Les projets de nouveaux programmes de « l’école du socle commun », c’est-à-dire des trois cycles qui vont du CP à la classe de troisième sont désormais en ligne. J’ai participé activement et de façon passionnante à leur élaboration (pour le cycle 4) et je me réjouis globalement de leur teneur. Je voudrais d’abord donner dix raisons pour justifier cet assentiment, puis je voudrais revenir sur divers commentaires qui m’ont été faits concernant les langues anciennes, mais aussi les langues vivantes.
Voici mes dix points positifs :
- La façon dont ont été élaborés ces programmes : transparence, concertation, expertise, puis consultation.
Rappelons qu’en 2008, on n’a jamais bien su qui avait élaboré les programmes. Il a fallu l’intervention du Haut conseil de l’éducation pour rétablir des références au socle commun, quasiment absentes dans une première version. Cette fois-ci, la composition des groupes de travail a été publique, une procédure de consultation est prévue, des experts ont été longuement consultés (auditions ou lectures).Les différents groupes comprenaient des chercheurs, des « cadres intermédiaires » (IEN, IPR, IG) et des enseignants de terrain, malgré la difficulté à concilier ce travail très prenant et la présence quotidienne en classe.
- La façon dont ils sont conçus : les trois volets, le programme par cycles.
Le triptyque est intéressant à plus d’un titre. Rappeler les objectifs du cycle, exercice d’ailleurs difficile, permet d’abord de cadrer dans une certaine logique l’ensemble des propositions, en espérant que ce texte soit lu par tous. Et l’originalité réside surtout dans le volet 2 : l’apport de chaque discipline au socle commun. A l’origine, ces disciplines, dans le cycle 4, devaient être présentées d’ailleurs par ordre alphabétique, pour bien montrer l’égalité de dignité entre toutes. Mais je pense qu’il y a eu volonté de placer le français en premier en raison de la priorité donnée à la maitrise de la langue française. Le volet 3 est plus classique, mais il y a eu cette volonté de respecter en gros un calibrage prédéfini à partir d’un cahier des charges comprenant une obligation de concision bien venue…
- Les attendus, sous forme de compétences à acquérir ; on se centre sur l’élève qui apprend
L’exercice consistant à formuler des phrases dont le sujet est « l’élève » montre bien dans quelle logique se situent ces programmes : celle de l’apprentissage et non celle du seul enseignement qui ne se préoccuperait pas d’abord de l’activité intellectuelle de l’élève. Loin de diminuer les savoirs, c’est les prendre vraiment au sérieux, en se demandant ce qu’en font les élèves. Logique de compétence bien comprise qui n’a plus rien à voir avec les micro-compétences des anciens programmes.
- L’équilibre entre la spécificité disciplinaire et les croisements de disciplines
Il est peut-être dommage que ces projets n’aient pas été publiés en même temps que les propositions de réforme du collège, car on aurait peut-être moins mis l’accent sur l’interdisciplinarité comme nouveauté, au risque de laisser penser dans l’opinion qu’on abandonnait les disciplines. La formule des EPI, dont on peut certes contester la dénomination, qui n’est pas due au Conseil supérieur des programmes, est peut-être la seule possible aujourd’hui : partir des horaires disciplinaires pour transformer certaines heures comme éléments de croisements transversaux, où la méthodologie disciplinaire sera utilisée au service d’un projet commun. C’était déjà à vrai dire l’esprit des Itinéraires de découverte, qui partaient des programmes, et qui ont bien fonctionné en majorité, malgré ce qu’une désinformation actuelle veut faire croire.
- La recherche du sens (exemple du français)
Dans le sous-groupe autour du Français que j’ai piloté, nous avons surtout cherché à donner plus de sens à la discipline. A quoi servent les schémas actantiels et autres recherche de champ lexical ? A savoir réciter tout cela lors d’un contrôle ? Ou à utiliser pour écrire un conte, pour mieux analyser une poésie ? A quoi sert l’énumération des différents compléments circonstanciels ? Sans doute pas à grand-chose. Ce qui importe en revanche, c’est s’approprier des outils grammaticaux très divers pour exprimer la causalité ou situer des actions dans le temps. Le sens passe aussi par le remplacement d’un programme très chronologique autour de l’histoire littéraire (qui aura toute sa place au lycée) par l’inscription des textes étudiés ou écrits dans des problématiques globales qui traversent les siècles. Ce qui n’interdit pas les rapprochements avec le programme d’Histoire, surtout dans le cadre des EPI.
- Le refus de l’encyclopédisme : les priorités, les choix, la responsabilité
Il est toujours douloureux pour un spécialiste d’une discipline d’opérer des choix. Mais se donner des priorités fait partie de nos responsabilités de pédagogue. Il faut en finir avec les heures perdues à faire étudier l’orthographe des adjectifs de couleur, les deux premières personnes du passé simple ou les distinctions subtiles entre figures de style (« métonymie » et « synecdoque » : oui, on a vu ça en troisième). Ce qui n’empêche pas, dans le cadre d’un projet bien précis d’aller loin dans les détails pointus. C’est ainsi que le vocabulaire de la chevalerie, totalement inutile en soi pour des collégiens de douze ana, prend du sens si on écrit un récit de chevalerie, si on organise une exposition suite à une visite du château de Guédelon, etc. En orthographe, cycle 3, mettre le paquet sur des questions essentielles comme l’accord simple sujet-verbe permet de ne pas se disperser et d’aller à fond sur un point décisif.
- L’appel au professionnalisme des enseignants et au travail d’équipe local
Il est assez incroyable que les mêmes qui réclamaient de la liberté pédagogique protestent quand on la leur donne. En fait, ceux-là voulaient des programmes faussement contraignants, sous forme de listing de connaissances, dont ils faisaient ce qu’ils voulaient en fin de compte. Oui, il va falloir s’organiser, se répartir certains thèmes, et en particulier se concerter au niveau des sciences, comme l’ont fait les sous-groupes qui ont réussi à mettre en commun des compétences dans quatre disciplines.
- Les continuités
Comme dans toute innovation, un équilibre doit être trouvé entre ce qui déstabilise et ce qui rassure. De nombreux éléments passés se retrouvent dans ces programmes et du coup justifient leur mise en place complète dès 2016, même si de nouveaux manuels ne sont pas prêts. Car les éléments de continuité sont importants. Par exemple en Histoire-géographie, ou en mathématiques. L’accent mis sur le numérique n’est pas franchement nouveau, mais il est amplifié, avec l’idée centrale de son utilisation forte dans toutes les disciplines.
- la prise en compte de l’enfant et du jeune dans une interaction avec l’élève
(ah, pour être élève, tu n’en es pas moins jeune, et vice versa »…)
Ce souci a été très présent. Qu’on lise notamment le texte général du cycle 4. Si les apprentissages cognitifs sont très présents, ils ne prennent pas toute la place, et la prise en compte de ce qu’est la jeunesse aujourd’hui a été également au cœur de la réflexion. Par exemple dans la mise en avant de la coopération, du travail de groupes. Mais aussi dans le développement de démarches actives, qui impliquent chacun, dans l’accent mis sur l’oral (donner son avis, exprimer ses sentiments), rien à voir avec le culte de la spontanéité comme le prétend odieusement un rapport sénatorial récent, consternant de stupidité et monument de désinformation.
- l’idée des passerelles culturelles (entre langues, entre
cultures populaires et culture légitime, entre sciences, lettres, techniques)
Ces programmes s’inscrivent parfaitement dans un socle qui est aussi « de culture ». IL suffit de parcourir tout ce qui est écrit sur la nécessaire appropriation du patrimoine culturel, notamment en histoire des arts. Rappelons que le PEAC (parcours éducatif artistique et culturel) doit être intégré au cursus des élèves. Mais des ponts nombreux sont jetés avec la culture des jeunes. Oui, on peut travailler en français sur un corpus d’œuvres très large et passer de Ovide et Homère aux séries télévisées ou aux dessins animés. Non pas en égalisant dans un relativisme qui serait condamnable, mais pour que les enseignants puissent jouer pleinement leur rôle de « passeurs culturels ».
J’ajoute donc quelques commentaires concernant les langues anciennes et vivantes.
