Dans le domaine que je connais le mieux, l’éducation, j’aurais beaucoup de reproches à faire aux médias classiques. En tout premier lieu à ceux qui s’y connaissent fort peu et qui éditorialisent à tours de clavier, énonçant des opinions d’un simplisme parfois consternant. Un jour, un journaliste spécialisé approuvait largement mes propos quand je qualifiais les éditorialistes « le malheur du journalisme » dans le domaine de l’école (et sans doute pas seulement). Quant aux personnes plus spécialisées, en dehors de quelques figures qui se comptent sur les doigts des deux mains si on est généreux, on est frappé parfois par leur méconnaissance de l’histoire de l’école, mais aussi parfois de son présent. Je me souviens d’un débat sur une radio auquel j’avais participé et où un journaliste du Figaro découvrait que tous les élèves de France (ou peu s’en faut) passaient le Brevet des collèges. Concernant les appréciations respectives sur la politique de Najat Vallaud-Belkacem et de Blanquer, que d’approximations et que de contre-vérités, de bonne foi ou mal intentionnées, cela dépend. La caricature faite des EPI par un pourtant brillant animateur du matin à France Culture, l’adhésion à des idées simplistes concernant les langues anciennes ou les classes bilangues d’un côté, l’enthousiasme pour les tests d’évaluation actuels, en oubliant qu’ils n’ont rien de nouveau (les années Jospin, c’est si loin !) ou la lecture biaisée de rapports (comme celui de la Cour des
Comptes sur l’éducation prioritaire).
J’ajoute le peu d’intérêt des médias pour les publications pédagogiques, sauf lorsqu’il s’agit de vedettes publiant des ouvrages à vrai dire un peu superficiels comme Céline Alvarez. Que de colonnes pour de mauvais livres bâclés ou de lamentations sur le niveau qui baisse, le métier de prof qui devient impossible, l’impossibilité d’enseigner en banlieue et si peu d’échos par exemple d’un ouvrage comme Les territoires vivants de la République, je ne parle même pas des revues pédagogiques si souvent oubliées (et lorsque des journalistes s’intéressent à ce que nous faisons, on ne retrouve pas ensuite dans leur organe de presse les échos de ce qu’on a pu dire ou une phrase ou deux tout au plus)
Malgré tout ce qui précède et que je pourrais développer longuement, malgré les courses aux infos, la recherche du spectaculaire et le goût pour les petites phrases et bien sûr les trains qui n’arrivent pas à l’heure préférés à ceux qui en général arrivent à temps, malgré les insuffisances du journalisme donc, je ne peux que m’indigner des attaques dont sont victimes les médias, je ne peux que les soutenir inconditionnellement lorsque leurs journalistes sont physiquement agressés (et verbalement, l’agression n’étant pas la critique), je ne peux que défendre la liberté de la presse, un des piliers de la démocratie, en espérant qu’on n’aura pas un jour à la regretter. Comme le chantait Léo Ferré dans un autre contexte il est vrai : « un pays qui s’en prend à la liberté de la presse / est un pays au bord du gouffre ».
On lit ici ou là sur des pancartes, sur Facebook et autres réseaux sociaux que les « merdias » sont dignes de « haine », on retrouve l’horrible phrase qui justifie les violences à l’égard des journalistes et qui avait été utilisée au moment de Charlie : « ils l’ont bien cherché ! » (phrase qui abolit la frontière entre « comprendre » et « excuser » et qui fait pencher le premier terme vers le sens « être compréhensif »). Et on voit à l’inverse exalter l’information qui circule sur les réseaux (vous savez ces images non datées, ces faits non vérifiés, ces vidéos truqués, ces commentaires à l’emporte-pièce, ce « brut » qu’on oppose au « manipulé, truqué ») ou qu’on trouve sur des médias très orientés (RT, le media russe qui fait tout pour donner une sinistre image de l’Occident décadent ou Le Media qui est au service d’une cause, ce qui n’a rien de déshonorant, mais se prétend « objectif »). Je persiste à penser que, malgré toutes les insuffisances et dysfonctionnements que j’ai évoqués plus haut, le professionnalisme journalistique reste une vertu première et nous met à l’abri, jusqu’à un certain point, des pires déviances. Bien sûr les chaines d’info continue, que je regarde très peu, influent sur les autres grands médias de manière perverse : course à l’audience et à la vitesse. Je déplore que Le Monde soit obligé sur son site de mettre des titres souvent trop spectaculaires (avec l’usage mmodéré des citations d’acteurs qui acquièrent du coup un statut disproportionné à leur importance), je suis toujours agacé par ces pseudo-experts qui défilent dans des émissions (c’est bon signe lorsque ce sont des gens peu connus, mais qui ont une réelle expertise, comme dans l’émission 28 minutes qui, cependant, pêche en rigueur dès lors qu’il s’agit d’école). Mais, sur une questions comme celle des Gilets Jaunes, qui peut dire vraiment que les médias sont d’un côté, alors même qu’on les accuse tout à la fois d’avoir favorisé le mouvement (par exemple en titrant « mobilisation en hausse, alors même que les chiffres globaux en janvier restent modestes) ou au contraire de le dénigrer, de taire les violences policières, etc. Comme la démocratie, les médias grand public sont la pire des choses, à l’exception de tous les autres.
C’est pourquoi, plus que jamais, il faut développer à l’école l’éducation aux médias, sous toutes ses formes. Je viens de co-cooreonner un dossier Former l’esprit critique qui consacrer une partie importante à cette question, avec notamment l’expérience d’un travail mené dans un collège REP avec le journaliste Vincent Coquaz, désormais à l’excellentissime Check News de Libération. Ce ne doit pas être un secteur particulier, ce ne doit pas être confiné au mieux une fois par an à la « Semaine de la presse », mais bien une préoccupation constante, et qui doit toucher de multiples disciplines : outre le français et les langues étrangères, les sciences (comment est véhiculée l’information scientifique), l’histoire ou les mathématiques (l’utilisation des statistiques par exemple). Ce travail reste trop rare et ne peut plus être abordée comme on le faisait il y a 20 ou 30 ans : il faut intégrer les réseaux sociaux, les médias en ligne, les manipulations possibles, le rôle des vidéos, etc. C’est essentiel et c’est passionnant.
yo pelo je viens du bendo t mon poto mais jai pas comprendo quand tu tombe dans l’eau de mon tombeau plein de mousquito
à Renan
Vous avez raison, ils jouent un rôle essentiel. J’ai, comme prof de collège, travaillé très très souvent avec le CDI, et j’ai écrit il y a bien longtemps dans les cahiers pédagogiques un billet clin d’oeil à Charles Trenet : « moi, j’aime le CDI »
Vous oubliez le rôle des professeurs documentalistes dont la discipline est l’éducation aux médias et à l’information. Ils enseignent l’esprit critique et participent à la formation de futurs citoyens autonomes et libres de leurs choix car capables de s’informer.