Donnez-nous aujourd’hui notre dictée de chaque jour ?
Le coup de com de la ministre autour de la « dictée quotidienne » en a irrité plus d’un parmi les personnes qui s’intéressent sérieusement aux questions d’enseignement de la langue et des langages, qui auraient aimé qu’on examine de près ces nouveaux programmes qui contiennent bien des éléments intéressants, qui voudraient naïvement qu’on considère avec rigueur les questions éducatives, sans avoir le nez tourné vers un passé mythifié et mystificateur.
Plus d’un, dont moi.
J’entends bien les raisons tactiques qui ont amené la ministre que j’ai connu mieux inspirée à faire cette sortie : désamorcer les querelles, détourner l’attention de polémiques éventuelles, rassurer l’opinion. Mais je crains bien plus les effets contre-productifs de ce que j’ose espérer n’être qu’une ruse. Le décalage avec ce qui est dit dans les programmes est flagrant : ceux-ci prônent en effet plus d’autonomie pour les enseignants sans leur imposer un tel carcan, et surtout proposent des activités autour de l’écriture bien plus intéressantes que la réitération de la dictée comme étant au centre de l’enseignement du français.
Notons que l’ancien socle commun dans le pilier 1 mettait la dictée comme quelque chose d’essentiel, qui méritait les caractères gras, et de simple exercice d’évaluation devenait comme une vache sacrée indispensable. Ce qui n’est le cas ni du socle commun actuel, ni des programmes. Ceux-ci au contraire prônent une grande variété de pratiques, bien plus intéressantes souvent que la simple « dictée ».
Sans vouloir ici développer tout ce qui a été mis en avant pour nombre de chercheurs et praticiens et dont on pourra avoir un aperçu en consultant le dossier des Cahiers pédagogiques sur l’orthographe, je voudrais ici énoncer quelques idées pas forcément simples, en tout cas pas simplistes, je crois, sur la dictée.
1. C’est un exercice marqué historiquement. La dictée n’a pas existé de tout temps, elle s’est développée surtout au début du siècle dernier et a pris peu à peu une importance démesurée, déjà dénoncée par Jules Ferry qui fustigeait son abus. (suite…)