Certains ont exprimé leur désaccord avec ce que j’ai écrit concernant la distinction à opérer entre l’apprentissage des éléments de culture gréco-latine et le travail sur la langue, pas indispensable selon moi pour s’approprier ces éléments ; je maintiens qu’il n’est pas nécessaire dans la formation commune au niveau collège d’être entré dans les subtilités du latin pour apprendre la rigueur, le raisonnement ou je ne sais quelle conscience de notre propre langue comme héritière (je parle du latin, car le grec est ultra-minoritaire). Personnellement, j’ose affirmer que mes années de latin de la sixième à la première (j’ai abandonné avec soulagement en fin de première pour faire des mathématiques en Terminale A2 qui m’ont bien plu, avec un programme intéressant) ne m’ont pas apporté grand-chose d’autre que de l’ennui et une certaine habileté à reformuler des traductions trouvées grâce au Gaffiot de textes antiques. Je me souviens de mes notes catastrophiques en thème. Je sais bien que les courageux anonymes qui me traitent de tous les noms sur certains sites très peu « néos », mais bien plus « archéos » diront que c’est bien pour cela que je ne sais pas penser et que je suis inculte. Mais je pense qu’on entend trop ceux qui, les trémolos dans la voix, évoquent leurs années de latin comme cruciales dans leur formation. Disons qu’on se forme de bien des manières. Le latin, bien sûr aussi, surtout avec une pédagogie plutôt renouvelée et souvent stimulante, comme le montrent les témoignages du hors série des Cahiers pédagogiques et un numéro plus ancien épuisé. Mais que dire de l’abandon massif à l’entrée au lycée, de ces élèves qu’on traine jusqu’en troisième, alors qu’ils voudraient tant laisser tomber cette matière. Que dire du très faible niveau de langue des élèves malgré les heures passées, parce que le latin, il faut en faire de façon vraiment intensive pour qu’on soit capable d’aller au-delà de quelques laborieuses traductions.
Oui, aux enseignants de langues anciennes d’être convaincants dans des établissements pour qu’on maintienne des horaires en dehors des indispensables EPI, avec des projets mobilisateurs qui justement articuleraient EPI et enseignements systématiques, faisant une place au grec.
Enfin, je continue à être irrité par la glorification de l’héritage gréco-latin, le « miracle » de la démocratie athénienne étendant ses vertus (relatives) à l’ensemble de la civilisation, dès lors qu’on oublie tous les maux qui accablaient ces sociétés : chauvinisme avant l’heure, règne massif de la corruption (entre Jeux Olympiques et élections à Rome), vendettas interminables entre familles et leur cortège d’horreurs (lectures des Atrides à la lumière des conflits dans les Balkans). Tant que certains inconditionnels de l’Antiquité ne seront pas plus équilibrés dans leurs jugements, j’aurais envie de pointer ces scories, qui ne font pas oublier l’émotion toujours ressenti à Épidaure, l’agacement qu’on étudie plus le puéril Antigone d’Anouilh au lieu de celui de Sophocle, le plaisir à travailler avec les élèves sur les Métamorphoses ou les Travaux d’Hercule.
Sur les langues vivantes, je n’entrerai pas dans la querelle des comptes d’heures, mais je dirais là encore que les établissements peuvent faire preuve d’imagination pour valoriser un enseignement plurilingue, y compris en intégrant les langues régionales. Je trouve très intéressante la promotion des activités de comparaisons interlangues et la formulation d’un programme qui soit autre chose que du langue par langue. Bien sûr qu’il faut encourager l’enseignement de l’allemand, des dispositifs existent et ont continué de fonctionner dans l’académie pilote de Toulouse. Je comprends mal cependant en quoi l’allemand serait moins choisi parce qu’on le commencerait en cinquième et non plus en sixième, surtout en sachant que au niveau lycée, la distinction première-seconde langue est abolie. Je ne parlerais pas de la stupidité de ceux qui brandissent le « globish » et le soi-disant anglais d’aéroport qui va désormais triompher, comme si savoir un anglais courant, latin des temps modernes comme le disait Umberto Eco, nuisait à l’étude de textes culturels. Là encore, j’invite à lire le projet de programme en Langues étrangères, riche et pas du tout anti-culturel.
Mais là encore, il faut d’abord lire les programmes avant d’aller à la manif.
Ce billet est déjà bien long. Je reviendrai très certainement sur tout cela prochainement.
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Je ne me lasse pas de vous lire.
Il manque une chose à votre blog : la possibilité d’imprimer facilement vos articles en pdf pour les afficher en salle des profs afin de donner à lire autre chose que la propagande que l’on y lit ou entend habituellement…
Si vous pouvez faire quelque chose pour cela, ce serait parfait.
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Je disais donc… les faire réfléchir sur la place de l’homme dans la nature, partir de la Bible, d’Adam et Eve pour aboutir sur le manifeste du grand chef indien Seattle. J’aime l’idée de pouvoir dégager des heures pour mes nombreux projets. Par contre j’apprécie Antigone d’Anouilh pour le jardin et le contexte, la possibilité d’étendre ce texte à tous les combats, pour la prise de conscience en chaque élève des troubles de l’adolescence.
Un moment, j’ai cru que c’était moi qui avais écrit le programme de 5ème, car il y a aussi une urgence, une prise de conscience nécessaire face à la société, c’est cet éveil là qu’il faut aussi faire partager aux enfants.
Apprendre à apprendre, à s’investir, à aimer les textes, à communiquer avec les autres : les blogs, les cartes heuristiques, les participations au concours, le carnet de lecteurs, soyons riches, ouverts, heureux d’enseigner. Bon courage, la période va être dure, je vais moi-même être traitée de suiviste alors qu’avant j’étais considérée au mieux comme innovante ou pire comme un peu fêlée.
J’ai lu avec intérêt les commentaires, puis j’ai abandonné.
Ce n’est pas les nouveaux programmes qui sont responsables de la salades composées dans la tête des élèves (puisqu’ils ne sont pas encore appliqués!!), mais bien notre façon d’enseigner, non?
Donner du sens, partager le « gai savoir » avec des projets, laisser la parole aux élèves, penser à leur bien-être, dire que chacun peut apprendre en fonction de ses compétences, de ses intelligences multiples, donner du sens. Tout cela n’est rien aux yeux des professeurs?
J’aime parler avec mes élèves des tribus nomades, les faire réfléchir
A « fille de prolo » (sic). LIbre à vous bien sûr de venir sur mon blog pour cette invitation des plus discourtoises à « prendre vraiment ma retraite », mais désolé, je compte bien continuer à me battre pour une école vraiment démocratique qui concilie justice et efficacité. Je n’ai aucun ressentiment envers mon passé d’élève, je serais mal venu d’en avoir ayant pu intégrer normale sup, etc. Mais je regrette surtout de m’être autant ennuyé à l’école, même si quelques enseignants m’ont tout de même apporté connaissances et compétences. Mais l’école que j’ai connue: « peut mieux faire ». Il vaudrait mieux débattre du fond. Encore une fois, si , sur un blog personnel, j’ai livré quelques aspects de mon parcours personnel, c’est bien peu de choses (en plus de soixante billets) et n’avait pour but que de contrebalancer les témoignages comme le vôtre (mais tant mieux pour vous si vous n’avez rencontré que des professeurs admirables et compétents et si vous trouvez que tout allait bien alors. Je continuerai à non pas « détruire un système », mais à militer pour améliorer ce qui existe, qui ne mérite ni excès d’honneur ni indignité…
SVP prenez vraiment votre retraite, surtout si les enseignements que vous avez suivis vous ont laissé du ressentiment! Laissez nous travailler grâce aux excellentes formations que nous devons à nos professeurs dont nous avons reçu un enseignement structuré et riche. Par parenthèse en A2 il y avait bien peu de maths! Que vous détruisiez un système auquel je dois d’être sortie de mon milieu social m’écoeure alors que je souhaite rendre ce que j’ai reçu de professeurs qui m’ont transmis leur savoir.
Je me permets de rebondir sur le rapport de 2007 faisant état de « 15% d’analphabètes à la sortie du CM2 « . Les programmes de 2008, en alourdissant de façon exponentielle le pôle grammaire (en CP/CE1, on frôle le délire, demandant via des évaluations institutionnelles à des élèves de CP de repérer le verbe dans une phrase dès le mois de janvier) ont-ils amélioré les choses? Mon avis là-dessus en tant que professeur des écoles exerçant en Rep+ est que non, bien au contraire. Soumis à cette pression, de nombreux enseignants ont littéralement sacrifié le pôle lecture compréhension, pour « tenir » le programme_et aussi parce qu’il paraît _j’ai bien dit « paraît » parce qu’à mon humble avis, c’est une erreur_ bien plus facile de faire ingurgiter des règles grammaticales que d’apprendre à lire (à entendre dans toutes ses composantes). C’est, me semble-t-il, oublier que pour pour une part importante d’ élèves tout vient de l’école et que si nous ne consentons pas à donner à ceux-là les clés de leur réussite, et bien alors nous continuerons de les envoyer droit dans le mur. Donc, dans cette optique-là, j’avoue que ces nouveaux programmes me paraissent aller dans le bon sens parce qu’ils font le pari, notamment, qu’en laissant plus de temps pour apprendre, qu’en offrant aux élèves la possibilité de faire du sens, de comprendre ce qu’ils font, de comprendre comment faire et comment s’y prendre, nous avons une chance de leur permettre d’acquérir ces codes qui leur font défaut et qui les empêchent de réussir pleinement.
