Enseigner au XXI siècle

Archive mensuelles: février 2015

En attendant le Grand Soir, que rien ne bouge !

Dans un de ses chefs d’œuvre, la Cerisaie, Anton Tchekhov met en scène le personnage de Trofimov, l’éternel étudiant. Celui-ci n’arrête pas d’exhorter à changer le monde, ou du moins la Russie, proclame sans cesse qu’il faut « travailler » (on retrouve ce thème dans d’autres pièces d’ailleurs). Certains, surtout les communistes, comme Elsa Triolet dont j’avais lu la préface d’une édition de la pièce, exaltaient ces paroles, considérées comme prophétiques : « L’humanité va toujours de l’avant, perfectionnant ses forces. Tout ce qui à présent lui est inaccessible, lui sera proche un jour, compréhensible; il faut seulement travailler, aider de toutes nos forces ceux qui cherchent la vérité. »

cerisaieCependant, tout le long de la pièce, Trofimov parle, parle, mais ne fait pas grand-chose …

Il me semble qu’au-delà de la procrastination, ce personnage est un peu emblématique d’un type de pensée « radicale ». Tout ce qui vient d’en haut est corrompu, un jour viendra couleur de rose et il faut préparer le Grand Soir du réveil du peuple. Aujourd’hui, cela prend bien évidemment bien d’autres formes que par le passé, en particulier dans les discours. (suite…)

Ne pas se voiler la face, certes, mais…

étudiantes voiléesL’inénarrable député Ciotti vient de déposer un projet de loi proscrivant le voile à l’université (1). La Droite dite forte de l’UMP soutient à fond cette mesure, guère appréciée il est vrai par une autre partie de la Droite. Il n’est pas sûr que bon nombre de sympathisants de la Gauche n’approuvent pas au nom de la laïcité ou du féminisme.

Comment penser qu’une telle mesure, très difficile à faire appliquer au demeurant, ferait en quoi que ce soit avancer la laïcité ou le féminisme ? Pour ma part, je déplore bien sûr que des femmes cachent leurs cheveux, s’habillent de façon austère, comme je pense au fond regrettable qu’on se prive de certains plaisirs comme le bon vin ou le foie gras. Comme je déplore que tant de gens préfèrent regarder TF1 plutôt qu’écouter France Culture ou BFM plutôt que LCP. Comme je déplore que tant de jeunes ne viennent jamais au théâtre ou rejettent la lecture. La solution ne peut résider dans les interdictions ou les obligations, surtout quand elles concernent les adultes. Bien sûr la question du voile va bien au-delà du signe religieux, oui, elle reflète partiellement un certain statut des femmes, mais on ne peut supprimer le problème par un coup de plume. (suite…)

Dernier rempart ?

Je suis souvent agacé par cette expression utilisée pour parler de l’école dans les quartiers populaires. On ajoute parfois « contre la barbarie », mais plus fréquemment contre la « déliquescence ».
Cela m’agace parce que d’une part, c’est bien mal poser les choses rempartqu’utiliser la métaphore guerrière du « rempart », mais aussi et presque surtout, car c’est une insulte pour beaucoup d’institutions qui font le travail, plus silencieusement. Contrairement à ce qu’ils pensent, les enseignants ont une couverture médiatique forte, souvent favorable, ce qui n’est pas le cas d’autres métiers, d’autres secteurs qui servent aussi le public dans des endroits difficiles. Etant élu municipal d’une ville dont la majorité des habitants vivent nettement en-dessous du revenus médian, je parle en connaissance de cause.
Oui, la police, municipale ou nationale, fait aussi le travail, parfois bien, parfois mal. Le rôle de l’encadrement est capital et là aussi se pose la question de la formation, mais aussi celle du maintien de personnel expérimenté sur le long terme dans ces zones chaudes du point de vue sécurité.

Les animateurs, par exemple du péri-scolaire, ont un rôle important à jouer, ainsi que les médiateurs. Là aussi, les situations sont variables, mais aussi variables que celles que vivent les établissements scolaires, ceux qui font des miracles, ceux qui sont gèrent mal une situation dégradée.

On peut citer aussi les animateurs sportifs, le personnel du bureau de poste qui explique à des habitants ne parlant pas français que par exemple, on ne peut pas chercher une lettre recommandée qui est au nom de sa femme sans son autorisation ou qu’il faut remplir de telle manière le transfert d’argent. Sans parler bien sûr des personnels de santé, le médecin qui parfois soigne gratuitement ou l’urgentiste qui répare les dégats de rixes ou d’accidents ou qui accueille des malades qui ne peuvent payer une consultation normale.

On pourrait en citer bien plus. (suite…)