Est-il indifférent d’évoquer « les » syndicats, « les » enseignants ou « les » Gilets jaunes au lieu de « des » syndicats, « des » enseignants, « des » Gilets Jaunes ? On sait bien que non, et voilà une belle occasion d’enseigner à la fois les subtilités de la grammaire de manière vivante et concrète et de faire de l’éducation aux médias et à l’information. Le caractère défini ou indéfini du déterminant a toute son importance. A propos des Gilets Jaunes, il est cocasse de voir certains de leurs défenseurs inconditionnels préférer l’indéfini lorsqu’il s’agit de violences intolérables et le défini lorsqu’on a trouvé que sur les ronds-points, il y avait une grande harmonie et une volonté d’associer les préoccupations écologiques et sociales. A l’inverse, les détracteurs peuvent avoir la tentation de faire
l’inverse.
Je me souviens d’un texte de Brecht (mais je ne retrouve pas la référence exacte) décortiqué dans un séminaire de Roland Barthes, où il démontait le discours de Hitler, à propos notamment de la référence à « les » Allemands, ou « le peuple allemand ». Un seul être vous manque et tout est dépeuplé pourrait-on dire : un seul élément peut démentir une loi absolue, un seul comportement différent des autres interdit alors l’emploi du « les » qui veut dire « tous les ».
Reste que des outils de la langue existent dans la série des déterminants indéfinis (ou locutions jouant ce rôle) pour apporter des précisions : « la plupart », «la majorité de », « beaucoup de », « quelques », « quelques rares », « certains », etc. A manier avec précaution.
A vrai dire, le « les » englobant renvoie aussi à une conception qui fait fi des nuances d’appréciation. Le peuple est unanime, n’est-ce-pas ? Qu’on me permette de préférer la belle formule de Pierre Rosanvallon pour qui « le peuple », c’est un ensemble de minorités. (suite…)