Enseigner au XXI siècle

Archive mensuelles: septembre 2014

« L’invasion du curriculaire », selon la Société des agrégés

ministre et lussault

la ministre et le nouveau président du CSP

Michel Lussault, grand géographe et directeur de l’Institut français de l’éducation, organisme qui a succédé à l’INRP, vient d’être nommé président du iFEConseil supérieur des programmes. Je ne connais pas suffisamment la personne pour préjuger de son action à venir, mais le fait qu’il allie la légitimité scientifique et l’implication dans la recherche pédagogique est plutôt bon signe. J’ai aussi regardé son blog (qui n’est plus à jour) sur lequel notamment un billet m’a bien plu où l’universitaire s’élevait contre ses collègues qui réclamaient moins d’enseignement pour davantage de recherche dans leur service et surtout qui, dans un appel, semblaient considérer celle-ci comme infiniment plus « noble » que le fait d’enseigner.

Mais plusieurs groupes toujours opposés à un passage « au XXI° siècle » de notre école commencent à se déchainer. (suite…)

Mais voyons, c’est si simple !

Je viens de lire ce matin une interview de François Desmet dans Libération consacrée à l’abus de la référence à Hitler. Peu importe ici ce que le philosophe expose, mais je découvre la fin où il évoque des pistes pour combattre les idées d’extrême-droite : « L’école pourrait aussi dispenser des cours communs de philosophie et d’histoire des religions ».

J’ai écouté récemment un débat de bonne tenue sur LCP dans l’excellente émission « ça vous regarde » sur la vertu et la politique. Blandine Kriegel, philosophe du droit, y développait des idées pas inintéressantes, même si on pouvait être irrité par sa monopolisation de la parole, fort discourtoise et prétentieuse (mais là n’est pas la question). Cependant, au final, dans les pistes évoquées pour « rétablir de la vertu », là encore, l’école « devrait enseigner le droit » (ce qui aurait été proposé à JP Chevénement et refusé)

Alain Bentolila (comme dans Carmen, j’ai envie d’écrire : « c’est quelqu’un que j’aimais autrefois », quand il était un linguiste nuancé et l’organisateur des Entretiens Nathan), raconte dans son récent Comment nous sommes devenus si cons   (sic) que les jeunes d’aujourd’hui ne savent plus expliquer quelque chose d’aussi simple que la loi de la chute des corps (« comment expliquer que lorsqu’on lâche une pierre, elle tombe ? ») et mettant en cause finalement l’école qui ne fait pas son travail correctement. (suite…)

A quoi ça sert ? (suite)

A l’école, ne devrait-on pas demander un peu plus souvent aux élèves à quoi sert d’après eux ce qu’on leur enseigne, et quand on est enseignant réfléchir à la réponse qu’on peut donner lorsque ce sont les élèves qui le demandent ?

Bien sûr , ce n’est jamais simple, mais il ne faut pas avoir peur de se confronter ainsi aux représentations des élèves , car ce qui est en jeu c’est bien un travail sur le sens de ce qui est appris ou devrait être appris. On ne peut s’en tirer en confondant trop vite « utilité » et « utilitarisme étroit » pour clore le débat, ou en renvoyant au fameux « tu comprendras plus tard ! ». Ni abandonner trop vite ce travail sous prétexte que les réponses des élèves sont bien décevantes et pauvres, en oubliant qu’il faut du temps pour que ceux-ci entrent vraiment dans une démarche réflexive, à laquelle ils sont peu habitués.

Un enseignant en tout cas doit être capable d’expliquer pourquoi il faudrait étudier la forme passive ou l’attribut du sujet autrement qu’en lançant un « vous risquez d’avoir une question là-dessus au brevet ». Et pour cela, sans doute faut-il prendre du temps pour s’y préparer lors de sa formation. Mara Goyet dans son livre récent « Jules Ferry et l’enfant sauvage «  prône une épreuve d’improvisation au concours de recrutement où le candidat serait bombardé de questions -type d’élèves, parfois embarrassantes pour voir comment il peut réagir. Cela me séduit assez; que l’on sache répondre à la question « à quoi ça sert ce qu’on fait? » pourrait bien être un incontournable du métier…

En fait, la question de l' »utilité » aide à y voir plus clair, comme je l’ai dit dans mon précédent billet sur ce qui doit être enseigné aux différents moments de la scolarité, sur l’articulation connaissances/compétences, sur ce qui doit « rester » quand on aura tout oublié.

Je voudrais reprendre un florilège de réponses d’élèves de sixième que j’ai eus il y a quelques années , à partir de la question : à quoi sert chaque matière au collège ? (question posée en début d’année comme professeur principal en « heure de vie de classe ») et je ferai quelques commentaires. (suite…)

A quoi ça sert ?

Si on passait vraiment aux choses sérieuses ? La question des rythmes scolaires, traitée souvent de manière confuse, a obnubilé l’attention en cette rentrée des classes, laissant de côté des sujets essentiels, même si cette question était quand même plus intéressante que le poids du cartable, le port de l’uniforme, pour ou contre ? et les cas marginaux de profs non nommés et de classes sans maîtres ici ou là.

