La renaissance de l’e-learning, permis par le développement des Moocs et des Spocs, accélère la digitalisation de formations présentielles. Alors que de nombreux acteurs privilégient des parcours blended learning, des nombreuses entreprises se posent la question de la digitalisation complète de leurs contenus de formation, tout en cherchant à innover radicalement pour ne pas reproduire les erreurs passées. Voici quelques retours d’expériences formalisés suite aux projets développés par LearnAssembly
Deux scénarios sont possibles :
- créer une formation à distance à partir d’un présentiel filmé, une solution proposée par une société comme Ubicast.
- créer une formation digitale from scratch, en repensant la conception pédagogique pour le numérique et en intégrant les innovations apportées par les Moocs, sans pour autant faire systématiquement un Mooc.
Le premier cas permet de capitaliser sur l’existant et de maitriser les coûts. Ses limites ? Un contenu froid, peu enrichi, par définition pas conçu pour l’apprentissage à distance et ses spécificités. Les différentes rencontres que nous faisons nous indiquent qu’un nombre croissant d’entreprises demande à ses équipes formation de se doter de vrais studios de digital learning.
En effet, les attentes en matière de formation à distance sont beaucoup plus élevées : les entreprises ne veulent plus retomber dans le piège des années 2000, caractérisé par des contenus sophistiqués sur le plan pédagogique mais à l’expérience utilisateur largement perfectible, et surtout très coûteux. On invoque souvent le chiffre d’une heure d’e-learning pour un coût de 20 000€, ce qui me fait sauter au plafond quand on compare ce coût au coût global d’un Mooc d’entreprise, largement inférieur une fois ramené au volume horaire produit , et surtout conçu et optimisé pour l’engagement des communautés d’apprenants et le plaisir d’apprendre.
Les nouveaux usages venus du web et surtout du webmarketing s’appliquent à la formation, une vision développée notamment par 360 Learning qui évangélise le monde de la formation sur le rôle de l’expérience utilisateur.
- qualité de l’expérience utilisateur globale
- onboarding fluide facilité par des call-to-actions bien placés et des éléments de réassurance savamment distillés
- navigation intuitive et ergonomique sur l’interface proposée
- vidéos graphiques, courtes, percutantes, agréables à regarder
- propos personnalisé et incarné, forte dimension de storytelling
- relances personnalisées et tracking précis pour diminuer le taux d’attrition.
Dans ce contexte, les entreprises comme les organismes de formation cherchent à digitaliser leurs formations, avec des objectifs différents : dans le cas des entreprises, l’objectif est de rendre accessible massivement le contenu pédagogique, d’être plus réactif face aux demandes internes et de réduire les coûts logistiques liés au présentiel. Mais aussi de tirer parti des Moocs d’entreprises pour casser les silos et former en mêmes temps des collaborateurs de plusieurs pays, business units et par ce biais de transformer la culture d’entreprise via la formation digitalisée.
Dans le cas des organismes de formation, il s’agit avant tout d’une offre de rétention, destinée à éviter l’entrée sur le marché de pure players proposant des Moocs d’entreprise de qualité et sur étagère, comme Capitaine Spoc en France, Udacity ou Lynda aux Etats-Unis. Cette approche s’apparenterait au lancement de Sosh chez Orange, avant tout destiné à éviter une fuite massive d’utilisateurs vers Free.
Suite aux différents projets que nous avons mené avec LearnAssembly, voici quelques retours pour réussir la digitalisation d’une formation présentielle.
- L’art de la synthèse
Il m’est arrivé de recevoir un power point de 300 slides extrêmement denses avec le brief suivant : « réaliser un Mooc d’entreprise à partir de cette formation en modules de 20 minutes par semaine maximum pendant 5 semaines maximum ». Autrement dit : mission impossible.
