Knewton : la big data au service de l’éducation

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La « big data », terme qui désigne l’explosion des données générées et les défis à relever pour les analyser, a déboulé dans le paysage du Web au cours des deux dernières années : tous les secteurs sont concernés, des transports en commun au marketing, en passant par l’éducation. Je vous propose donc un portrait de Knewton, une start-up américaine spécialisée dans la production et l’analyse de la « big data pédagogique ». Pour son fondateur, « l’éducation est même le plus gros marché de la data au monde ».

« Nous vivons dans un monde ou la personnalisation est devenue une norme. Cette affirmation est aussi valable pour l’éducation : croire que l’on peut donner exactement le même cours en même temps à un groupe de personnes est aberrant » affirme la vidéo de présentation de Knewton, une start-up new-yorkaise spécialisée dans l’adaptative learning. L’objectif : industrialiser la personnalisation de l’éducation.

 

Améliorer l’orientation des étudiants grâce à des algorithmes et l’analyse de données quantitatives ? C’est le pari de Knewton, une entreprise relativement peu connue si l’on considère l’impact de sa technologie sur les millions d’étudiants américains amenés à l’utiliser. Grâce à l’analyse de données générées par les étudiants eux-mêmes, Knewton se propose d’orienter et de définir les bons parcours pédagogiques afin de réduire l’échec scolaire. Le « bon » parcours  pédagogique ?  Peut-on déterminer le futur de quelqu’un grâce à l’analyse de l’endroit ou cette personne a cliqué en répondant à un quizz en ligne ? Révolution technologique ou robotisation de l’enseignement ?

 

Knewton a développé une technologie « d’adaptative learning » : l’adaptative learning (au XXIème siècle, on ne rougit plus de pointer vers Wikipédia  mes chers lecteurs) consiste à adapter le contenu d’un cours en fonction des spécificités de chaque étudiant ou groupe d’étudiants. Les élèves dont les écoles sont équipées par Knewton apprennent sur Knewton, passent leurs examens sur Knewton, sont corrigés par Knewton. L’entreprise récolte ainsi des milliers de données comme le temps passé à répondre aux questions d’un quizz, le nombre de réponses correctes, les différences de comportement en fonction des heures de la journée et mêmes les déplacements de la souris sur l’écran. Une fois ces données ingérées, Knewton les intègre dans un algorithme qui propose ensuite un parcours personnalisé pour chaque élève. Plus l’élève passe de temps sur la plateforme, puis celle-ci le connaît et propose des contenus personnalisés. Un peu à la manière de Google qui propose des réponses de plus en plus personnalisées, Knewton « progresse » avec l’usage.

Cliente de Knewton, l’université d’Arizona revendique des taux de réussite des examens qui sont passés de  64% à 76% et surtout des taux d’abandon scolaire qui ont baissée de 54%. Quelle est la recette magique ? Comme l’explique le fondateur de l’entreprise, Jose Ferreira, « un élève qui rentre chez lui pour réviser un examen produit un nombre incroyable de données : or, à l’heure actuelle ces données sont perdues ». En rendant systématiques l’apprentissage et les tests en ligne avec des écoles et universités partenaires, Knewton récupère ces données et se propose d’identifiier les difficultés des élèves. Toujours selon son fondateur, « Knewton est moteur de recommandation sous stéroïdes ».

Avec Knewton, le temps du cours est consacré aux exercices, en mode pédagogie inversée. Selon Irene Bloom, professeur de Mathématiques à ASU, «  je peux voir après chaque cours ce qui a été fait par chaque étudiant. En fonction de cela, je peux les regrouper par groupe de niveau et leur donner des problèmes sur un sujet en particulier sur lequel ils butent ». La notation du cours est elle aussi informatisée. Plutôt que de sanctionner le semestre par un examen final, les étudiants voient leur note évoluer au fur et à mesure. Le temps passé en correction de copies diminue automatiquement. Comme le fait remarquer Irene Bloom, l’une des grandes nouveautés est la grande de disparité de niveaux entre les élèves, qui transforme le professeur en tuteur à temps partiel. L’université de Cambridge travaille également avec Knewton

Le modèle économique de Knewton est un modèle de licence par utilisateur : chaque étudiant utilisateur de la plateforme coûte en moyenne 100$ par mois à son université. Il s’agit donc d’un investissement conséquent pour les universités qui espèrent en retour réduire les taux d’abandon et donc augmenter les revenus générés par les frais de scolarité. Autre source d’économie : il n’est plus nécessaire de recruter de nombreux assistants et de payer les heures passées à corriger des examens.

 

L’une des questions soulevées par Knewton, mais aussi par les MOOC, est celle du désinvestissement de l’Etat et des institutions dans l’éducation et de la déshumanisation de l’éducation. Pour Nicholas Carr, célèbre chroniqueur sur le New York Times, l’automatisation et la numérisation des cours seraient même le paravent intellectuel d’une vision libertaire et anti-étatique de l’éducation. Si ces analyses un peu « complotistes » sont à prendre avec des pincettes, elles ont le mérite de nous faire réfléchir sur l’impact à long-terme de l’adaptative learning et de l’éducation à distance.

 

Knewton a annoncé récemment des partenariats majeurs avec Pearson et Houghton Mifflin Harcourt, les deux principaux éditeurs de livres scolaires américains. D’ici deux ans, 5 millions d’étudiants utiliseront quotidiennement des contenus pédagogiques produits par Pearson, rendus  » intelligents  » et interactifs par la technologie Knewton. La révolution est en route.

Si vous souhaitez approfondir :

–  replay du Google Hangout du créateur de Knewton

 

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