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C’est quand même fou d’attaquer le latin et le grec pour des raisons totalement fantasmées (ce que vous reconnaissez d’ailleurs !), et de me reprocher mon impossibilité à débattre parce que j’aurais une vision déformée de votre travail et des méthodes que vous défendez. Tout ce contre quoi je m’érige, je le tiens de votre article. Désolée si cela ne suffit pas à me faire une réelle idée de votre travail et si je devrais d’abord consulter les Cahiers pédagogiques ainsi que votre dernier ouvrage avant d’émettre des arguments. De votre côté en revanche, pour les langues anciennes, il suffit de regarder le contenu des programmes de collège pour se rendre compte que vos reproches adressés à ces langues sont soit datés soit inventés. En effet, l’année de 4ème explore de long en large les problématiques de l’esclavage, des jeux du cirque (et donc la barbarie et des massacres que cela comprenait) tandis que dès la première année de grec, donc en 3ème, le thème de l’altérité et de la signification du « barbare » est abordé. J’ajouterai que l’étude de la cité selon le modèle spartiate et athénien est également au programme, ce qui implique une conception radicalement différente du vivre ensemble et de l’organisation politique d’une cité. Ah mais oui j’oubliais…. Le grec, tout le monde s’en fiche ! On le considère déjà comme mort et enterré et si l’on consent encore à débattre de la question du latin, ce n’est que pour souligner son déclin et en profiter pour le contester au lieu de le défendre et le protéger. Et le grec ? Qui se soucie du grec encore ? Pas vous manifestement.
J’en profite d’ailleurs pour dire que la justification de la suppression du latin à cause de son abandon apparemment massif au lycée est lui aussi totalement fallacieux. Mettez toutes les matières en option et vous verriez que les élèves jongleraient énormément entre elles selon leur bon vouloir et qu’aucune matière ne réunirait 100% d’élèves d’un niveau. : pas même le français et les mathématiques. De plus, (et je précise que je soutiens totalement ces matières) la musique, les arts plastiques et la technologie seraient sans doute massivement abandonnés car combien d’élèves, et de parents d’élèves, les jugent et les disent inutiles ? Il n’y a qu’à voir le nombre d’élèves qui considèrent qu’avoir une mauvaise moyenne dans ces matières n’est absolument pas grave car ça ne sert à rien. Phrase qui décidément m’horripile.
Et pour ma part, j’ai constaté que nombre d’élèves arrêtaient le latin à la sortie de la 3ème pour commencer l’apprentissage de l’italien au lycée. Personnellement, je vois ça comme une continuité et non comme un échec et un abandon pur et simple. Je n’appelle pas ça couper les ponts mais être curieux de la suite. Et bon nombre d’élèves aussi m’ont confié avoir eu des facilités dans l’apprentissage de l’italien grâce au latin. Encore une fois, tant mieux si avoir fait du latin, motive à prendre l’italien, langue qui est elle aussi cruellement en déclin et dont le département menace de fermer dans beaucoup d’universités.
Enfin, il y a une complète différence entre être un dingue, un « amoureux » de grammaire et d’orthographe, en faire ingurgiter à ses élèves jusqu’au vomissement et les rejeter entièrement. Il est choquant et aberrant que des élèves de 18ans, bac avec mention en poche ne fassent pas la différence entre nature et fonction d’un mot. Et encore, ce sont des bons élèves, alors imaginez les faibles…. Je ne vous raconte pas la confusion ! Enfin si, je l’ai déjà un peu fait, je ne vais pas multiplier les exemples.
Je suis entièrement sur la même longueur d’onde que Souad et mon ton belliqueux de mon premier message tient au fait que je suis révoltée par ces programmes, profondément en colère et que je me sens meurtrie, trahie par notre belle école de la République. Je ne la reconnais pas, la trouve bête, stupide, vide de sens et pire, je l’accuse de mettre énormément d’élèves en situation de détresse et d’échec scolaire car elle ne leur apprend plus ni à lire ni à écrire (en 2007, un rapport mentionnait 15% d’analphabètes à la sortie du CM2 !!!) ni à comprendre la culture dont ils ont l’héritage . Car c’est bien beau de vouloir se passer des langues anciennes mais c’est oublier que quasiment tous nos auteurs français sont nourris, pétris, formés par cette culture et pensent, écrivent par elle. Priver les élèves des clés de compréhension de cette culture, c’est la leur refuser.
Je termine ce trop long poste en disant que comme Souad, j’ai été énormément inventive avec les élèves de latin que j’ai eu l’énorme chance d’avoir au collège. J »étais très motivée pour leur faire découvrir cette culture que j’aime tant (y compris dans ses « défauts » et je continue à me délecter des histoires de Néron, Calligula et à les raconter). Avec les élèves que j’ai eus, j’ai donc pu faire des lotos en chiffres romains pour les leur apprendre, un trivial poursuite que nous avons inventés pendant l’année et auquel les élèves ont joué à la fin, le fameux goûter incontournable de recettes latines, des visionnages d’extraits de péplums, genre dont je suis très friande… Et pourtant, ce n’était pas la garderie pour autant. J’ai fait avec mes élèves énormément de langue, de grammaire et devinez quoi ? Ils ADORAIENT et éprouvaient plus de fierté et de plaisir à traduire des textes avec mon aide qu’à devoir apprendre des cours sur l’histoire ou la mythologie romaine. Mes 4èmes connaissaient même à la fin de l’année la concordance des temps dans une proposition infinitive, que le verbe introducteur soit présent ou passé et donc connaissaient aussi le subjonctif parfait et plus que parfait, et pourtant, encore une fois, je vous assure que je n’invente rien, ils aimaient beaucoup ça. Ils étaient contents de maîtriser ces notions difficiles et cela les éclairait beaucoup en français. En plus en les stimulant, en instaurant un peu de compétition entre eux (par exemple pour avoir le droit d’aller écrire au tableau la correction) et en faisant des petites pauses « moment étymologie » ou narration d’une anecdote entre ces exercices, cela passait très bien. Et eux-mêmes en redemandaient. Surtout quand ils pouvaient ensuite se servir de ces notions pour traduire des morceaux de texte.
Moi-même j’étais extrêmement contente, stimulée à mon tour et je réfléchissais à plein de moyens d’améliorer le contenu de mes cours et l’apprentissage de la langue quand soudain, j’apprends qu’on va me l’enlever. LE leur enlever. Et cela me mortifie et me met dans une rage folle car je sais à quel point ces langues sont précieuses.
Mais heureusement, l’allemand et, je viens de l’apprendre, l’histoire sont attaqués. Tant mieux ! Plus de professeurs seront touchés, plus nous serons à nous opposer à cette réforme dangereuse ! Car je n’ai rien dit des EPI mais je n’en pense pas moins !
Bonjour,
Vous n’avez pas aimé le latin et le grec mais vous avez aimé les maths en A2, d’autres s’est l’inverse : soyez heureux il n’y aura bientôt plus ni l’un ni l’autre. L’interdisciplinarité existait quand les disciplines avaient suffisamment d’heures pour le faire mais au lieu de permettre aux disciplines d’enfin donner du sens à celles-ci on va encore externaliser tout cela. Comme si l’interdisciplinarité, les compétences étaient dissociable des disciplines. Apprendre à apprendre sans avoir rien à apprendre est totalement inutile et contre productif : quel est l’intérêt d’une compétence que l’on utilise pas.
Certaines compétences ne s’acquièrent que par la pratique et ce que vous appelez savoir « encyclopédique » (il ne faut pas exagérer) permet de mettre en place cette pratique. La mémoire est à entraîner dès le plus jeune âge toutes les recherches médicales vont dans ce sens. L’usage, l’entretien de la mémoire protège les gens de la dégénérescence du cerveau. Mais comment développer celle-ci sans avoir rien à mémoriser.
