Le changement, c’est maintenant, et surtout, c’est permanent. Les emplois qualifiés d’aujourd’hui exigent toujours plus de polyvalence et de flexibilité, et s’éloignent progressivement de ce que l’on a appelé longtemps le « corporate », un modèle de grande entreprise où directions, managers et employés connaissaient bien leurs rôles et positions respectives, à défaut d’offrir une mobilité et une autonomie aujourd’hui plus prisée.
Les générations qui arrivent sur le marché du travail aujourd’hui ne peuvent plus être appréhendées avec ce cadre. Selon une étude de Millenial Branding, seuls 7% des « Millenials », nés entre 1980 et 2000, souhaitent rejoindre de grandes entreprises.
L’entrepreneuriat, le travail en freelance, la quête de sens dans l’activité professionnelle collent mal avec l’image de bureaux aseptisés, compartimentés, que l’on se fait des géants d’hier. Si l’on rajoute à ça une sensibilité plus forte à l’interculturalité – la plupart des diplomés du supérieur ont vécu, étudié ou fait un stage à l’étranger – on obtient une tension très forte entre deux mondes du travail qui peinent à se rejoindre.
Cette tension, c’est précisément l’objet de The Change School, une école un peu particulière qui accompagne des personnes de tous les âges et origines dans le réalignement de leurs valeurs avec leur activité professionnelle.
Le constat de Grace Clapham, sa fondatrice, est simple : « nos vies comportent de plus en plus de « pivots », pour reprendre un terme propre aux startups, qui y voient le moment de changer radicalement de modèle lorsqu’elles font face à un échec, ou à une situation de stagnation ». Et nous savons tous que ces changements sont difficiles à accepter et encore plus à mettre en place.
Les étudiants se posent tous des questions quant à leur avenir professionnel, et prennent de plus en plus souvent des années sabbatiques pour prendre du recul. Les nouveaux « ménages célibataires » optent pour un enrichissement professionel précoce, loin des contraintes familiales, mais se retrouvent souvent en crise autour de 40 ans. Plus loin dans le cycle de nos vies de plus en plus longues, la retraite devient un moment de renouveau, avec d’autres choix et engagements à opérer.
Les programmes de la Change School visent à aider les personnes à franchir ces pivots, et à en tirer le meilleur : « Aujourd’hui, nous vivons jusqu’à 80 ans ou presque. Il faut en général 7-8 ans pour parfaitement maitriser un sujet. Il est donc possible, et la mobilité professionnelle ou géographique en témoigne, d’avoir plusieurs vies au lieu d’une seule carrière ». Pas d’apriori non plus concernant la « solution » à trouver : « aujourd’hui, la mode, c’est l’entrepreneuriat, les startups, mais tout le monde n’a pas l’âme d’un entrepreneur. Nous aidons nos participants à trouver la meilleure solution pour une étape de leur vie ».
Cette nouvelle école repose sur trois piliers. Le premier, ce sont des programmes pour les entreprises, qui leur permettent de mieux assimiler les notions, somme toute nouvelles, de diversité, d’inclusion, d’égalité entre les genres, et de leadership. Le second, c’est la « Residency », une période de retraite de 4 à 21 jours sur l’île de Bali, en Indonésie, pour décélérer et se concentrer sur l’essentiel, sur nos essentiels respectifs. Le troisième, c’est le « Change Gym », une série de programmes courts de quelques heures qui permettent à des actifs, en soirée, de réfléchir sur des thématiques qui vont de la prospective au « retour au travail » (pour des mamans, ou les fins de congés sabbatiques).
Cette « ingénierie culturelle », comme elle qualifie l’ensemble de ces programmes, sont implémentés en invitant des experts de champs très variés, aussi bien des consultants que des philosophes, des artistes ou des entrepreneurs. Le brassage culturel des participants aident aussi la construction d’une nouvelle élite de « citoyens du monde », la plupart ont travaillé dans au moins deux pays différents, quand ils ne sont pas eux-mêmes des « TCK », pour « Third Culture Kids », c’est à dire des personnes ayant grandi dans plusieurs pays, ou avec des parents d’origines diverses, une situation que l’on retrouve de plus en plus dans les grandes métropoles du monde, de New York à Singapour en passant par Paris ou Brasilia.
Il s’agit, en Asie, d’une vraie révolution. La région la plus dynamique du monde est aussi connue pour sa rigidité au changement quand il s’agit des trajectoires individuelles. Les familles – et l’ensemble du système éducatif – font pression très tôt sur les enfants, qui sont toujours poussés vers des professions très cadrées, comme banquier, médecin, juriste. C’est aussi cette culture que The Change School vise à compenser.
En dehors de The Change School, Grace a lancé un réseau de femmes entrepreneures en Asie du Sud-Est, nommé Secret {W} Business. Elle est également l’organisatrice locale, à Singapour, de Creative Mornings, une petit-déjeuner mensuel autour d’une personnalité du monde créatif. Grace vit entre Singapour, Bali et Jakarta.