On connait ces formules : « qui n’est pas avec nous est contre nous », « à bas les tièdes, vive la radicalité », « le choix est simple : ou bien…ou bien »
Bien sûr, l’éloge de la nuance, de la complexité, peut être une forme de lâcheté ou de pensée molle lorsqu’il est systématique. Le « c’est plus compliqué que ça » ne peut s’appliquer à tout et franchement, on doit trancher quand il s’agit de condamner le racisme avéré, de voter contre Trump ou de s’opposer aux dictateurs en Biélorussie ou au Brésil. J’ajoute même qu’en France, on ne peut balancer entre l’extrême-droite et la droite bon an mal an républicaine.
Dans les tragiques et bouleversants évènements survenus à Conflans Sainte-Honorine (évènements au pluriel, puisqu’il y a le crime et tout ce qui s’est passé en amont), il n’est personne qui ne condamne l’acte monstrueux qui a été commis, en dehors peut-être de fous furieux sur des réseaux sociaux.
Mais une fois cela dit, on est sommé par certains de devoir se plier à une logique binaire insupportable.
SI on demande à ce qu’on n’oublie pas sur quel terreau social se déploie la conquête des esprits par un certain islamisme, au-delà du cas présent, on est considéré par certains comme un « capitulateur » adepte de la « culture de l’excuse », car ma foi, comme le dit un député LR, citant Peguy, « expliquer,c’est déjà capituler »
Mais à l’inverse, si on met en cause non seulement les terroristes, ce qui est assez simple, mais encore tous ceux qui favorisent de fait leur action, si on pense qu’il y a plus de perméabilité que ne le disent certains sociologues entre ici le salafisme et le passage à l’acte, on est taxé très vite d’islamophobie, notion qu’il faut interroger et dont il n’est pas sûr qu’elle soit pertinente.
De même, pour certains, la religion islamique n’a rien à voir avec l’opposition aux Lumières, elle n’est qu’amour et tolérance. Et de prendre les versets qui vont dans ce sens. Le monde arabo-musulman est divers sans doute , il a la figure de Averroes, mais aussi de ses persécuteurs. Et d’en ignorer d’autres. Et d’oublier la chappe de plomb obscurantiste qui recouvre nombre de pays et qui se traduit par ce chiffre : le très faible nombre de livres publiés dans le Moyen Orient et le Maghreb confondus depuis trente ans (un indice intéressant) ou le fait que Le Protocole des Sages de Sion soit recommandé par des autorités religieuses dans nombre de pays. Bien sûr, ce n’est pas la France, mais quelque part cela doit interpeller. On ne peut balayer d’un revers de manche ce que nous disent dans des ouvrages bien renseignés des Kepel ou des Micheron.
Pour d’autres, l’islam est diabolisé. Et on atteint les sommets avec les diatribes lamentables contre la langue arabe par Luc Ferry et certains députés, oubliant ( ?) que cette langue (par ailleurs de grande culture) n’est pas parlée par les quatre pays musulmans les plus importants en nombre d’habitants. Par ailleurs, on peut oublier tous les crimes et horreurs produites dans l’Histoire par les autres religions (y compris les bouddhistes contrairement à la légende). N’oublions cependant pas que les plus grands crimes du XX siècle ont été perpétrés par des régimes souvent anti-religieux (Allemagne nazie, URSS, Chine, Cambodge).
Je n’ai pas envie d’être embarqué dans un « camp ». Je peux à la fois :
- Critiquer la complaisance d’une certaine gauche envers des mouvements islamistes, et ceci depuis le Forum mondial de Paris et la comparaison faite par Daniel Bensaïd entre le courant Tariq Ramadan et les théologiens de la Libération d’Amérique du sud (qui pourtant , eux, ne voulaient rien imposer à personne sur le plan des mœurs). Manifester et tolérer qu’on crie « Allah Akbar » dans le cortège me reste un peu sur la gorge.
- Et en même temps, trouver odieux les accusations de complicité avec les
tueurs qui sont adressées à Mélenchon, Plenel et quelques autres. L’erreur d’appréciation (selon moi) n’est pas pour autant de la complicité. D’ailleurs ce langage qui utilise abondamment les vocables de « traitre » , de « complice », etc. à gauche comme à droite est détestable.