Vous refusez de donner une culture que vous avez reçu : vous auriez peut-être préférer faire autre chose mais en attendant cette culture vous permet de vous exprimer comme vous le faites et d’être considéré comme un « expert ».
à m. Brighelli: (bonnet d’âne)
Vous n’êtes qu’un grossier personnage qui pratiquez l’insulte et la désinformation. TIens, vous n’avez pas déformé mon nom cette fois! Je ne vous permets pas de me tutoyer.
à Ricercar, à peine moins insultant. Je connais très bien l’usage du plus-que-parfait, temps que j’ai toujours enseigné et dont j’ai montré le caractère très usuel aux élèves, un temps si utile dans les récits bien sûr. Je voulais seulement souligner que l’expression « plus que parfait » était obscure, comme celle de « parfait » et était tout autant du jargon que bien d’autres expressions plus « modernes ». Mais vous lisez de travers avec malveillance, pour avoir une occasion d’attaquer l’ennemi à abattre; en fait je vous plains d’être dans cette posture…
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réponse à Ostiane
je ne partage pas tout à fait ton « radicalisme » -on se connait, c’est un critère pour tutoyer…-car je pense que si on apprend à lire et écrire en lisant et écrivant, il y a cependant besoin de moments de structuration, de synthèse, de retour réflexif et inévitablement se pose la question du métalangage. Mais il faut se demander à chaque fois si tel mot spécialisé est utile ou pas. Il est certain que « adjuvant » n’apporte rien par rapport à « aide », mais « champ lexical », pourquoi pas (car comment dire autrement: mots sur le même thème?, « prédicat » pas indispensable en effet, mais métaphore, sûrement, à condition de ne pas faire des exercices très formalistes sur la distinction comparaison-métaphore. On peut d’ailleurs donner des mots techniques et ensuite les élèves peuvent ou non s’en emparer. Le mot « anaphore » a pris du grade après la fameuse tirade de Hollande, et du coup cela plaisait à mes troisièmes de l’utiliser.
Après, il y a des notions utiles non à enseigner mais à utiliser au-delà des mots. Par exemple thème et propos, progression linéaire et à thème constant, ça peut être très intéressant pour écrire des textes ou pour repérer quelle information est mise en tête dans un journal. par exemple: Les programmes de collège, ils provoquent des débats passionnés chez les professeurs, ce n’est pas la même chose que Des débats passionnés divisent les professeurs sur les programmes de collège, on ne met pas l’accent sur les mêmes choses. Voir aussi mon billet sur le « jargon »
Quant aux souvenirs positifs ou négatifs, que dites-vous à ceux qui ont très mal vécu les cours de maths? Ou de SVT? Doit-on tout supprimer? Ou demander à rendre « vivant »? Je comprends mieux pourquoi vous avez peu d’estime pour le latin, langue « morte » (dire que j’ai passé mon temps à dire aux élèves que c’était une langue ancienne et non morte, ils vont bien rire maintenant…).
Sinon, moi j’ai fait faire des « boîtes à dieux » aux élèves, ça entre dans le côté « vivant » et « dynamique »? Quand je pense que nous, de nôtre côté, on a tout fait pour justement ne pas rendre les choses ennuyeuses, maintenant, j’ai envie de me gifler (qui a envahi la salle des profs avec une pile de boîtes et qui a été obligée de les déplacer de salle en salle? Je suis tellement polie que je l’ai fait toute seule, refusant toute aide!). Et j’ai fait faire de la LANGUE : mes 5e traduisent de courts textes depuis plus d’un mois déjà, ils sont de plus en forts. Ils reconnaissent les éléments de la phrase, font le lien avec le français (car je suis désolée, mais le travail sur les fonctions/cas et la nature des mots aident nos élèves à progresser, contrairement à ce que vous affirmez.
Cher Jean-Michel et chère Caroline,
Souad n’est ni un nom ni un surnom. C’est mon prénom. Tout simplement.
Bonjour Jean Michel,
bonjour à tous,
« il était urgent de foutre à la porte ces notions de schéma actanciel et de champ lexical, inopérantes pour des collégiens. Mais si c’est pour les remplacer par de la grammaire de l’énonciation et du texte, la distinction entre thème et prédicat et autres subtilités très techniques qui échappent même à des étudiants en lettres à l’Université… Est-ce là « donner du sens », vraiment ? »
Je me permets une piste de réflexion.
Sauf erreur de ma part, s’il nous revient à nous enseignants de maîtriser le vocabulaire de ces concepts issus du « jargon professionnel », c’est également à nous enseignants d’être les médiateurs des réalités linguistiques qui se cachent derrière, sans inonder les leçons de ce même vocabulaire abscons en effet pour les élèves et totalement hors d’atteinte. C’est à nous enseignants de révéler le sens derrière les concepts, d’incarner en chair et en os ce qu’est l’écriture. Pour apprendre il faut vivre l’objet d’apprentissage. Cessons de donner des leçons sur la situation d’énonciation et offrons des espaces d’écriture aux élèves, ils maîtriseront là les compétences indispensables; il sera alors peut être utile (ou pas) de synthétiser en fin de séquence les éléments de langage sous forme de schémas et de mots clés.
De jeunes élèves sont tout à fait capables d’écrire de magnifiques textes poétiques, sans que jamais ne soient prononcés les mots allitération, métaphore ou rime croisée. Ils sont capables d’écrire de merveilleux contes mythologiques sans que jamais ne soient prononcés les termes de schéma actantiel. Ce qui importe c’est de révéler la créativité des jeunes, que ce soit en Math, en Français, en Sciences… Moins de leçons, moins de gros mots et davantage de pratique. Les connaissances s’acquièrent dans l’expérience. On apprend à marcher en marchent, on apprend à parler en parlant, on apprend à écrire en écrivant, non?
En quoi ces programmes nous empêchent-ils de faire écrire les collégiens?
Merci de lire « Si je vous ai parue »…
Mme Souad (c’est étrange, mais je ne voulais pas écrire juste Souad afin de nous mettre sur un pied d’égalité).
Si je vous es parue « paternaliste condescendante » je vous présente mes sincères excuses. Je disais même pour conclure que j’espérais pouvoir travailler avec un ou une collègue professeur de latin ou de grec. Vos remarques m’ont fait du bien, c’est important de se remettre en question. Le ton que j’ai employé était peut-être inapproprié.
Je suis heureuse de lire le mot « inclusion » dans votre message. Vous avez raison, je n’inclus probablement pas assez les élèves d’EGPA à qui j’enseigne (« mes élèves » c’est plus court, mais sur ce point aussi, vous avez raison).
Avec une amie professeur de latin, nous sommes en train de travailler sur une séquence (en vue d’une future EPI peut-être) pour la rentrée prochaine. L’idée étant de proposer du latin à tous les élèves, même en grave difficulté scolaire. J’ai lu les arguments des professeurs de langues anciennes (que je n’ai pas insultés, là, vous avez tort) et je comprends vos inquiétudes. Je lis que les langues anciennes sont nécessaires pour comprendre notre langue et je vous crois. Mais pourquoi donc ne pas en faire profiter ceux qui ont le plus besoin de comprendre notre langue ? Pourquoi ne pas faire profiter tous les élèves ?
Si notre travail prévu avec ma collègue professeur de latin vous intéresse, n’hésitez pas, un oeil critique (mais bienveillant) fait toujours progresser.
Coopérativement
à « Loupiotte » et « Souad »
je regrette toujours cette pratique des surnoms, j’aime mieux m’adresser à des interlocuteurs identifiés, mais bon, peu importe.
J’essaierai prochainement de faire un billet de réponse à ces attaques souvent virulentes. Je ferai juste remarquer:
– que si j’ai témoigné de mon passé d’ancien élève en latin, c »est aussi pour contre-balancer ceux qui n’en parlent qu’en termes positifs. Je ne suis pas le seul à m’y être beaucoup ennuyé, sans vrai bénéfice (mais bien d’autres cours étaient ennuyeux, et j’ai tellement plus appris dans un club théâtre en dehors des cours au lycée que pendant ces cours magistraux de français où l’on m’enlevait plutôt le goût de la littérature, que j’avais par ailleurs!). Personne ne peut faire de son expérience une généralité
– je n’ai insulté personne ad hominem. Une chose est de qualifier une attitude générale de certains défenseurs des langues anciennes, autre chose est de traiter une personne d' »abruti » (ce n’est pas votre cas personnel, mais quelqu’un l’a fait!) Mais si je ne suis plus ce personnage de Molière qui n’a de lettres que celles qui servent à écrire le mot « sot »(cc’est dans « Cyrano », mais s’applique au personnage « trois fois sot », n’est-ce pas?)
