Faire parler les morts ?
En ces temps de centenaire de la Guerre mondiale, on est tenté d’effectuer des parallèles historiques. Les historiens sérieux, gens que j’admire- quand ils ne s’avisent pas de dire comment l’histoire doit être enseignée en collège et lycée, au lieu de simplement donner un avis- mettent en garde en général contre d’abusives mises en relation. Ainsi récemment, dans une passionnante émission de Arrêt sur images, Antoine Prost et Jean-Jacques Becker rejetaient l’idée qu’en 1914, un discours sur le « déclin » aurait été dominant dans la société française, à la manière de 2014, contrairement à ce qu’affirmait un journaliste de L’Expansion qui défendait avec humour mais un peu de legereté la ressemblance supposée des situations. Les analogies sont toujours tentantes, mais rappelons la vieille mise en garde pascalienne : « comparaison n’est pas raison ». Les effets de contexte sont toujours essentiels et comme dans toute comparaison, on prend les éléments qui vont dans le sens de la thèse qu’on défend et on oublie toutes les différences.
Mais le pire sans doute est de faire parler les morts. Et en particulier Jean Jaurès, puisque l’actualité met au premier plan son tragique assassinat. La belle exposition du Panthéon montre comment ses paroles ont pu être récupérées par des discours politiques les plus divers, jusqu’à être utilisées comme machine de guerre anti-gauche d’aujourd’hui par Nicolas Sarkozy, et même revendiquées à l’aide de discours déformés et tronqués par le Front national.
Jean Jaurès a sur l’école, sur la jeunesse, sur l’Université française, prononcé des discours, écrit des textes remarquables, et on a bien raison de les mettre à jour comme le fait l’ami blogueur Claude Lelièvre notamment, qui hier nous gratifiait de textes étonnants de Jules Ferry, bien loin de la vulgate habituelle qui le limiterait au partisan du « lire, écrire, compter ». (suite…)