Enseigner au XXI siècle

Archive mensuelles: décembre 2014

Lire (vraiment ?), écrire (n’importe quoi), compter (très mal)

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Dans ‘Le piège diabolique », Mortimer constate à travers l’orthographe d’inscriptions des signes de la décadence qui a emporté l’univers cultivé

Je suis toujours étonné par les approximations au mieux, contre-vérités au pire qu’on peut lire ou entendre concernant les questions éducatives. Peut-être des énormités sont-elles également proférées dans d’autres domaines (santé, transport, alimentation…) et que n’étant pas spécialiste, je les remarque moins. Mais sans doute le domaine éducatif est-il un sujet que tout un chacun prétend connaitre, à partir de sa petite expérience, soit d’ancien élève, soit de parent. Après tout, on pourrait dire que c’est la loi de la démocratie et on ne peut pas vouloir à la fois plus de participation de la Nation à la réflexion sur l’école et déplorer que du coup, certaines opinions hâtives ou absurdes puissent s’exprimer.
Mais ce qui me choque, c’est lorsque certains intellectuels, ou se disant tels (Zemmour est bien qualifié d’intellectuel par certains !), profitent d’une certaine compétence qu’ils peuvent avoir dans un domaine pour asséner des affirmations ne reposant sur aucune lecture sérieuse, aucune référence rigoureuse, seulement sur leur « bon sens » ou sur ce qu’on a entendu dire comme le premier quidam venu. (suite…)

Quand les élèves de 68 parlaient de notation

J’ai pu voir circuler une bien intéressante vidéo des archives de l’INA où l’on voit des lycéens parler de la notation, au moment où Edgar Faure à la rentrée 68 tentait d’instaurer une nouvelle manière d’évaluer avec les cinq niveaux ABCDE.

Quelques points qui m’ont frappé au visionnement :

–        on n’imaginerait pas aujourd’hui un reportage où on n’interrogerait que des garçons, et bien sûr on ne les verrait pas fumer abondamment pendant l’interview !

–        on trouve certes une critique du système de notation, qui serait surtout une manière de sélectionner avec le bac (rappelons qu’à l’époque il n’y a pas plus de bacheliers qu’aujourd’hui d’élèves en classes prépas et qu’en 68, 1 jeune sur cinq obtenait le bac, le fameux bac « dévalué » de post-mai), la nouvelle forme d’évaluation apparait comme une tromperie car pour ces lycéens elle ne changera rien. On est aussi une époque où on clame volontiers que c’est tout le système  mai 68qu’il faut changer.

–        le jeune homme qui s’exprime dans ce reportage, critique une école qui n’intéresse pas les jeunes et est coupée du monde, mais n’évoque comme changements possibles que la fin de la coupure sciences/lettres (qui aurait été une revendication de mai 68- ?-) et surtout l’apparition de nouvelles matières, pour l’essentiel autour de la vie politique (il n’est pas question de « citoyenneté », mais bien de « politique », le mot n’est nullement honnie dans une période où « tout est politique ») (suite…)

Un métier ou des métiers ?

J’ai participé récemment à un débat à Aix-en-provence sur l’exercice du métier d’enseignant aujourd’hui avec Jacques Ginestié, directeur de l’ESPE, une jeune enseignante encore en formation et un enseignant expérimenté qui a présenté le beau travail mené à Marseille dans un collège d’éducation prioritaire. Débat riche, avec de larges points d’accord, surtout sur l’importance d’adapter nos pratiques au monde d’aujourd’hui et plus encore de demain, en développant l’interdisciplinarité, la mise en avant des compétences, dont un certain nombre sont encore très peu prises en compte aujourd’hui, la coopération entre 515collègues…

Mais une question posée juste sur la fin par le public n’a eu qu’une réponse rapide et partielle, de toutes façons peu aisée à traiter en quelques minutes, sans doute parce qu’elle ne donne pas lieu à une réponse par oui ou par non : fait-on le même métier de l’école maternelle à la terminale et plus encore quand on est au collège Belle de mai de Marseille ou au lycée Henri IV ?

Pour moi, la réponse ne peut être que dialectique. (suite…)

Sacro-saint thermomètre

Difficile par moments de rester serein quand on lit le déferlement de commentaires négatifs sur le rapport sur l’évaluation des élèves rendu par le Conseil supérieur des Programmes. Certes, des débats contradictoires ont parfois été organisés, mais trop souvent autour de la question : « faut-il supprimer les notes ? » alors que le CSP n’a jamais posé le problème de l’évaluation de cette manière très réductrice. Certes, des personnalités ont pu prendre la parole pour dire des choses intéressantes (par exemple Pierre Merle sur France Culture –mais c’était France Culture !) et on a juste eu droit à quelques flashes sur des expériences de classes sans notes, avec souvent un parent pour et un parent contre (telle cette mère argumentant sur TF1 pour les notes, car il faut bien qu’un couperetjour « le couperet » -sic !- arrive…)ou la vue d’une fiche d’évaluation (du collège de Vic-Fezensac sur i-tele par exemple) qui, sortie de son contexte d’utilisation, peut sembler une pièce d’une machinerie d’usine à gaz ou à cases… Mais on a surtout eu un florilège calamiteux d’intellectuels médiatiques et de politiciens, qui visiblement n’ont pas lu le rapport du CSP et du haut de leurs certitudes ont fait feu sur ces affreux gauchistes-bisounours-apprentis sorciers, Khmers rouge ou décadencenaïfs irresponsables, qui veulent détruire un des piliers de notre civilisation. (suite…)