-me dépeindre en destructeur de la culture, chantre de l’utilitarisme, est tellement éloigné de la réalité que cela pourrait me faire sourire s’il n’y avait derrière une impossibilité à débattre sérieusement. Pour prendre deux exemples, bien sûr que les élèves doivent s’approprier le mot « aubergiste » et lire par exemple « les trois aveugles de Compiègne » que j’ai fait jouer à des cinquième en plusieurs occasions, mais justement de façon vivante et dynamique, par exemple à travers la transposition théâtrale. Et bien sûr que le par coeur garde sa place (voir un chapitre sur la mémorisation dans mon récent ouvrage « apprendre à apprendre ») et que certains savoirs doiventêtre automatisés. Peu de pédagogues le contestent. Ce que je remets en cause, par contre (ou en revanche, pour être puriste!), c’est l’efficacité d’apprendre par coeur des « règles »; je connais des élèves qui en ont été abreuvés depuis le cp et qui dans la pratique orthographique quotidienne ne les applique pas du tout. IL y a énormément de dispositifs pour travailler l’orthographe que nous avons mis en avant dans un cahiers pédagogiques sur l’orthographe que je vous conseillerais volontiers si vous acceptiez d’aller voir la réalité de ce que nous produisons et non une vision fantasmée et déformée.
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Je préfère, avant de subir de nouvelles basses attaques, prévenir que mon téléphone (et son écran soi-disant tactile) n’étant pas de première jeunesse, mon message précédent comporte des fautes ou des répétitions. Que voulez-vous? Paraît que je suis d’un monde ancien…
Oui restons polis.
Je regrette l assimilation au personnage de Molière. Qu à dessein je ne renomme pas.
Comprenez cher blogueur la détresse de ces collegues de lettres classiques (MERCI chère Souad pour votre beau message ) qui ont l impression de tout perdre.
Votre façon de « saluer » la réforme a entraîné cette réaction épidermique, plus agacement qu attaque ad hominem.
Sur le reste, je ne retire rien.
Et je suis d accord sur un point : ce ne sont pas mes professeurs de college et de lycee qui m ont fait aimer les LA. Mais en fac, quel souvenir et quel bonheur !!!
Et quel bonheur malgré tout de transmettre cet héritage a mes eleves, qu’elles que soient leurs origines.
Mme Faivre, pouvez-vous cesser de parler de façon aussi insultante des professeurs de langues anciennes? Tout sent le paternalisme condescendant chez vous . Vous dites « vos » élèves de SEGPA, mais vous sont-ils réservés? On est dans l’inclusif aujourd’hui, non? Quant aux insultes, relisez ce qui dit ce monsieur de nous.
Ce que je constate c’est qu’il y a de plus en plus de haine à l’égard du savoir. Les professeurs de langues anciennes sont les premiers visés, mais bientôt, on s’en prendra à l’histoire, au français, aux mathématiques,… jusqu’à transformer l’ensemble de l’école en un immense centre aéré ou le seul objectif sera le divertissement (dans le sens étymologique du terme, car ne faisons que de l’étymologie puisque c’est ce qu’on attend du latin et du grec maintenant).
Je ne reviens pas sur le raisonnement simpliste : nous serions dans la glorification de l’héritage gréco-latin (c’est vrai, on ne parle pas à nos élèves de l’exposition atroce de la tête et des mains de Cicéron après sa mort, de l’esclavage, des défauts de la démocratie athénienne,…).
Je me permets de dire ma stupeur devant ces programmes et devant vos propos d’autant plus facilement qu’issue moi-même de la « diversité » (bel euphémisme pour dire ici maghrébine) , c’est dans un collège ZEP que j’ai commencé le latin. Et c’est dans ce collège que j’ai décidé de devenir professeure de langues anciennes. Je ne comprends absolument pas ce mépris pour cet « héritage » qui est le vôtre et qui est devenu le mien. L’insulte viendra sans doute de votre part : n’avez-vous pas écrit que nous nous parlions de nos souvenirs avec « des trémolos dans la voix »!
C’est à travers la LANGUE qu’on arrive à accéder à l’esprit d’un peuple. C’est par la LANGUE que doivent entrer les élèves dans ces mondes!
Je me sens d’autant plus trompée que j’ai passé avec conviction le CAPES de Lettres Classiques récemment (juste avant sa disparition). Je refuse qu’aujourd’hui, vous décidiez de changer mon métier complètement (je deviens un professeur de « culture » et non plus de langue puisque la langue sera réservée , et vous le savez très bien, aux établissements d’élèves favorisés! Comment voulez-vous que nous arrivions dans les établissements REP à imposer des heures de latin quand on voit l’état de nos moyens?).
Et on vient ensuite m’accuser (et accuser « mes » élèves comme le dit Mme Faivre) de porter atteinte à l’identité et à la civilisation de ce pays! Le comble!
J’ai essayé de me faire passeur, mais là, je suis juste écœurée. Je crois que je vais passer l’agrégation externe de Lettres Classiques et surtout, je ferai tout pour continuer à faire comme je faisais!
Bravo et merci pour ce travail, énorme, très cohérent et réfléchi : je les trouve très bien construits ces nouveaux programmes, plus proches de la réalité des élèves, soucieux des priorités et de la dimension humaine. Ils laissent une grande liberté aux enseignants mais leur demandent une réflexion et une souplesse un peu plus grandes. Ils me donnent envie de revenir au collège ! (en dispo depuis 4 ans) Les réactions des collègues en revanche me rappellent pourquoi je suis partie 🙁
Certains commentaires me laisseraient presque sans voix. Quelle condescendance! Quelle mauvaise foi!
Ne pas être d’accord (voire carrément être contre), pourquoi pas (et même tant mieux, le débat est enrichissant)? Mais je trouve qu’il est tristement injuste d’accuser l’auteur de ce billet d’être méprisant avec les collégiens, de participer à une prétendue sape du système éducatif, alors qu’il est un fait qu’il s’est toujours battu pour que l’école soit plus juste, et, il me semble que cela mérite au moins un soupçon de respect.
Cher Jean-Michel
Merci pour ce billet et ce travail de militant. Qu’on soit d’accord ou non avec toi, qu’on soit pour ou contre cette réforme (moi, je suis plutôt pour, j’ai des réserves, surtout sur la forme, sur la méthode), rien ne justifie les insultes, les invectives… Cette réforme est bien globale, enfin presque. Quand parlerons nous de pédagogie ? c’est à dire, en simplifiant, du faire classe ? quand formerons nous les enseignants au groupe, à la gestion du groupe, mais aussi, dans la lignée de C. Blanchard Laville ou de l’AGSAS à l’analyse de la pratique ?
Qu’un professeur de latin qui adapte la main à la pâte à ses classes. Pourquoi ne pas continuer dans le cadre d’un EPI ? Finir un billet qui laisse espérer, malgré l’opposition et la déception, malgré la controverse, par une insulte est indigne, dénature l’ensemble du message. Là où une discussion aurait pu émerger ne reste que l’agressivité, l’esprit étriqué. Dommage.
Il faudrait penser également à distribuer la grammaire de Freinet, si courte et suffisante, et faire comprendre qu’apprendre une langue n’est pas faire du solfège, mais bien pratiquer, faire entendre, faire chanter… On n’apprend pas les notes en les lisant, mais en les jouant, en les pratiquant. Combien d’enfants écœurés par de telles pratiques.
J’aurais aimé fabriquer des vases grecs, saluer mon professeur de latin d’un Ave magister sonore et enthousiaste ! Et mes copains des villages seraient certainement venus aussi. Curieux, j’ai l’impression d’entendre parler du collège de mon enfance, qu’un collègue bienveillant a appelé « collège bataille », sans connaître l’expression école caserne de Fernand Oury. Encore un nom qu’il faudrait faire connaître dans les établissements du secondaire. Freinet, Oury… un rêve…
Courage et solidarité.
Je ferai tout mon possible pour que ces programmes ne soient pas appliqués et nous sommes nombreux dans les salles des professeurs à agir de même.
Nous résisterons car nous aimons la littérature patrimoniale, les langues anciennes et la grammaire !
