Enseigner au XXI siècle

Archive mensuelles: juin 2016

Qui décide ?

On connait la fameuse phrase de Brecht après des insurrections ouvrières de Berlin de 1953 :« J’apprends que le gouvernement estime que le peuple a trahi la confiance du régime et devra travailler dur pour regagner la confiance des autorités. Dans ce cas, ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ? »

(une phrase parfois mal citée d’ailleurs et transformée en « si le peuple vote mal, pourquoi ne pas dissoudre le peuple ? » alors même qu’il n’y avait pas de vote libre en RDA à l’époque)

La tentation est humaine : celle de contester une décision qui ne nous plait pas, celle de s’indigner quand une décision qui nous plait n’est pas prise.  On vient d’en voir deux illustrations récentes :

  • votela contestation du vote Leave des britanniques (pétition pour refaire le vote)
  • la contestation de la légitimité du vote Oui en  Loire-Atlantique sur la question de Notre-Dame- des Landes, y compris de la part d’une partie de ceux qui ont reconnu cette légitimité en participant à la campagne. (à noter en revanche le sens démocratique de la prise de position de Nicolas Hulot qui, opposant, reconnait la légitimité d’un vote qui a vu une participation importante d’ailleurs pour ce genre de consultation)

Les mêmes qui brandissent le référendum comme la panacée pour décider (« la parole au peuple ») sont surtout d’accord quand le suffrage électoral va dans leur sens. (suite…)

Eh non, ce n’est pas si simple!

Les tensions de la société française, si rudes, laissent de moins en moins de place à la nuance, à la prise en compte de multiples points de vue, au fameux « ce qui est terrible, c’est que chacun a ses raisons » de Jean Renoir dans La règle du jeu.  D’ailleurs, lorsqu’on pts de vueessaie de « se mettre à la place de l’autre », ou d’admettre que telle affirmation à laquelle on adhère peut cependant être critiquée, a ses faiblesses, ne doit pas être absolutisée, on semble donner des armes aux « adversaires » qui y voient un repentir, une reconnaissance d’erreur et non un doute légitime qui caractérise d’ailleurs toute pensée un tant soit peu scientifique et rationnelle. Par exemple, si on admet que la réforme du collège est loin d’être parfaite, que dans un certain nombre de cas, la formation organisée dans les académies est loin d’être satisfaisante, ou si, sur un autre point, on met un bémol à l’éloge qu’on peut faire de systèmes éducatifs performants comme le Canada ou la Finlande, certains ricanent : « même les pédagogistes (sic) sont envahis par le doute et n’y croient plus » ou « reconnaissent que… » Il est terrible de constater que des collègues ont peur de s’exposer en vantant les mérites de certains aspects de la réforme ou tout simplement en témoignant de projets préfigurant par exemple les EPI et renoncent parce qu’ils craignent d’être invectivés sur les réseaux sociaux ou dans certaines salles des profs (je n’ai pas inventé les qualificatifs de « collabos » ou « kollabos » ou encore de « talibans » , etc.) Je pense à des cas très précis, qui sont un peu effrayants car on est là dans une chape de plomb qui empêche d’avoir des rapports normaux, de débats sans insultes et de discussions sans injures. (suite…)

Pourquoi en parle-t-on si peu ?

Que de pages à déplorer l’état de l’école, la superficialité des jeunes, la démission des familles devant leur devoir éducatif, que de colonnes remplies à plaindre les enseignants qui font un métier si dur qu’on comprend bien leur malaise ou leur colère ou au contraire à les critiquer car toujours râleurs, toujours à se plaindre, alors qu’ils sont toujours en vacances ! Que de livres superficiels pour nous dire que tout va mal, que le déclin est irréversible, que les jeunes sont dangereux et les méchants pédagogistes au mieux des irresponsables, mais plus certainement des criminels (qui devront expier ?) ! Que de chroniques de donneurs de leçons fustigeant l’angélisme, l’omerta qui nous aveugleraient quant à la faillite de notre époque et particulièrement de notre école. Que de libelles sur notre triste époque, que d’articles de journalistes à l’affût du moindre fait qui va corroborer les constats négatifs : telle agression dans un collège contre le personnel, tel message d’élève niant la Shoah. Que de complaisance pour le moindre discours négatif (entendu récemment: « on nous augmente nos salaires mais la wifi est très lente dans l’établissement » ! Bref, mis bout à bout, c’est le triomphe du pessimisme, du discours décliniste, de la lespoiratilunavenirjouissance rageuse à proclamer la décadence. Et qu’on ne se mette pas à vanter une réussite, à saluer un progrès, à louer une avancée, car on est ravalé au rang de « courtisan », d’ « idiot utile » de « bisounours de service » et autres noms d’oiseau. L’espoir n’a pas bonne presse, selon une vieille tradition analysée avec pertinence et finesse dans un récent ouvrage qui ose l’optimisme. (suite…)