Enseigner au XXI siècle

Archive mensuelles: février 2018

Leçons de Singapour?

« Centration sur l’apprentissage des élèves, méthodes d’enseignement de résolution de problèmes, évaluations actives utilisant études de cas et portfolios », « modèle de développement professionnel fortement centré sur des valeurs. La première est la centration sur l’apprenant, selon l’idée que tous les élèves peuvent apprendre alors que les enseignants sont invités dans les cours de psychologie à réfléchir sur la manière dont les élèves apprennent. »  Voilà bien là le jargon des pédagogistes, tout ce qui a mené à la catastrophe depuis (trente, quarante, cinquante) ans, voire plus, notre beau système éducatif qui était le meilleur du monde. Vivement le retour du bon sens, après les sottises (pour être poli) qui ont envahi l’école : l’élève au centre, l’abandon d’un enseignement structuré, la diffusion carte_SINGAPOURde l’idée pernicieuse selon laquelle chacun peut atteindre l’excellence, en oubliant que certains élèves ne sont pas faits pour les études (sinon pour passer un CAP d’ajusteur-monteur).

Or, les premières lignes de ce billet ne sont nullement extraites d’un article des Cahiers pédagogiques ou d’un quelconque texte estampillé « éducation nouvelle » ou « sciences de l’éducation », mais d’un document de l’Institut national dépendant du Ministère de l’éducation de Singapour. Oui, Singapour, symbole de l’école « exigeante » où « ça ne rigole pas » nous disent les charlatans antipédagogistes, où on ne perd pas du temps à reconstruire les savoirs et où on « enseigne » vraiment. Singapour dont on vante la « méthode » en maths, parfois sans véritable enquête sur ce qui fait son efficacité et dont on ne vérifie pas si ceux qui prétendent la transférer en France n’en trahissent pas l’esprit, comme le soutient le brillant didacticien des maths qu’est Rémi Brissiaud. Je n’ai pas la compétence pour en juger, mais je partage avec Brissiaud, Charnay et quelques autres, la perplexité devant la représentation forte dans la commission Villani-Torossian des marchands de manuels se réclamant de la fameuse « méthode de Singapour » ! (suite…)

C’est si tentant la démagogie !

« L’affaire du prédicat était symptomatique d’une école coupée des parents et méprisant la formation qu’ils avaient pu recevoir. » Cette phrase prononcée devant la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale par la nouvelle présidente du Conseil supérieur des programmes, Souad Ayada, ne manque pas d’étonner de la part d’une intellectuelle et philosophe. Au-delà de la question très technique de la pertinence ou pas de la notion de « prédicat » (et qui aurait dû rester une notion technique, de second ordre), ne peut-on lire là toute une conception de l’école qui ne devrait pas heurter le sens commun, qui devrait respecter les habitudes des familles et surtout pas les « choquer ». Par ailleurs, Souad Ayada fait l’éloge de l’esprit critique, par exemple appliqué aux religions, ce dont on ne peut que l’approuver. Mais j’ai appris, en terminale, il y a bien longtemps, que l’un des fondements de la philosophie était de secouer les préjugés. Ma première dissertation en terminale avait pour sujet « penser, c’est perdre le fil ». On peut étendre cela à bien d’autres domaines que celui de la philosophie. Oui, en SVT, on va sans doute heurter des conceptions venues du fond des âges en matière de sexualité notamment. Oui, en Histoire, on va remettre en cause des idées toutes faites sur le Moyen Age ou la colonisation et montrer la face grise de toute période contre aussi bien le « roman national » que la diabolisation. Oui, en français, on va aborder des œuvres qui pourront déranger (suite…)