Saint-Louis que la découverte d’autres cultures, d’autres civilisations. On voit bien là ce que peut recouvrir la notion de socle selon les visions de l’école que l’on a. Celui que nous sommes quelques-uns à défendre n’a pas grand-chose à voir avec cette vision étriquée d’un autre âge, où disparaissent, notons-le au passage, l’éveil scientifique, le parcours culturel et artistique. Mais si, nous dit-on, un quart du temps des enseignants du premier degré feront « autre chose » que du « fondamental », comme s’il ne fallait surtout pas essayer de relier les différentes connaissances, les disciplines, reprendre la grande idée des programmes du primaire de 2002 : on fait du français aussi en faisant de l’histoire ou des mathématiques. Apprendre à écrire dans un carnet de recherches scientifiques ou un carnet culturel, apprendre des mathématiques dans des projets multiformes, tout cela n’est pas envisagé par l’ancien ministre dont on peut alors se rappeler (autre souvenir non impérissable) qu’il a été celui qui a  diminué de moitié la durée des Travaux personnels encadrés, tout en étant incapable à la télévision d’énoncer correctement le sigle TPE. Rien bien sûr du coup sur l’ « apprendre à apprendre », sur les compétences-clé du Parlement européen, autant de machines de guerre du néo-libéralisme nous dit-on pourtant, alors même que les plus libéraux de nos hommes politiques nationaux ne sont guère enclins à les reprendre à leur compte et s’avèrent plutôt des défenseurs des conceptions les plus traditionnelles de la transmission des connaissances… On a parfois du mal à comprendre certains détracteurs et leurs amalgames !

–        une interprétation fallacieuse des résultats internationaux. Fillon nous dit que les tests type PISA nous montrent que les systèmes éducatifs qui fonctionnent le mieux sont ceux qui se concentrent sur les « fondamentaux ». Cela ne veut pas dire grand-chose. Ces systèmes marchent mieux parce qu’on y fait davantage confiance à l’élève, on relie davantage les connaissances aux compétences à acquérir, on évalue les élèves de manière plus positive et on sélectionne moins précocement. Autant de thèmes absents des propositions Fillon, bien en –deçà d’autres idées émises par des personnalités de la droite républicaine dans le passé (citons les noms de Périssol, Grosperrin et plus récemment Benoit Apparu). Les vieilles traditions conservatrices sont très présentes ici avec cette vision d’une école austère qui sifflerait au fond la fin de la mythique « recréation » dont parlait jadis Chevenement, lui aussi très proche de cette vision à l’ancienne.  Une école du socle moderne, ouverte sur le futur autrement que par le biais d’un numérique réduit à de la technique (j’y reviendrai), sur le travail collectif et coopératif, sur l’initiation à la recherche documentaire, sur le développement des capacités orales, sur l’émergence d’une créativité qui s’éteint peu à peu dès après l’école maternelle, tout cela est vraiment absent de cette vision d’une école où le tableau blanc remplace sans doute le noir, mais où on n’encourage guère l’innovation.

–        Ajoutons que Fillon ose affirmer que « l’enquête PISA 2012 explique les résultats très moyens de la France par le fait que les élèves y sont plus dissipés qu’ailleurs. » ce qu’on aura bien de la peine à trouver dans les analyses détaillées de PISA qui n’établit pas de rapport de cause à effet entre résultats et degré de « dissipation », d’autant que cette « dissipation » vient peut-être de causes diverses, dont la perte de sens de ce qu’on fait à l’école ; mais il est vrai qu’on nous propose d’exalter le « goût de l’effort » (quelle idée originale et novatrice !) et , grande mesure révolutionnaire, de rétablir la note de vie scolaire qui, en cinq ans d’existence, a montré pourtant son manque total d’intérêt… En fait, limiter aux questions de discipline le problème des classes agitées ou inattentives ne mène qu’à des impasses, mais l’idéologie sécuritaire d’appel au « respect de l’autorité » a du mal à concevoir les choses de manière plus systémique en termes de climat scolaire et d’autorité éducative.