Loupiotte (c’est mignon ;-))
Je ne crois pas que cette réforme déconstruise. Je crois qu’elle tient compte du fait que notre système n’est pas juste actuellement. Je crois que nous devons penser à tous les élèves, et pas seulement à ceux qui adorent les leçons de grammaire et d’orthographe. Je le crois parce que, qu’on le veuille ou non, certains élèves ne pourront pas apprendre par coeur et ne réussiront pas s’ils ne comprennent pas le sens de ce qu’ils font. Mes élèves d’EGPA m’interrogent sans cesse sur l’intérêt de ce que je leur apprends (votre exemple de l’aubergiste me parle, parce que j’ai étudié « l’homme à l’oreille coupée » avec mes 6èmes et ils ne connaissaient pas le mot « aubergiste » non plus. Et je le leur ai appris ! Et je ne les ai pas culpabilisés de ne pas connaître ce mot. Je les ai aidés à comprendre! C’est mon job.)
J’espère pour ma part que nous pourrons travailler tous ensemble pour le bien de tous les élèves (j’insiste, mais… nous sommes peu nombreux à nous offusquer du fait que certains élèves soient mis à part… j’aimerais tellement que tous les professeurs soient aussi choqués que vous l’êtes aujourd’hui!).
Je crois que nous voulons tous le meilleur pour les élèves, mais nous devons placer le curseur de sorte que tous les élèves soient pris en compte.
Et ces insultes à la personne doivent cesser il me semble.
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Née en 1991, je m’estime victime de ces diverses pédagogies dont celle qui nous est présentée ici découle. TOUT mon niveau d’orthographe et de grammaire date du CM1, je dis bien tout mon niveau. Parce que j’avais un instituteur de l’ancienne école qui a très lourdement mis l’accent sur l’orthographe et la grammaire pendant cette année et un peu plus de 10ans plus tard, je ne peux que le remercier. Pas une dictée, pas une leçon de grammaire ensuite (ou si peu). Résultat : 10ans plus tard, je fais de plus en plus de fautes et je suis frustrée de manquer de connaissances grammaticales quand je m’intéresse à d’autres langues.
FRUSTRATION, COLERE. Je pense que ce sont deux mots qui résument très bien l’état d’esprit des élèves aujourd’hui. Car comme on vise à supprimer les cours théoriques, répétitifs, a priori sans intérêts, on les condamne à penser constamment sans jamais pouvoir se passer d’outils annexes (calculatrice, dictionnaire et autres….). Savez-vous à quel point il est énervant de toujours devoir se reporter à un dictionnaire car on hésite, de toujours devoir vérifier le contenu de tel article car on ne sait plus très bien ce que tel mot veut dire ? Savez-vous comme il est irritant de devoir à 23ans vérifier sur internet les formules à employer pour calculer des pourcentages parce que vous doutez, parce que personne ne vous l’a fait apprendre par coeur pendant votre scolarité et que, étant jeune, vous étiez bien content de ne pas à avoir le faire ??? En refusant « l’encyclopédisme », l’apprentissage par coeur, le théorique et je ne sais quoi d’autre, vous CONDAMNEZ les élèves à demeurer perpétuellement dans l’hésitation, à confondre les notions, à les mélanger, à ne plus très bien savoir dans quels tiroirs ranger ses nouvelles connaissances. Et cela, c’est une sensation écrasante, oppressante car on a l’impression de rester un nul, un bon à rien pour toute sa scolarité. Je sais parfaitement de quoi je parle, j’ai donné des cours particuliers à des élèves de tous niveaux, du CP aux études supérieures. Et partout, à chaque fois, la nécessité de devoir recréer des cases, remettre les choses à leur place car les élèves étaient totalement perdus. J’ai connu un élève de 1ère S, de bonne famille, très travailleur par ailleurs, qui croyait qu’entre l’Antiquité et aujourd’hui, il n’y avait même pas 500ans d’écart. Les chevaliers de la table ronde et Maupassant ? Quasiment la même époque. Nous et Maupassant ? 50ans d’écart, tout au plus. Vous n’imaginez même pas tout le bazar que cela engendre. Pareil, j’avais deux élèves commençant le latin en classe préparatoire qui m’ont appelée en moins de 3 semaines car elles étaient complètement perdues. Toutes deux avaient eu leur bac mention Bien. Et pourtant…. Je me suis aperçue immédiatement qu’elles confondaient nature et fonction d’un mot…. Ayant toutes deux fait de l’espagnol, elles ne connaissaient pas du tout le principe des déclinaisons. Imaginez un peu la confusion que cela engendre quand on ne sait pas différencier un verbe, d’un nom, d’un pronom, d’un adjectif, d’un adverbe, etc…. Une fois ce genre de notions simples remises en place, elles ont adoré le latin car c’était « concret » pour reprendre leurs mots et même en français, tout s’éclairait. J’ai moi-même été professeure dans une classe de français de 4e l’année dernière. Impossible pour eux (et je vous assure, je vous jure que je n’éxagère pas) de comprendre une seule page d’un texte du XIXème siècle. Il leur manquait trop de mots. Lors de mon 1er cours, le mot « aubergiste » apparaissait dans les 3 premières lignes de mon texte. Quand j’ai demandé aux élèves quel était le métier du 1er personnage, aucune réponse. De fil en aiguille, j’ai fini par comprendre que le mot « aubergiste » posait problème. Quand j’ai demandé ce que cela voulait dire, un seul élève a levé le doigt pour me dire : « C’est un cultivateur d’aubergines, non ? ».
Au moins il connaissait les aubergines…
J’arrête là avec mes exemples. Tout ce que je veux montrer, c’est qu’à force de poser la question « A quoi ça sert ? », on se retrouve avec ce constat premier de « Pas grand chose ». C’est vrai, à quoi cela sert-il de savoir ce qu’est un aubergiste ? Cela n’existe plus. Et pourtant, on supprimant tous les mots aujourd’hui obsolètes, on ne peut comprendre quasiment plus rien. Si tel roman se passe en Asie, sur un bateau ou je ne sais où, forcément les mots rencontrés vont être spécifiques. En les supprimant, on empêche notre jeunesse de lire des textes pourtant passionnants. A moins de les obliger à recourir sans cesse au dictionnaire. Mais qui voudrait interrompre sa lecture pour vérifier des mots toutes les trois lignes ? Pour s’en passer, il faut connaître ces mots par coeur et bien passer par la mémoire. Le plus tôt sera toujours le mieux. Il en va de même pour toutes les matières et la culture. Plus tôt les enfants seront cultivés, plus tôt ils pourront diversifier leurs centres d’intérêt et comprendre le monde qui les entoure. Et quand ils comprendront, ils seront très certainement beaucoup plus attentifs, intéressés, studieux en cours parce qu’ils auront dans leur tête les outils pour le faire.
Arrêtez de vouloir déconstruire. Il faut d’abord des barrières, des frontières et des murs entre les matières pour créer des bases solides. Ensuite, on pourra les supprimer et tout mélanger. Mais seulement quand la base sera bien solide !
J’ai beau essayer de comprendre pourquoi vous vous en prenez ainsi à une personne, j’ai beau essayer de chercher les raisons qui vous poussent à agir ainsi, je ne comprends pas. C’est certainement parce que nos objectifs sont très éloignés. Je ne connais aucun professeur de latin ou de grec qui ait envie de travailler avec mes élèves en difficulté. Bien souvent, les professeurs de collège ne sont pas choqués que les élèves de SEGPA soient majoritairement des élèves de milieux défavorisés et ne sont pas outrés qu’ils soient orientés dans des filières à part, « pour leur bien », en ne leur offrant pas la possibilité de comprendre leur langue grâce au latin ou au grec. Pourtant, j’adorerais travailler avec un collègue professeur de latin. Voilà… Pourquoi les élèves de SEGPA sont-ils privés de cette belle culture que les professeurs de langues anciennes offrent ?
(Ps : pour « vivre ensemble », le mieux serait de commencer par ne pas s’insulter, ça, mes élèves de SEGPA l’appliquent mieux que certains apparemment! )
Merci M. Zakhartchouk pour tout ce que vous faites pour l’égalité des chances, pour TOUS les élèves.
Bonjour,
Je m’interroge moi aussi sur la disparition des langues anciennes, je ne suis plus éleves ni professeurs, j’entre dans la vie active et pourtant je me sers tous les jours de mon apprentissage antique. Je ne parle pas de langue, mais aussi d’histoire, de culture, de Litterature, de mythologie qu’on apprend à travers les textes.
Je suis allée dans un collège Zep et mes seules heures de soulagement était les deux pauvres heures consacrées au latin. J’y ai appris tellement.
Je m’interroge pour la suite, pour les futurs élèves de lettres modernes par exemple. Le double travail quand ils étudieront la renaissance ou les classiques, avec leurs références à l’antiquité. Que ces élèves n’auront pas appris et qu’ils devront réapprendre au lycée ou à fac alors meme qu’il y avait des cours tout adaptés pour ça.
