Enseigner au XXI siècle

Archive mensuelles: septembre 2015

Donnez-nous aujourd’hui notre dictée de chaque jour ?

Le coup de com de la ministre autour de la « dictée quotidienne » en a irrité plus d’un parmi les personnes qui s’intéressent sérieusement aux questions d’enseignement de la langue et des langages, qui auraient aimé qu’on examine de près ces nouveaux programmes qui contiennent bien des éléments intéressants, qui voudraient naïvement qu’on considère avec rigueur les questions éducatives, sans avoir le nez tourné vers un passé mythifié et mystificateur.

Plus d’un, dont moi.

J’entends bien les raisons tactiques qui ont amené la ministre que j’ai connu mieux inspirée à faire cette sortie : désamorcer les querelles, détourner l’attention de polémiques éventuelles, rassurer l’opinion. Mais je crains bien plus les effets contre-productifs de ce que j’ose espérer n’être qu’une ruse. Le décalage avec ce qui est dit dans les programmes est flagrant : ceux-ci prônent en effet plus d’autonomie pour les enseignants sans leur imposer un tel carcan, et surtout proposent des activités autour de l’écriture bien plus intéressantes que la réitération de la dictée comme étant au centre de l’enseignement du français.

Notons que l’ancien socle commun dans le pilier 1 mettait la dictée comme quelque chose d’essentiel, qui méritait les caractères gras, et de simple exercice d’évaluation devenait comme une vache sacrée indispensable. Ce qui n’est le cas ni du socle commun actuel, ni des programmes. Ceux-ci au contraire prônent une grande variété de pratiques, bien plus intéressantes souvent que la simple « dictée ».
Sans vouloir ici développer tout ce qui a été mis en avant pour nombre de chercheurs et praticiens et dont on pourra avoir un aperçu en consultant le dossier des Cahiers pédagogiques sur l’orthographe, je voudrais ici énoncer quelques idées pas forcément simples, en tout cas pas simplistes, je crois, sur la dictée.
1. C’est un exercice marqué historiquement. La dictée n’a pas existé de tout temps, elle s’est développée surtout au début du siècle dernier et a pris peu à peu une importance démesurée, déjà dénoncée par Jules Ferry qui fustigeait son abus. (suite…)

Gérer ses émotions : une compétence qu’on apprend à construire ?

Plusieurs études ont mis l’accent récemment sur l’importance pour la réussite scolaire de savoir gérer ses émotions, ne pas en être l’esclave, mais au fond de pouvoir s’en servir comme une ressource positive, en l’articulant avec la mise à distance, la capacité à prendre du recul, avec le bon usage de la « raison ».

Or, dans notre système éducatif, la question est souvent renvoyée à la « vie scolaire » et est peu abordée sous l’angle des apprentissages, en lien avec le cognitif. En tout cas, on n’envisage pas suffisamment le problème en terme de « compétence à construire », dans une vision dite de façon un peu simpliste « cartésienne ». Il est vrai que le chercheur américain en sciences cognitives Antonio Damasio a damasioappelé « erreur de Descartes » cette négligence du rôle essentiel des émotions et sentiments dans la pertinence des prises de décision et dans le fonctionnement du cerveau. (suite…)

Doxa pédagogique ?

Je vais partir du commentaire qu’a posté Alain Beitone, professeur et formateur en sciences économiques et sociales et connu pour de nombreux manuels, sur mon dernier billet dans lequel je montrais la complexité des clivages en matière d’éducation (voir à ce sujet mon billet sur le livre de Alain Juppé ).

Pour A.Beitone, en réalité, je considérerais bien, malgré mes dénégations,  qu’il y a deux camps : les conservateurs et les progressistes. Il écrit que, selon moi : « Quiconque critique la réforme des collèges, conteste les discours qui remettent en cause les disciplines scolaire, défend une pédagogie visible est, sans autre forme de procès, classé dans le camp de la réaction. » Il me classe donc en fait parmi les tenants d’une « doxa pédagogique », d’une certaine façon dominante (c’est le propre des doxas), et qui est particulièrement néfaste puisqu’elle empêcherait une vraie réflexion sur l’école et aboutirait à servir en fin de compte les vrais réactionnaires et autres libéraux qui veulent changer celle-ci dans un sens plus sélectif et plus défavorable aux enfants du peuple.

Or, je me sens au contraire très éloigné de ce conformisme de pensée qui refuserait les nuances, l’écoute des objections, le dialogue avec des contradicteurs, surtout si ceux-ci  ceux-ci ne manient pas l’insulte et ne deviennent pas des inquisiteurs. (suite…)

Deux camps ? Pas si simple…

alesia

On n’est pas à Alésia, même s’il est beaucoup question du « roman national »!

Alors que les débats sur l’école reprennent à l’occasion de cette rentrée, marquée entre autres par la publication du livre de Alain Juppé Mes chemins pour l’école, par la mise en œuvre de l’Enseignement moral et civique et le retour des diatribes des Le Maire et autres Bayrou contre la réforme du collège, sans oublier le retour de la grève prévue par l’attelage improbable de syndicats unis « contre » mais bien peu dans le « pour », il ne me parait pas mauvais de faire le point sur les clivages idéologiques, pédagogiques, philosophiques peut-être qui traversent les conceptions de ce que devrait être notre système éducatif ; et en fait, ce n’est pas toujours simple d’y voir clair. Ce qui me semble évident, c’est qu’il n’y a pas deux camps bien définis, car convergences et divergences peuvent se faire entre acteurs bien différents, même si des lignes de force se dégagent entre contempteurs du présent et réformistes qui proposent autre chose que les retours en arrière ou les fuites en avant. (suite…)