De même je veux à la fois :
- Considérer le décalage entre les promesses républicaines et la devise de la France qui implique l’égalité et la réalité d’une société qui reste élitiste et inégalitaire, ou entre le message universaliste des Lumières, des pères fondateurs de la République et la pratique de la colonisation, ou pour être plus actuel du traitement de la question des réfugiés, entre le discours de l’égalité des chances par l’école et les ségrégations de fait qui dominent dans notre système éducatif
- Et pour autant, me réclamer des valeurs républicaines, pour combler les décalages, pour réaffirmer les vertus de l’universalisme, contre l’idée que la démocratie est « occidentale », et combattre l’idéologie véhiculée par des mouvements comme le Parti des Indigènes (dont il ne faut pas exagérer l’importance)
Pour l’heure, ceux qui s’efforcent d’adopter un point de vue équilibré, « sur la ligne de crête » en s’appuyant sur des faits, des chiffres quand c’est nécessaire (le démographe François Héran en rappelle dans Télérama -19 octobre- les vertus), ont du mal à se faire entendre face aux Cnews de service ou aux Natacha Polony ou Pascal Bruckner. Il faut pourtant écouter leurs voix, celles par exemple de Jean-Paul Delahaye, de Jean-Louis Bianco et des vrais experts de l’islamisme, pas forcément d’accord entre eux, mais qui se basent sur des données précises. Rappelons au passage cette belle formule dont je ne connais pas l’auteur : il y a les experts qui savent beaucoup sur peu de choses, alors que d’autres (disons les éditorialistes) savent peu de choses sur beaucoup de choses (et souvent très peu !)
Concernant l’école, on peut soutenir à la fois qu’il y a eu des comportements condamnables quand on a voulu étouffer certains actes graves de contestation ou quand on n’a pas suffisamment soutenu tel ou tel enseignant et que ces comportements restent minoritaires. Le livre de Jean-Pierre Obin (que je connais bien et qui ne doit pas apprécier d’être ainsi récupéré par les plus à droite, qu’il critique vertement dans ce même livre) dénonce à juste titre des faits inadmissibles, mais sans bien montrer leur ampleur. On a aussi beaucoup de témoignages de collègues affirmant qu’ils n’ont jamais eu de contestation de la théorie de l’évolution, d’un cours sur Voltaire ou de l’existence de la Shoah.
On a vu cependant sur les réseaux sociaux les vindictes contre la « hiérarchie » forcément lâche et trahissant sa mission de « protéger les enseignants ».
De même qu’on voit apparaitre les anathèmes contre les parents interventionnistes, en mettant sur le même plan les scandaleuses remises en cause de type Conflans et les légitimes implications dans la vie des établissements (souvent d’ailleurs pas à la hauteur de nos espoirs, vu les taux de participation aux élections pour les conseils d’école et d’administration). Il est d’ailleurs compliqué d’adhérer totalement à la demande de Philippe Meirieu selon laquelle les parents ne doivent absolument pas intervenir sur le contenu des cours, car après tout, si un enseignant se met à vanter les mérites du régime nazi, à dénigrer une religion (ce que, bien entendu, ne font pas tous ceux qui exposent objectivement les débats sociétaux autour des religions, comme c’était le cas pour Samuel Paty), ou au contraire à se faire prosélyte, ils peuvent bien demander une explication. Mais il s’agirait là d’une violation des règles, des programmes qu’il serait légitime de mettre à jour. Philippe Merieu qui par ailleurs faisait justement remarquer les contradictions du discours d’un Jules Ferry sur le sujet, affirmant que le professeur ne devait pas choquer le « bon père de famille », tout en menant le combat contre les préjugés et les influences de l’Eglise. L’Histoire, toujours moins simple qu’il n’y parait.
Bref, les amateurs de « solutions simples », de l’appel au « bon sens », sont bien fatigants.
Une précision,
la citation précédente est d’un ministre Norvégien des AE
« Critiquer un noir c’est du racisme, critiquer les femmes c’est du sexisme, critiquer les juifs c’est de l’antisémitisme, critiquer l’islam c’est la liberté d’expression »
Zemmour délinquant multirécidiviste condamné pour des propos haineux et toujours à l’antenn,e chaque soir, Dieudonné condamné n’a plus droit de cité !
Liberté – Egalité – Fraternité ! Trouvez l’erreur
Les écoliers français devraient visiter le cimetière musulmans de MontéCassino au même titre qu’Auschwitz
bonne journée
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Merci Jean Michel.
Dès qu’il est question de l’école, les frontières idéologiques sont brouillées et l’attentat de Conflans (comme l’annonce de l’école obligatoire…) ne va sûrement pas arranger les choses.
Reste une question qu’il faudrait quand même mettre sur le tapis : pourquoi ces références jamais discutées à « l’école de la république » aux « valeurs républicaines » ? A l’école, cette sacralisation d’un régime politique est-elle le meilleur moyen de former des adultes responsables ? Je me permets un renvoi à cette note de blog : http://journaldecole.canalblog.com/archives/2020/10/23/38606636.html