Combien ou comment ?
Dans le bruit médiatico-politique autour de la réforme du collège et des programmes, il est bien rare qu’on s’intéresse vraiment au « comment faire ? », qu’on aille au plus près du concret des classes et de la réalité des élèves. Le plus souvent, c’est la logique quantitative qui l’emporte, surtout (mais pas exclusivement) chez les contempteurs des réformes. Je vais en donner quelques illustrations.
Bruno Le Maire vient d’inventer un cheval de bataille, sorti de je ne sais quel chapeau : celui des quinze heures de français à l’école primaire. Par le miracle de cette augmentation de deux tiers d’heures en plus, on permettrait à la fin du CM2 à tous les élèves de maitriser la langue française, semble-t-il nous dire. Est-il question du contenu effectif de ces heures, d’un vrai travail de réflexion sur ce qui est efficace (une multiplication de dictées et de leçons ou une pratique accrue du lire-écrire-parler ? mais aussi un travail de fond sur l’orthographe mêlant moments d’automatisation et moments réflexifs, comme le propose le Conseil supérieur des programmes.) S’interroge-t-on sur les autres manières de « faire du français » : activités orales et écrites autour des sciences, lecture de documents d’histoire-géographie, sans parler du fort travail sur la langue en mathématiques. Diverses études récentes montrent l’importance de la « langue de l’école », si discriminante quand on ne possède pas les codes. Cette langue là se travaille dans toutes les disciplines, y compris d’ailleurs l’éducation physique.
Tout semble indispensable en Histoire. Le nombre de chapitres étudiés, avec l’idée qu’il ne faut rien sacrifier prend le dessus sur la réflexion du « comment » : comment permettre l’appropriation de ces notions indispensables au-delà des contenus telles que civilisation, démocratie, ou facteurs de croissance économique ? Comment faire acquérir des méthodes d’analyse, comment travailler de près l’étude de documents en vérifiant leur validité, en sachant dénicher les partis pris possibles et le point de vue qui s’exprime. On en reste bien souvent à une vision du prof qui enseigne, et du moment que c’est enseigné, tout va bien ! Alors que tout commence, ou plutôt tout précède : quelles représentations les élèves ont-ils avant le cours ? Qu’est-ce qu’on veut faire « bouger » lorsque par exemple on montre les relations complexes entre République, monarchie et démocratie ou pouvoir aristocratique ? Une des questions qui se posent au professeur d’Histoire c’est de savoir jusqu’où aller dans la complexité, selon l’âge des élèves. Où mettre le curseur entre le simplisme outrancier et une subtilité trop grande qui peut dérouter et mettre en échec beaucoup d’élèves ? Tout cela est également peu présent dans les débats actuels (avec bien des guillemets dans certains cas pour ce mot débat !) (suite…)