Je suis intriguée également par le fait que vous dites adorer les maths, et avoir détesté vos cours de latin. La réforme est donc faites selon votre goût personnel ? Moi j’adorais le latin, la physique et la S.V.T. Mdr
mais j’avais horreur des maths… Si j’étais à votre place j’aurais peut être pu intégrer les mathématiques au programme de physique parce que vraiment… « On pert son temps à apprendre des calculs que n’importe qu’elle machine peut faire » et pourtant voyez-vous malgré la peine que j’ai eu avec les maths jusqu’au cours de mes études supérieurs, je ne permettrais jamais de dire que l’ont peut s’en passer.
Encore une belle Betise pour l’éducation française, j’ai peur de la prochaine étape… Va t-on rassembler toutes les humanités en une seule matière comme dans les lycées techniques ? Parce qu’a l’évidence le français, l’histoire, les langues c’est une meme chose… Ce qui fait de nous des êtres pensants et intelligents.
Sur un blog personnel, on peut bien parler de son expérience personnelle, ce que je ne ferai pas sur un autre support. Je ne prétends pas qu’il faille généraliser à partir de ce cas (ancien, et les choses ont bien évolué, heureusement, contrairement à ce que prétendent les nostalgiques du passé). Le latin était déjà optionnel, non? Vous voulez le rendre obligatoire et créer pour cela des dizaines de milliers de postes. Est-ce la priorité? D’ailleurs, les langues anciennes soient loin d’être « expulsées » du socle, (où elles n’étaient pas présentes dans l’ancien) puisqu’il y aura un EPI pour tous spécifiquement.
Vous avez raison: « programmes » est un raccourci, il s’agit bien de « projets de programmes ». Sur la composition du sous-groupe français, les noms ne sont pas en ligne sur le site, c’est vrai, mais il y avait beaucoup de sous-groupes, plus ou moins formels, et donc il n’y avait pas à mettre les noms et je ne puis me permettre de les donner, on peut cependant me croire sur parole…
Les thèmes, on les a travaillés à partir de pratiques existantes, mais en opérant une synthèse. L’approche chronologique ne sera pas absente, mais elle se fera à la manière de ce qui existe en troisième lorsqu’on compare la tragédie antique à la tragédie au XX Siècle. Etes-vous vraiment sûr que le découpage actuel permettait vraiment l’acquisition de ces évolutions de formes à travers les siècles? N’est-il pas intéressant, dès la cinquième, de voir comment une même problématique peut être traitée de façon différente selon les époques. En revanche, un travail commun avec l’Histoire est plus que jamais possible en EPI comme je l’ai déjà fait.
Quant au corpus d’oeuvres, nous avons hésité à en proposer un qui paraitrait trop prescriptif à ce niveau-là (des programmes) mais des listes seront suggérées dans des compléments.
Désolé que vous soyez « énervée », mais je ne doute pas de la « motivation » y compris de gens qui ne sont pas d’accord avec moi…
Vous êtes un des rares parmi ceux qui depuis hier soir m’envoient des commentaires virulents, peut-être concertés, mais peu importe, à argumenter un tant soit peu et votre chute finale ne manque pas d’esprit, même si c’est à mes dépens (d’autant que j’aime beaucoup le film de Burton!) Je suis très loin de mépriser les milliers d’enseignants de langues anciennes qui ont rénové cet enseignement et je n’ai jamais dit que l’expérience que je relate est exemplaire, je dis même explicitement le contraire. Je dis aussi que j’ai participé à des numéros des cahiers pédagogiques sur les langues anciennes où nous avons recensé beaucoup de ces expériences. Je ne vise pas ces enseignants et on peut débattre sereinement de la place des LA au collège. Mais avouez que les références à Romilly et à l’indépassable civilisation grecque, etc. sont nombreuses dans les médias, chez certains intellectuels.
Quant au vocabulaire de la chevalerie, et autres, tant qu’on n’admettra pas qu’il y a des priorités et que si on est passionné par les chevaliers de toutes façons, on l’apprendra en dehors de l’école …ou dans un EPI qui sera consacré éventuellement à la chevalerie (mais j’avoue qu’il y a des thèmes plus importants au Moyen Age, et en tout cas, il faut aussi démystifier une certaine légende dorée, ce que j’ai fait avec mes cinquièmes en travaillant par exemple sur Raoul de Cambrai.
Mais je crois que nous arriverons difficilement à un accord. Cependant, j’accepte toutes les invitations à débat du moment qu’il n’y a pas d’insulte, style « abruti » (qualificatif utilisé dans un autre commentaire)
(Mais que vient donc faire le thème grec dans mon commentaire précédent! N’ayez crainte, Monsieur, je ne vais pas en plus leur inculquer une autre langue morte, de peur de les achever définitivement. Il ne s’agit que d’un emballement de ma pensée que ma main n’a pas su retenir!)
VALE
Cher Monsieur,
Merci pour votre tirade sur le latin. Sachez que mes élèves de première sont actuellement en train de la traduire en thème grec, non sans un certain plaisir (ils raffolent du thème latin) et par la même occasion,ils m ont prié de vous remercier pour la simplicité de la construction syntaxique!
Bien cordialement.
Souvenir pour souvenir, voilà le mien: de la cinquième à la troisième j’ai eu des professeurs qui nous faisaient des cours de latin surtout orientés vers la civilisation. En seconde, une enseignante formée « à la vieille école » nous a fait acquérir une solide base linguistique, avec un degré d’exigences qui en a choqué plus d’un mais qui au bout de quelques mois nous a permis de donner sens à cet enseignement devenu intéressant. Loin du divertissement donc. Car voilà une chose que les pedagogistes ne peuvent pas comprendre : la prise de conscience par un élève de l’intérêt d’un enseignement peut être rétroactive, l’adolescent ne s’ enferme dans le plaisir immédiat que si on ne lui offre jamais l’occasion de mesurer par lui-même le plaisir qu’il peut y avoir au-delà de la contrainte immédiate.
Je m’attarderai ici sur la question des langues anciennes. Monsieur Zakhartchouk, vous avez la soixantaine bien tassée. C’est très jeune en comparaison de l’âge des textes antiques, certes, mais c’est en gros l’âge de mes parents. J’ose espérer que, dans votre enquête sur l’enseignement des langues anciennes, vous vous êtes fondé sur autre chose que sur vos souvenirs de cours. L’enseignement et les enseignants de langues anciennes ont beaucoup changé depuis les années 1970-1980. Sans parler naturellement du fait qu’une expérience personnelle peut rarement s’élever en généralité sans un minimum de vérifications.
Vous auriez pu vous fonder, par exemple, sur le rapport de l’Inspection générale rendu en 2011 (‘L’enseignement des langues et cultures de l’Antiquité de le second degré’) qui montre les multiples expérimentations tentées par les enseignants de Lettres classiques.
Or le tableau que vous dressez ici de l’enseignement des langues anciennes n’a rien à voir avec la réalité actuelle de ces cours. Et le projet actuel de réforme trahit une ignorance coupable de ce rapport de 2011, ou même que celle des programmes de 2011, bref, une ignorance du présent. Réformer une réalité qu’on ignore, voilà en effet un exercice qui n’a pas dû être facile.
Quant aux arguments des enseignants de langues anciennes que vous réfutez ici, ils sont, comme le reste, d’une autre génération. Vous parlez comme si la seule personne à défendre encore les langues anciennes était feu Jacqueline de Romilly, qui n’a d’ailleurs jamais eu le monopole de la défense des langues anciennes (les conférences d’un Jean-Pierre Vernant, par exemple, avaient un tout autre discours sur ce concept du « miracle grec » que les hellénistes actuels s’accordent à considérer comme obsolète).
Bref, vous caricaturez des centaines de milliers de personnes en tentant de les réduire à de vieux réactionnaires.
Le tout avec des arguments d’une naïveté étonnante chez un enseignant qui se dit expérimenté. Croyez-vous faire découvrir aux latinistes et aux hellénistes que les civilisations antiques n’étaient pas parfaites ? Mais c’est votre présupposé implicite qui fait sourire : pensez-vous donc que ces défauts rendent ces cultures, et leurs langues, impropres à être enseignées aux collégiens ? Pas plus tard qu’il y a quelques semaines, j’ai lu et commenté avec mes latinistes de 4e le texte de Juvénal sur les « Graeculi », les « sales petits Grecs », et nous avons abordé le sujet de la xénophobie dans l’Antiquité. Nulle idéalisation, mais un thème aux résonances actuelles, abordé sous un angle unique rendu possible par la distance historique.