Heureusement, on peut trouver aussi dans l’actualité médiatique et éditoriale quelques échos de débats essentiels, notamment celui posé par le livre qui vient de gauthierparaitre de Roger-François Gauthier «  qu’est-ce que l’école doit enseigner ? », mais aussi à quoi sert ce qui est enseigné à l’école.
Le seul mot « sert », la simple allusion à l’ « utilité » du savoir fait bondir certains. On sait tous que le grand chic est de proclamer que « plus c’est gratuit, inutile, mieux c’est », en évoquant l’ « otium » ou le paradoxe de l’utilité suprême qui vient de l’inutilité même. Une phrase de Théophile Gautier dans Mademoiselle de Maupin pourrait ici servir d’emblème : « Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid. » SI le savoir sert, c’est qu’il est instrumentalisé, au profit de notre société libérale, pour livrer aux méchants dominants une main d’œuvre taillable et malléable à merci. Ou alors, on décrète que tout savoir par lui-même est « utile », ce qui est une autre manière d’évacuer la question.

Récemment, dans Le Monde, une interview de Andréas Schleicher, directeur de l’éducation de l’OCDE, a retenu l’attention de beaucoup. (suite…)

ABCD des rythmes

  • animateurs : forcément incompétents, ou introuvables (si on veut qu’ils soient compétents), incapables de faire faire autre chose que de la garderie ou de l’enfilage de perles. Un mépris durement ressenti par certains
  • bobos : l’argument ultime pour discréditer toute réforme : ce sont les « bobos » qui vont en profiter et c’est le malheureux peuple qui va trinquer ; « bobo », un empêcheur de pensée !
  • ecole ferméecadenas : un nouvel emblème de la « révolte des maires » contre une « réforme inique, inapplicable, inacceptable », celui qu’on appose à l’entrée des locaux scolaires. C’est vraiment l’école fermée sur elle-même, mais avec personne dedans…
  • conséquent : c’est vrai qu’il faut l’être, et on peut à bon droit reprocher à ceux qui critiquent aujourd’hui la désobéissance à une mesure qui ne plait pas d’avoir fait de même en d’autres circonstances (devoirs des communes en cas de grève, etc.)
  • décret : peut n’être pas appliqué, contrairement à la loi (jusque là on pensait qu’une loi se traduisait par des décrets d’application)
  • démagogie : un verre ça va, deux et plus, bonjour les dégâts…
  • Essonne : le département de la « résistance », de la République debout contre les malfaisants de la rue de Grenelle, mais concurrencé par Marseille, tous ces endroits que désertent les apprentis animateurs.
  • fatigue : la fatigue des enfants, brandie comme un argument décisif contre les « nouveaux rythmes ». D’habitude, les anti-« enfant-roi » n’avaient pas tant de sollicitude pour le pauvre enfant accablé par les horaires de l’école
  • genre : et qui sait si, dans le péri-scolaire, on ne va pas aussi diffuser la « théorie du genre ». Notre ministre ayatollah en serait bien capable, n’est-ce pas ?
  • hystérie : on a envie de placer ce mot devant le comportement de certains opposants lors de réunions préparatoires !
  • inique : ou inacceptable ou insupportable, etc. (voir « cadenas »)
  • jouer : un établissement scolaire n’est pas fait pour ça ; si les enfants jouent dans les bâtiments de l’école, quelle confusion ! Quoi, vous dites que le jeu peut être une forme de pédagogie très efficace, n’importe quoi !
  • loi : voir décret. Une loi qui ne plait pas est toujours votée par des politiciens fous coupés des réalités
  • maires : on les plaint s’ils protestent contre cette folle réforme, on les accable si, suppôts du pouvoir, ils imposent « sans concertation » les nouveaux rythmes aux écoles.
  • logo tapnocif : décrétons que tout ça est nocif pour les enseignants, les enfants, les parents, les élus, brandissons les études qui vont dans ce sens (tandis que d’autres brandissent des études contraires). Mais s’interroge-t-on sur ce qu’on fait en classe et en périscolaire, comme si on pouvait séparer le quoi du quand
  • obligation : tout est un peu confondu. Les enfants sont obligés d’aller à l’école (s’il n’y a pas de cadenas), les communes ne sont pas obligés de mettre en place le périscolaire (on est tranquilles, les élections sont passées), les débats publics n’ont pas obligation à être argumentés et respectueux des opinions de chacun
  • priorité : au nom de la priorité et de la non-priorité, on peut tout justifier. Chacun a sa priorité : refaire les rues, bâtir un musée pharaonique (Yerres) ou investir dans l’éducation…
  • quatre : un chiffre magique, le chiffre du bien s’il n’est pas accompagné de la décimale : ,5. On a l’impression que la semaine de quatre jours existe de toute éternité, alors qu’elle est si récente et si peu répandue en Europe.
  • revenir : il faudra revenir sur cette réforme, si certains reviennent au pouvoir, non ? mais cette réforme ne revenait-elle pas déjà sur ce qui existait avant ?
  • socle commun : mais aussi programmes, formation des enseignants, évaluation, on ne va pas s’intéresser à ça, c’est tellement peu de choses à côté de ce damné mercredi matin où les enfants ne peuvent plus faire la grasse matinée ou regarder leur émission préférée.
  • cahiers rythmestempo : ce n’est jamais le bon. La concertation aurait dû durer plus longtemps, reproche-t-on à une institution qui à d’autres moments ne sait pas prendre des décisions, est trop lente. Jamais le bon rythme…
  • urgence : une mesure annoncée dix huit mois avant peut quand même être « imposée dans l’urgence » : il faut vite corriger le sens du mot sur Wikipedia…
  • vraie : bien sûr, on se réclame de la « vraie » réforme, à laquelle chacun aspire, et qui n’est curieusement jamais celle qui est votée
  • Xavier Darcos : il a bien fichu la pagaille en 2008, mais il semble bien que ça lui a été imposé par le président !
  • Zut : oui, zut, il est temps de s’intéresser au socle commun, aux programmes, à l’évaluation… Mais beaucoup de ce qui précède va pouvoir resservir, malheureusement…

(suite…)