–        Ah, si l’anglais obligatoire ! Pourquoi pas ? mais vu la vision rétrograde de l’enseignement (on est bien loin de la pédagogie au centre de Vincent Peillon), on peut craindre le pire et une grande inefficacité de cet enseignement si par exemple on ne forme pas les enseignants du primaire à des formes vivantes et variées, pour en finir avec les « lessons » qui donnent des résultats très insuffisants.

–        l’acquisition du socle s’accompagnerait de temps de remédiations, certes… Fillon, prudent, ne reprend pas l’idée de JF Coppé d’examen d’entrée en sixième, mais il fait du brevet un barrage à l’entrée en seconde. Mais surtout il est davantage question des tests de repérage que du développement de réponses multiples et adaptées aux difficultés, certaines passant par la différenciation pédagogique (dont il n’est pas du tout question), d’autres par un accompagnement dans et hors de la classe. S’il s’agit de rétablir les heures d’accompagnement Darcos en primaire et de développer l’accompagnement éducatif au collège, on aura vite fait de constater que cela ne pourra suffire. Dès lors, inévitablement, il y aura sélection précoce, constitution de classes spéciales, éviction de la formation générale pour certains.

On est loin d’une école entièrement mobilisée pour l’acquisition par tous d’un socle vraiment commun qui serait aussi un ciment éducatif, avec des priorités qui ne sont pas du tout énoncées ici (qu’en est-il de l’éducation prioritaire justement ?)

 

Les missions des enseignants

Fillon nous dit que les enseignants doivent être davantage présents dans l’établissement. Cela me parait aussi une nécessité pour le secondaire. Mais pour faire quoi ? Les missions ne sont pas vraiment définies, le travail d’équipe n’est pas cité, et on nous remet au premier plan la fameuse « liberté pédagogique » déjà évoquée ici. Mais les enseignants seront, dit-on, mieux payés (les promesses n’engagent que ceux qui y croient). Limiter le nombre d’enseignants en début de collège pour une même classe parait cependant une idée intéressante, mais cela n’ a de sens que dans un ensemble où l’on développerait la transversalité, la collaboration entre collègues, les projets interdisciplinaires. Sinon, la bivalence risque de n’être qu’un moyen de faire des économies  et de gérer plus facilement les services des enseignants.

Il n’est pas absurde cependant de proposer des variations dans le temps du service des enseignants : moins d’heures de cours en début et à la fin de la carrière, pour se former puis pour accompagner des plus jeunes.  C’est une des idées qui me paraissent les plus intéressantes, mais la mettre en œuvre à moyens constants signifie bien augmenter la charge de travail  sur les autres années. Un ministre aura-t-il le courage de lancer un tel chantier ? Y compris en classe prépa ?

 

Bref, rien de bien enthousiasmant et surtout de susceptible de projeter l’école actuelle dans le futur. Qu’en pensent ceux qui pèsent de tout leur poids pour que rien ne bouge dans l’école  et qui parfois soutiennent des retours en arrière comme l’abandon du projet des rythmes scolaires ? Les pédagogues, eux, ne peuvent qu’être consternés par ces propositions qui allient surtout indigence, médiocrité et manque d’ambition, où quelques idées intéressantes peuvent émerger, mais pas dans un contexte où elles pourraient être positives.

 

La suite sans doute au prochain billet….

Raisons d’être déçus et raisons d’espérer

On n’est amer que  quand on pense l’avenir sucré, affirmait dans un de ses films Chris Marker. On savait bien que le chemin serait difficile pour la « refondation de l’école ». Trop de volontarisme et c’est la certitude de braquer des acteurs souvent pris dans les  rets de la société « de défiance », d’être accusé de manque de concertation, de rapidité excessive quand le changement exigerait durée et patience. Mais trop de modération, de compromis et c’est l’inévitable reproche d’immobilisme qui pointe :  « tout ça pour ça », « les réformettes, ça suffit ! » « quand viendra le vrai temps de la refondation ? »

Les consensus bâtis lors de concertations nationales sont souvent illusoires, dès qu’on arrive au concret. On aime définir des priorités, mais pas s’il y a des « secondarités », c’est-à-dire des secteurs qui « paieraient pour les autres » et tous les Pierre protestent qu’on les déshabille au profit de Paul…

