Enseigner au XXI siècle

Archive mensuelles: novembre 2015

Et on voudrait se limiter à «l’instruction» ?

« On est là pour instruire, pas pour éduquer », ose-t-on encore nous dire, à l’heure des dramatiques événements parisiens, des risques graves que court la société française, entre désespérance, manque de confiance dans l’avenir et recours au tout-sécuritaire, aussi illusoire soit-il. Certains continuent à déclamer, dans un vertige pseudo-lyrique, que c’est l’étude des Grands Textes à l’école qui va nous sauver de la Barbarie, quand ils n’ont pas l’indécence scandaleuse d’assimiler les odieuses destructions de monuments des « djihadistes » à celle, supposée, des Humanités par les « pédagogistes ». Un plumitif misogyne et opportuniste, dont il faut lire les pages avec un pince-nez, sort un livre-source de revenus pour nous dire que l’alternative serait « Voltaire ou le djihad » (allez, vous aurez reconnu de qui je parle). Pauvre Voltaire ! Parmi les mille mensonges de cet ouvrage, l’idée que la ministre serait bien loin de promouvoir la laïcité, et par exemple, le montrerait en ne vantant pas les mérites du magnifique Timbuktu de Sissako, alors qu’on peut lire cet encouragement suite à l’attribution du prix des lycéens à ce film. Mais on pourrait multiplier les exemples de mensonges, désinformations et manifestations de malhonnêteté intellectuelle de ces gens-là (« Chez ces gens-là, monsieur, on ne débat, non, on ne débat pas, on vitupère, on calomnie, on insulte ») (suite…)

L’éducation, oui, bien sûr, mais pas « la seule réponse »

J’avais l’intention en écrivant ce billet de marquer une étape dans la vie de ce blog, puisque me voilà dépassant le centième billet depuis deux ans d’existence, me tenant en gros à un billet hebdomadaire, de mettre en perspective ce billet avec ces deux ans d’écoulés, riches en événements sur le plan éducatif.
Mais la triste et horrible actualité rend cela un peu vain et futile. Aussi vais-je avec modestie et prudence apporter quelques réflexions aux lendemains des attentats de Paris, tout en étant conscient qu’il existe un flot de paroles et d’écrits sur le sujet, parfois remarquables, parfois consternants dès qu’il s’agit de donner des leçons et d’apporter ces fameuses « solutions simples, dictées par le bon sens », etc. (suite…)

Confiance en soi : pas si simple !

On connait les nombreux méfaits de la mésestime de soi en matière scolaire. On peut par exemple se référer à l’étude sur une assez grande échelle qui montre qu’un exercice de dessin géométrique conduit à beaucoup d’échecs pour les élèves peu confiants dans leurs capacités en géométrie, alors que les mêmes peuvent davantage réussir si on n’étiquette pas l’exercice comme étant de la géométrie. On peut regarder une vidéo qui filme une véritable leçon de fabrication de la mésestime de soi. On peut renvoyer à ces enquêtes internationales qui pointent le manque de confiance en eux d’une grande partie des élèves français par rapport à ceux d’autres pays.
tous-capables-municipales-gapTout cela est exact et on ne peut qu’encourager les enseignants à …encourager leurs élèves, à croire en leurs potentialités, à accompagner leurs progrès fussent-ils timides et fragiles. « Tous capables » édicte un célèbre slogan d’un mouvement pédagogique et on a bien envie d’adhérer à cette exhortation.
Seulement, voilà, les choses sont un peu plus compliquées. (suite…)

Pour leur bien, évidemment !

Pour les détracteurs du collège unique, (qu’il vaudrait peut-être appeler autrement tant le mot « unique » a pris une connotation négative), ce n’est dans l’intérêt de personne de garder les jeunes ensemble jusqu’à 16 ans. Les « bons » seraient ralentis, et encore plus si on supprime les classes qui, quoiqu’on dise, leur permettait de conserver un entre-soi. Les moyens seraient tirés vers le bas par les élèves en difficulté. Pour ceux-ci d’ailleurs, à partir de 14 ans, la solution est simple : il faut qu’ils quittent les structures traditionnelles de l’école au profit de dispositifs d’apprentissage ou de pré-apprentissage, censés répondre aux problèmes…d’apprentissage (dans un autre sens). Car bien sûr, ils ne demanderaient pas mieux que d’échapper à cette atmosphère scolaire où il faut écouter, accepter un peu, voire beaucoup d’ennui, se plier à des règles qu’ils sont incapables de suivre. Ils auraient envie de « concret », de pouvoir manipuler et rien de tel pour cela que la préparation à un métier manuel, un bon vieux métier manuel. Voilà la fable contée par les Bruno Le Maire et autres leaders « républicains », mais aussi par un certain nombre d’enseignants, y compris se déclarant très à gauche, qui adhérent à cette solution, car tri scolairen’est-ce pas, c’est « pour leur bien ».

Le problème est que beaucoup d’élèves en échec ne sont pas du tout désireux d’arrêter l’école classique à 14 ans et veulent poursuivre au collège. Ils pourraient ressentir cette orientation comme humiliante ou dégradante. Et d’autre part, n’est-ce pas une illusion complète de penser qu’ils s’en sortiront parce qu’ils vont apprendre soi-disant un « métier », dans une conjoncture où des patrons ne sont guère prêts à accueillir des jeunes pas forcément sérieux (respect des horaires par exemple), peu formés et à un âge très bas (voir par exemple le remarquable ouvrage de Baudelot et Establet, expliquant pourquoi, même pour vendre des pizzas, les employeurs préfèrent embaucher un bachelier qu’un jeune non diplômé). (suite…)