Beaucoup d’enseignants, de convictions très différentes, revendiquent hautement la « liberté pédagogique ». Evidemment, elle est surtout mise en avant lorsque les directives officielles, venues d’en haut, ne plaisent pas. Hier, on proclamait son opposition à la réforme du collège, on ne mettrait pas en œuvre les EPI, l’accompagnement personnalisé, on n’appliquerait pas les programmes de cycle, on se fichait du socle commun et pour mener la juste lutte contre au choix le triomphe du libéralisme, la destruction de la culture ou le totalitarisme des fous furieux qui nous gouvernent, on validerait les compétences de tous les élèves quel que soit leur niveau, on tricherait sur les relevés de services ou le cahier de textes, on proclamerait sa glorieuse « désobéissance » . Avant-hier, les autoproclamés « désobéissants » refusaient la mise en place de certains dispositifs à l’école primaire. Et aujourd’hui, certains lancent le mot d’ordre de refus de faire passer une évaluation à leurs élèves, malgré les directives, d’autres à défaut d’aller sur les rond-points se déclarent prêts à mettre, avec leur beau stylo rouge, 20 sur 20 à tous leurs élèves ou à prendre ceux-ci en classe sans faire cours (pas sûr que cela soit vraiment mis en œuvre d’ailleurs). Et d’aucuns d’évoquer non seulement le droit de ne pas obéir mais quasiment le devoir de le faire, en rappelant Vichy (mais il est vrai que pour certains, les gouvernants actuels sont des dictateurs « pire que Hitler » a-t-on même pu lire)
La question des limites de l’action pédagogique est pourtant une question sérieuse. Elle se pose par exemple quand les autorités tentent d’imposer telle méthode, comme celle développée par Agir pour l’école sur la lecture et qui a donné lieu à un texte commun très large d’opposants exigeant que cela ne puisse se faire que sur la base d’un volontariat effectif, sans pression de la hiérarchie. Elle se pose aussi lorsque des textes supérieurs comme celui du socle commun sont contredits par des décrets, voire des recommandations guère cohérents avec ce socle, qui comprend notamment l’organisation en cycles, peu compatible avec une progression annuelle obligatoire.
L’enseignant est, dans le public, un fonctionnaire. Il doit respecter la Loi et ne pas se faire juge de sa légitimité ou non. Il peut et doit manifester un avis divergent, mais ne peut se permettre, par exemple, comme le font hélas certains, de critiquer devant les élèves la loi républicaine. Il peut en revanche à condition d’être objectif et de tenir compte de l’âge des élèves, présenter des points de vue différents, mais pas par exemple clamer que les langues anciennes, ou les disciplines artistiques sont en danger avec son autorité professorale dans la classe. On est alors hors de la déontologie minimale.
Mais les choses sont moins simples qu’il n’y parait. Car l’enseignant est aussi un cadre, un « pro » et il doit absolument exercer son autonomie professionnelle. Des chercheurs ont ainsi opposé le « métier » fait de gestes routiniers où on est exécutant et la « profession » où on est davantage décideur. Au-delà de la pertinence lexicologique qu’on peut discuter, il y a là une manière de ne pas s’enfermer dans un choix binaire : on obeit/on est libre.
C’est pour tout cela, comme je l’ai déjà exprimé ici-même, je suis hostile à des proclamations de « liberté pédagogique », où chaque petit « je » serait juge de ce qu’il faut faire ou non dans son établissement scolaire et encore plus dans sa salle de classe, petit lieu secret où il serait seul maitre à bord. Il a des comptes à rendre (ou plutôt il doit rendre compte, formule moins abrupte qui nous éloigne du « caporalisme » dont il est parfois question, expression à manier avec précaution et modération), il est redevable de l’argent des contribuables et il a passé un concours qui lui fixe un cahier des charges. Mais il a aussi une marge de manœuvre importante, et effectivement on ne peut pas, on ne doit pas lui imposer une « méthode » à suivre, des injonctions très précises, parfois ridicules (par exemple ne surtout pas enseigner des petits mots de liens syntaxiques en cours préparatoire quand cela entre en conflit avec le syllabique pur et dur, ou suivre de façon mécanique une progression grammaticale ou faire une dictée tous les jours). Les comptes sont à rendre sur le fait de s’inscrire dans de grands objectifs qui sont pour la scolarité obligatoire inscrits dans le socle commun qui a quasiment une valeur législative. Et en s’appuyant sur l’idée fondamentale, qui doit sans cesse guider ses pas : peu importe la manière dont on a enseigné pourvu que les élèves aient appris (et appris durablement)
Vous m’avez lu, vraiment? Où avez-vous trouvé l’apologie de l’obiessance aveugle? Et « pro exécutant », c’est un oxymoee. Si on est pro, on n’est pas un exécutant justement, c’est ce que je dis dans le texte.
Vous ne justifiez, jean-michel, nulle part le principe selon lequel il serait bénéfique que les enseignants appliquent aveuglément les réformes! Cet article n’est rien d’autre qu’une injonction à l’obéissance des enseignants qui ne souhaitent précisément pas devenir des « pros » exécutants comme le veulent nos gouvernants actuels.