Voici deux ans qu’un nouveau ministère était en place, avec un langage nouveau, des intentions nouvelles, porteur d’un grand espoir de changement. Or, voici un « changement » justement qui arrive : un trente-et-unième ministre de l’éducation de la V° République, à nouveau un homme, chasse le trentième comme le fait remarquer Philippe Watrelot. Va-t-il freiner une refondation qui pourtant ne faisait pas d’excès de vitesse ? Va-t-il être l’eau tiède qui succède à une surchauffe réelle ou prétendue, à la manière de Jack Lang après l’épisode Allègre, ou pire, faire de l’immobilisme à la Bayrou, ce grand réformateur qui a réussi à durer quatre ans et à survivre à un changement de présidence de la République en s’efforçant de ne fâcher personne (mise à part l’épisode loi Falloux) ?

Que vont devenir les chantiers ouverts ? Rappelons quelques débuts de réalisations positives  : on rescolarise peu à peu des enfants de moins de trois ans, des maîtres supplémentaires viennent en renfort dans des zones difficiles à l’école primaire (mais certains doutent de l’efficacité d’un tel dispositif quant au rapport coût/efficacité), dans une école sur cinq les enfants ont leur temps d’école étalé sur cinq jours (va-t-on revenir en arrière ?). Des promesses de changement sont en bonne voie, même si c’est plus long que prévu : programmes revus, évaluations révisées, formation initiale restaurée. Et idéologiquement, la pédagogie a été dans les discours au moins, réhabilitée, remise au centre de la réflexions sur l’école. Ce qui veut dire s’intéresser davantage à ce qu’apprend l’élève qu’à ce qu’enseignent les enseignants.

Mais, après les erreurs de communication et un certain flottement dans la mise en route des nouveaux rythmes scolaires (dont le ministère de l’éducation n’est pas le seul responsable), si la réforme semble échapper peu à peu aux polémiques, on est encore loin du compte et on attend avec appréhension la généralisation à la rentrée, avec toujours une épée de Damoclès : et si, avec le changement de ministre, on revenait en arrière ?

Les écoles supérieures du professorat certes commencent à exister, mais le poids de la tradition académique et des mauvais côtés de l’Université française pèsent trop lourds et la pédagogie continue à être quelque peu méprisée par les tenants des « vrais » savoirs. Et la formation continue continue à être un parent pauvre.

On a certes réaffirmé le rôle du socle commun comme structurant pour tout l’enseignement, mais les conseils école-collège ont du mal à se mettre en place, on est encore loin de cette école commune réclamée encore récemment par un rapport de Terra nova.

Une brèche a été ouverte dans le décret de 1950 sur le métier d’enseignant, et cela suffit d’ailleurs pour provoquer l’ire des pires réactionnaires. Brèche suffisante pour faire émerger de nouvelles missions, à l’heure où certains dénient tout rôle éducatif à l’école et rejettent l’idée d’un travail collectif ? Ou manifestation du syndrome de Lampedusa : changer pour que rien ne change ? Difficile de trancher…

On pourrait multiplier les exemples, en évoquant aussi bien les avancées  (sur le numérique, l’égalité garçons-filles, l’idée de « parcours artistique et culturel » pour tous les élèves) que les reculades (dans le calendrier des réformes notamment) ou les stagnations (qu’est-ce qui est prévu pour s’attaquer à l’institution « bac » et pour changer aussi le lycée ? quand va-t-on faire évoluer les rôles de la hiérarchie intermédiaires ? va-t-on vraiment favoriser l’expérience des enseignants novateurs autrement qu’en saluant des innovations ponctuelles ?)

mode métierA-t-on finalement le droit de se contenter d’un confortable pessimisme des éternels ricaneurs du « on vous l’avait bien dit ! » ou de se réfugier dans le « basisme » (ce qui compte, c’est le terrain, les petites innovations ça et là) ? Je crois au contraire que nous, à savoir tous ceux qui pensent qu’une transformation profonde de l’école est non seulement souhaitable, mais vitale (voir le dernier livre d’ Emmanuel Davidenkoff), nous devons nous conformer à notre « devoir d’obstination »…