Enseigner au XXI siècle

Archive mensuelles: mars 2019

Des choix syntaxiques très idéologiques ?

Est-il indifférent d’évoquer « les » syndicats, « les » enseignants ou « les » Gilets jaunes au lieu de « des » syndicats, « des » enseignants, « des » Gilets Jaunes ? On sait bien que non, et voilà une belle occasion d’enseigner à la fois les subtilités de la grammaire de manière vivante et concrète et de faire de l’éducation aux médias et à l’information.  Le caractère défini ou indéfini du déterminant a toute son importance. A propos des Gilets Jaunes, il est cocasse de voir certains de leurs défenseurs inconditionnels préférer l’indéfini lorsqu’il s’agit de violences intolérables et le défini lorsqu’on a trouvé que sur les ronds-points, il y avait une grande harmonie et une volonté d’associer les préoccupations écologiques et sociales. A l’inverse, les détracteurs peuvent avoir la tentation de faire l’inverse.

Je me souviens d’un texte de Brecht (mais je ne retrouve pas la référence exacte) décortiqué dans un séminaire de Roland Barthes, où il démontait le discours de Hitler, à propos notamment de la référence à « les » Allemands, ou « le peuple allemand ». Un seul être vous manque et tout est dépeuplé pourrait-on dire : un seul élément peut démentir une loi absolue, un seul comportement différent des autres interdit alors l’emploi du « les » qui veut dire « tous les ».

Reste que des outils de la langue existent dans la série des déterminants indéfinis (ou locutions jouant ce rôle) pour apporter des précisions : « la plupart », «la majorité de », « beaucoup de », « quelques », « quelques rares », « certains », etc.  A manier avec précaution.
A vrai dire, le « les » englobant renvoie aussi à une conception qui fait fi des nuances d’appréciation. Le peuple est unanime, n’est-ce-pas ? Qu’on me permette de préférer la belle formule de Pierre Rosanvallon pour qui « le peuple », c’est un ensemble de minorités. (suite…)

Pourquoi il faut lire Steve Pinker

Un titre provocateur, dans une période où le sommeil de la raison semble réveiller les monstres : « le triomphe des Lumières », un livre épais (plus de six cent pages, mais un prix modique : moins de 25 euros) bourré de chiffres, de schémas et de données, telle est la somme produite par ce chercheur americano- canadien, professeur de psychologie à Harvard, dont l’objectif est de nous montrer que non, tout ne va pas vers le pire, bien au contraire, que le déclinisme est une absurdité, qu’on a des raisons d’être (mais « raisonnablement » justement) optimiste.

Avec de grandes qualités argumentatives et en s’appuyant sur des données nombreuses mais multi sources, de façon très accessible, Pinker met en avant tous les progrès qui ont été accomplis par l’humanité et réhabilite donc les Lumières et le libéralisme dans son sens outre-Atlantique, exalte la connaissance, les sciences, la culture, l’ouverture d’esprit, contre les renfermements identitaires et les populismes. (suite…)