La transposition d’une formation présentielle en mode Mooc d’entreprise, c’est-à-dire, sur un format synchrone et collaboratif, nécessite un travail de réécriture complet. Il est en effet nécessaire de créer une sorte de pyramide de Maslow du contenu de la formation, puis d’écrire des scripts percutants, synthétiques et denses. Il faut donc trier par ordre de priorité les différents éléments. Ce sacrifice nécessaire énerve de nombreux formateur présentiels qui craignent de voir leur contenu « charcuté » ( et aussi de perdre leur emploi lié au présentiel, ce qui à mon sens est un non-sujet, si comme de nombreuses professions confrontées à la transformation digitale ils s’auto-forment pour s’approprier ces mutations). En réalité, le cours digitalisé reprend le même contenu que le présentiel, mais en le répartissant sur différentes modalités pédagogiques : vidéo, activité, contenu additionnel, live, workshop en présentiel etc…
- Recruter les bons intervenants
Je fais partie des gens qui ferment une vidéo au bout de 7 secondes si l’intervenant s’exprime mal, dans un anglais approximatif, ou parle trop lentement avec un son qui crache comme une radio au milieu de la forêt amazonienne. Ces gens représenteront 95 des apprenants d’ici 5 ans. Les participants à une formation sont de plus en plus exigeants quant à la qualité de prise de parole du formateur. Le succès du Mooc de Cécile Dejoux s’explique en grande partie par son charisme et la qualité de son élocution. Il est en effet facile de benchmarker sur le web différents speakers, une crainte d’ailleurs souvent exprimée par les enseignants du supérieur. Le casting des intervenants est crucial. Trouver un bon équilibre entre un expert de son domaine et un acteur sans légitimité opérationnelle mais à l’aise à l’oral n’est pas toujours évident : chez LearnAssembly, nous demandons à pouvoir exerce des recommandations sur les intervenants sélectionnés, puis à les former à la prise de parole face caméra et à la scénarisation pour des formations digitales. Nous recrutons d’ailleurs nous-mêmes et de manière proactive et des dizaines d’intervenants qualifiés à qui nous exposons notre vision pour ensuite les accompagner dans la conception pédagogique de leur formation, sur étagère ou sur commande, en présentiel ou à distance
- Bien comprendre le public cible et le contexte
La digitalisation de formations présentielles permet aux entreprises de créer des bibliothèques de contenu pédagogiques très importantes. Certaines entreprises disposent déjà de plusieurs centaines de modules digitaux, synchrones ou asynchrones, Moocs d’entreprise ou e-learning type PPT animés. Mais ces bibliothèques massives créent un risque d’infobésité et d’engloutissement du contenu dans une masse trop grande. De plus, les modules ne sont pas toujours cohérents en termes de formats et de durée : un peu de vidéo, un peu ppt animé, un peu de captations d’évènements, un peu de serious game etc… De même qu’une charte graphique crée une identité de marque, une charte pédagogique doit être pensée en amont. Dans ce contexte, informer les collaborateurs de l’existence d’un module s’avère parfois plus complexe que sa conception. Ce qui nous amène à la :
- Communication interne
Le développement des réseaux sociaux d’entreprise permet de mieux communiquer en interne autour de projets de formation innovants. Le tournage d’un teaser léché, l’envoi de campagnes d’emailing en amont, l’analyse des données collectées (taux d’ouverture, taux de clic, origine du clic, device utilisé, OS utilisé etc..) sont des données précieuses qui permettent d’améliorer la diffusion d’une campagne de communication interne. A titre personnel, je suis convaincu que les entreprises ne vont pas tarder à débaucher des webmarketeur expérimentés venus des meilleures agences digitales pour appliquer à la conception pédagogique et à la communication interne les techniques éprouvées du marketing digital (contactez-moi via Twitter ou Linkedin si ce type de job vous intéresse, nous vous recruterons probablement dans les prochains mois). D’autres entreprises choisissent de communiquer par l’externe pour être plus visibles en interne. L’exemple de Solerni qui forme aussi bien les collaborateurs d’Orange que les particuliers est à ce titre très instructif.
5) Sensibilisation, information, formation
De très nombreuses formations digitalisées sont en libre accès, facultatives ; le « rapid learning » ou contenu consommable, souvent à faible durée de vie, est l’un des formats privilégiés et continuera à l’être avec le développement du mobile. Il est d’ailleurs intéressant de relever que de nombreuses entreprises souhaitent faire des « Moocs », avant de s’apercevoir après une première qualification de leur besoin, que celui-ci est en réalité la conception de parcours asynchrones, plus flexibles, pas forcément certifiants, en mode courseware. Ce point fera l’objet d’un prochain article : Les Moocs (au sens académique du terme) sont-ils vraiment adaptés aux entreprises ?
6) Repenser le présentiel
Je ne suis pas un ayatollah du tout-à-distance et un parti pris trop digital est un non-sens sur le plan pédagogique. LearnAssembly s’est lancé en proposant des cours du soir d’entrepreneuriat et de culture web ! Une formation digitalisée doit s’accompagner d’une partie présentielle repensée : atelier, barcamp, reverse mentoring, tutorat : les modalités pédagogiques permettant de redonner tout son sens au présentiel ne manquent pas. Les formateurs et universités d’entreprise doivent cependant changer d’état d’esprit et de pratiques pédagogiques, afin de réussir l’intégration du numérique dans leur stratégie de formation. Paradoxalement, le présentiel retrouve toute sa vraie valeur grâce à la digitalisation de le formation. L’échange, le partage redeviennent essentiels et contribuent à faire de la formation présentielle non pas une formation mais un événement, un temps fort, quelque chose d’unique, de réellement participatif et collaboratif.
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