Via sacra
Le président d’une association de professeurs de Lettres osait récemment comparer les « attaques contre l’enseignement du latin » venant du Ministère à la destruction des objets d’art de Mossoul ou les manuscrits de Tombouctou.
Pas de réponse plus pertinente que la savoureuse lettre que lui a adressée une enseignante de Lettres classiques :
Monsieur le Président,
Professeur de Lettres classiques, je découvre par hasard votre site et je suis ravie de voir que, face à tous ceux qui se répandent en lamentations sur les projets de réforme du collège, vous avez trouvé la bonne réponse : l’ excès, l’humour absurde, la démesure. Tombouctou, Mossoul, les barbares, le crime, le suicide, tout cela est excellent pour faire comprendre le ridicule des pleureurs et leur montrer leur béjaune , comme on disait chez Molière, car ce sont bien eux qui « suicident » leur cause à force de ne point raison garder et de refuser des évolutions qu’ils pourraient d’ailleurs infléchir s’ils acceptaient d’y contribuer.
Faisons évoluer les choses dans un sens positif !
C’est vrai qu’on est tellement éberlué par ces excès verbaux qu’on se demande parfois s’ils ne sont pas parodiques. Hélas non !
Les « défenseurs des langues anciennes » sont souvent de bien singuliers personnages, qui manient avec plus ou moins de dextérité la mauvaise foi, la démagogie et le narcissisme disciplinaire. Je ne parle pas de ceux qui peuvent argumenter raisonnablement, qui nous font réfléchir sur une question complexe et acceptent le dialogue. Je parle de ces furieux qui ne veulent même pas qu’on discute de la pertinence d’un enseignement spécifique au collège des langues anciennes et qui traitent de khmers rouges ou de talibans ceux qui osent avancer une autre opinion.
Pourtant, un illustre spécialiste, Paul Veyne, va beaucoup plus loin et revendique l’idée de ne garder l’enseignement structuré et systématique du latin et du grec qu’à l’université.
Ce que propose le ministère est d’une part d’intégrer, encore plus qu’aujourd’hui, les langues et cultures de l’Antiquité à l’enseignement du français, et d’autre part de prévoir une thématique spéciale dans le cadre des « enseignements pratiques interdisciplinaires » avec une possibilité de dérogation à la règle d’ateliers tournants, concession faite aux partisans d’une continuité pour les langues anciennes sur les trois ans du cycle. Il ne s’agirait en aucun cas de la disparition des langues anciennes, mais de leur intégration plus profonde aux programmes ordinaires.
Les arguments utilisés par les adorateurs des langues anciennes sont connus : on a besoin de connaitre nos racines (un mot cependant qu’il convient de revisiter à l’heure des « français de souche »), le latin et le grec sont utiles pour la compréhension de beaucoup de mots et d’expressions du français d’aujourd’hui, ces langues forment l’esprit, etc. (suite…)