Adèle : ambition instit !
Je viens de voir le film La vie d’Adèle et je voudrais en parler ici évidemment non d’un point de vue cinématographique (la Palme d’or, pourquoi ? Kechiche un génie ou pas ? chef d’œuvre ou film ennuyeux ?…) encore moins d’un point de vue people (la polémique Léa Seydoux/réalisateur), mais parce que voilà encore un film français où il est question d’école (pas autant que la précédente Palme française Entre les murs, bien entendu), ce qu’on ne souligne peut-être pas assez. Et un film où me semble valorisée une orientation vers le métier d’enseignant, métier qui y apparait dans toute sa noblesse .
Auparavant, Adèle est au lycée en première . Voilà une œuvre de fiction où on ne nous montre pas des élèves ignorants, qui seraient en série L par défaut, où les élèves d’un lycée lillois suivent à peu près le discours professoral (un peu magistral, mais intéressant et faisant des ponts avec la vraie vie), où une jeune fille d’un milieu visiblement modeste où on mange surtout des pâtes et où on ne néglige pas le gras du jambon peut trouver La vie de Marianne de Marivaux « trop bien » et réussir presque à faire lire ce gros livre à un élève (de section scientifique) plus ou moins amoureux, lui qui ne lit jamais.
Adèle parle de son orientation, de ses projets à son « amante » Emma et à la famille de celle-ci. Elle veut passer une licence de sciences de l’éducation et devenir professeure des écoles après l’IUFM. Gêne visible de la famille plutôt artiste devant la médiocrité de ce choix. Là encore pour une fois qu’au cinéma, on valorise (car on est du côté d’Adèle) de tels choix, c’est à saluer..
Et ensuite, après une ellipse assez étonnante (on suppose qu’on est sept ou huit ans plus tard), voilà Adèle devant des enfants de maternelle, qui adore son métier, qui le fait toujours avec conscience et passion, malgré ses peines personnelles qui sont intenses., qui côtoie un collectif de « collègues » dont un homme (qui aura un certain rôle dans la fiction) Adèle qui aime, dit-elle à la fin, s’occuper de ceux qui réussissent le moins bien, les plus fragiles (elle enseigne alors en cours élémentaire, je crois), y compris pendant des vacances scolaires. Adèle qui a du mal à faire comprendre à Emma que cela puisse être sa passion, que cela puisse être son horizon de vie, plutôt que de chercher à écrire je ne sais quelle autofiction ou journal intime comme lui suggère son ex-compagne.
Tant de films ou autres œuvres fictionnelles présentent une image dégradée de l’enseignement ou très pauvre des rapports enseignants-élèves ! Au mieux lorsqu’ils évoquent un enseignant (plus souvent une d’ailleurs), ou bien c’est une malheureuse victime, ou bien sa vie professionnelle est un vague décor, un arrière-fond, loin de l’essentiel de sa « vraie vie ». Alors qu’ici la grandeur du métier d’enseignant, auprès des plus petits, est mise en avant avec beaucoup de justesse et de finesse. La passion qui anime l’héroïne pour ce métier n’est nullement un aspect secondaire, mais un trait marquant de son identité en construction.
Tout cela pour dire qu’au fond, la vie d’Adèle est un bon film de promotion pour s’engager dans la voie du professorat des écoles.