Cependant, ce sont vos propos concernant le programme de français qui me font frémir. Par refus de « l’encyclopédisme », vous jugez inutile d’étudier au collège les deux premières personnes du passé simple ? Vous jugez inutile en lui-même pour des élèves de 14 ans le vocabulaire de la chevalerie ? C’est trop fort ! Je suppose que vous auriez aussi jugé bien inutiles mes lectures de romans historiques, ma passion pour le vocabulaire de l’ancienne Egypte ou mon acharnement (partagé par beaucoup, je le crains) à retenir exactement les noms de nombreuses espèces de dinosaures ?
Le rasoir d’Ockam est un outil dangereux s’il n’est pas manié avec subtilité : le vôtre est un coupe-gorge. Prenez garde : vous vous rêviez Jules Ferry, vous agissez en Sweeney Todd.
Le latin envoyé au rebut, la grammaire mise en pièces (bon courage après cela pour apprendre une langue comme l’allemand !), la littérature diluée dans un magma informe sans repères chronologiques, une diminution spectaculaire des heures de français : effectivement, vous avez de quoi être fier ! Il ne faut jamais désespérer des abrutis, avec un peu d’entraînement on peut en faire des didacticiens…
« Personnellement, j’ose affirmer que mes années de latin de la sixième à la première (j’ai abandonné avec soulagement en fin de première pour faire des mathématiques en Terminale A2 qui m’ont bien plu, avec un programme intéressant) ne m’ont pas apporté grand-chose d’autre que de l’ennui et une certaine habileté à reformuler des traductions trouvées grâce au Gaffiot de textes antiques. Je me souviens de mes notes catastrophiques en thème. » Ne pouvez-vous pas vous dire que le cours de latin a largement évolué depuis ? Je vous conseille de lire le dernier rapport de l’Inspection Générale en la matière.http://media.education.gouv.fr/file/2011/55/3/Rapport-2011-098-IGEN_215553.pdf
« Le sens passe aussi par le remplacement d’un programme très chronologique autour de l’histoire littéraire (qui aura toute sa place au lycée) par l’inscription des textes étudiés ou écrits dans des problématiques globales qui traversent les siècles. » : que vous le vouliez ou non, chaque texte a été écrit à une époque, dans un contexte précis. Une approche chronologique des textes, et des oeuvres artistiques en général, permet à des élèves très faibles de comprendre et d’avoir du plaisir sur Corneille, Madame de Sévigné, Molière, Montesquieu, Hugo, Maupassant, notamment grâce au fait qu’ils soient abordés dans cet ordre-là et pas un autre.
Quant au groupe de français qui a travaillé sur le cycle 4, je m’interroge sur les autres personnes qui le constituaient, puisque vous êtes le seul mentionné sur le site du ministère.
Je me demande aussi d’où sortent les 4 thèmes proposés en français.
Vraiment, nous sommes nombreux à ne pas comprendre du tout les bienfaits de ces « nouveaux » programmes, revenant en arrière vers 1997, sans noms d’auteurs, avec un étrange « prédicat » au cycle 3.
« Mais là encore, il faut d’abord lire les programmes avant d’aller à la manif. » : j’ai lu, je relirai non pas les programmes mais les projets de programme et éventuellement les compléments, et je crains de ne pas changer d’avis, de faire grève, de manifester, et de faire entendre haut et fort le mécontentement et les inquiétudes du corps enseignant actuellement en exercice dans les collèges.
Cordialement,
CB, enseignante de collège motivée mais très énervée.
Il faut créer le plus grand nombre possible de chemins pour augmenter ses performances cognitives.
Il n’y a donc pas lieu de se féliciter de l’expulsion des langues anciennes du socle commun et des programmes, et votre expérience en tant qu’élève n’a pas à interférer.
Quant au caractère « optionnel » qui vous gêne tant, nous le subissons en tant qu’enseignants. C’est ce qui fait que nous devons toujours nous battre, argumenter et convaincre, les élèves, l’administration, et maintenant les pédagogues. Si les cours de Français étaient optionnels, combien d’élèves s’en débarrasseraient à l’entrée au lycée, alors qu’ils seraient à peine entrés en littérature ?
Cher collègue,
D’abord les programmes n’étaient pas parus lorsque nous nous sommes mis en grève et avons manifesté le 9 avril dernier. Les projets de décret et d’arrêté sur l’organisation du collège eux l’étaient, et c’est bien parce que nous les avons lus que nous nous sommes mis en grève et avons manifesté.
Quand comme vous on se plaint d’être insulté ici ou là, la moindre des choses serait d’éviter les amalgames et caricatures de vos contradicteurs.
Quand on voit donc avec quelle rigueur vous menez l’offensive ici sur votre blogue, on comprend alors que ces programmes sur lesquels vous avez travaillé et dont vous êtes si fiers, sont si mauvais. On se dit qu’on aura une raison de plus de se mettre en grève et d’aller manifester le 19 mai.
Expliquez-nous donc ce qu’apporte la mise en pièce de la chronologie en histoire littéraire ? Pourquoi réserver cela au lycée? Quel mépris pour les collégiens qui justement ne demandent qu’à découvrir l’histoire littéraire…
Accessoirement, votre billet, cher collègue, compte quelques « scories » orthographiques qui ne plaident pas pour votre enthousiasme en direction de ces nouveaux programmes.
Vous qui vous glorifiez d’avoir fait des maths (je suis littéraire mais j’aime les maths), n’hésitez pas à compter les heures perdues pour l’enseignement du français, avec la réforme du collège qui nous est « proposée », que nous rejetons bien légitimement.
Sur ce je vous souhaite un bon week-end. Et n’oubliez pas que les droits des enfants comme ceux des enseignants doivent bien plus à ceux qui ont marché, qu’à ceux qui les ont conspués comme vous venez honteusement de le faire.
Un collègue de lettres modernes, plutôt consterné par votre grand’ œuvre programmatique.
J ai relu votre purge.
Votre délire sur l héritage greco latin » GLORIFIE alors qu il est plein de vices « …
Je ne manque pas une occasion de faire lire des textes EN TRADUCTION à mes eleves afin de leur faire comprendre que cette démocratie grecque était toute relative puisqu admettant les esclaves.
Et le texte de Juvenal rongé de haine xénophobe envers les Grecs.
Le grec ancien et le latin au service du « vivre ensemble ».
Compétence 6 du Socle.
Tout est dit.
Et vous voulez priver nos eleves de cette culture !!!!
Je ne vous salue pas, décidément, M. Trissotin.
Cher Jean Michel …
Quel dommage que vous n ayez pas pu ou pas su, avoir le FEELING avec les langues anciennes.
Je vous plains.
Mes eleves, grâce à vous, sans doute les derniers, ont un PLAISIR INTENSE à fréquenter le latin (et le grec ancien).
Aussi bien en apprenant les ringardissimes declinaisons qu ‘ en pratiquant « la main à la pâte » dans des ateliers de musées où ils façonnent des vases grecs, et peignent des figures en s inspirant de modèles antiques.
Ils apprennent ce qu ils apprennent, mais sont contents d être évalués GRÂCE À VOUS, PAR COMPÉTENCES , et me saluent à chaque cour d’un AVE MAGISTER en entrant, et d un SALVE en sortant.
C est rien. Mais c HUMAIN.
Et beaucoup sont issus de la diversité.
Et vous allez les priver de cette culture.
Je ne vous salue pas M. Trissotin.
Vous écrivez : « Dans le sous-groupe autour du Français que j’ai piloté, nous avons surtout cherché à donner plus de sens à la discipline. A quoi servent les schémas actanciels et autres recherche de champ lexical ? ».
Tout cela est absolument louable, et il était urgent de foutre à la porte ces notions de schéma actanciel et de champ lexical, inopérantes pour des collégiens. Mais si c’est pour les remplacer par de la grammaire de l’énonciation et du texte, la distinction entre thème et prédicat et autres subtilités très techniques qui échappent même à des étudiants en lettres à l’Université… Est-ce là « donner du sens », vraiment ?
Et couper la littérature de la chronologie, chez des collégiens qui placent Molière au Moyen-Âge ?
Et vraiment, c’est perdre du temps que d’étudier la première personne du passé simple ? C’est pourtant utile dans n’importe quel récit…
Non, vraiment, si vous avez piloté le sous-groupe autour du français c’est un beau travail de sape que vous avez supervisé.