Les entreprises s’intéressent aux Moocs depuis un peu plus d’un an et commencent à murir sur le sujet : certaines d’entre elles les déploient auprès de plusieurs milliers ou dizaines de milliers de collaborateurs. Mais suivre un cours en ligne en entreprise, à grande échelle, implique de repenser de fond en comble l’expérience en formation, d’un point de vue technique, humain et logistique. Voici quelques retours d’expérience de choses vues chez nos clients.
Nous voulons déployer des Moocs pour tous les collaborateurs – épisode 1, la boite mail
Pour suivre un Mooc, il faut se connecter à une plateforme dans le cloud. Pour se connecter à une plateforme dans le cloud, il faut une adresse mail. Voyez-vous ou je veux en venir ? Dans un grand nombre d’entreprises, le pourcentage de salariés dotés d’une adresse mail n’atteint pas 100%, quand il dépasse les 50%.
Nous voulons déployer des Moocs pour tous les collaborateurs – épisode 2, l’ordinateur
Ça y est ! Nous avons acheté des licences Gmail, One Drive ou autre, pour tous les collaborateurs. Mais pour suivre un Mooc il faut un ordinateur, une tablette, ou un mobile. Là encore, le taux d’équipement des salariés reste faible, là ou les foyers français disposent déjà de plusieurs écrans domestiques. En termes de maturité digitale, les individus sont souvent plus avancés que les entreprises, aussi bien au niveau des usages que de l’équipement.
Nous voulons déployer des Moocs pour tous les collaborateurs – épisode 3, les bureaux
La configuration des bureaux, telle qu’elle a été pensé dans les années 50 à 80, sur un modèle productiviste pour les non-cadres, et sur un modèle de bureau unitaire pour les cadres, soulève de nombreuses difficultés. Je me souviens du directeur région d’un grand distributeur intéressé par les Moocs qui me disait “ les Moocs j’adore, le problème c’est que dans les magasins il n’y a qu’une seule salle de réunion de 20 m2, avec un ordinateur, et que la salle est juste à côté des entrepôts, donc très bruyante !”
Comment se concentrer sans être interrompu ? Comment suivre un Mooc quand un collègue ou pire, un manager, toque à la porte pour vous demander quelque chose d’évidemment urgent ? Là ou le présentiel offre un temps sacralisé et dédié à la formation, le Mooc, doit lui aussi être intégré dans le temps de formation en-dehors du temps de production classique. Des plages horaires bloquées et connues de tous permettent d’éviter de suivre sa formation “ à la sauvette “. Lors d’une visioconférence de Mooc que j’animai récemment, une partie du groupe ne pouvait pas parler : ils avaient la bouche pleine d’un sandwich avalé sur le pouce, la visioconférence ayant lieu à l’heure du déjeuner, seul créneau disponible….
Nous voulons déployer des Moocs pour tous les collaborateurs – épisode 4 – Les bureaux, les casques, Youtube
L’open space s’est généralisé ces dernières années dans les entreprises. On retrouve là encore les difficultés liées à la nécessité de s’isoler pour se concentrer. Autre catégorie de lieu de travail : les centres d’appel. Dans certaines entreprises, les salariés ne disposent pas de casques leur permettant de suivre sereinement les vidéos; dans d’autres cas les casques ne sont pas reliés à une unité centrale. Dans d’autres cas les temps de chargement des vidéos sont si longs que visionner un Mooc demande une patience épuisante. Dans d’autres cas Youtube est bloqué. Dans d’autres cas le navigateur utilisé est Internet Explorer 8. Autant de facteurs pratiques réellement prohibitifs.
Nous voulons déployer des Moocs pour tous les collaborateurs – épisode 5, les managers
Les problèmes de connexion et de matériel sont réglés : tout le monde peut enfin suivre son Mooc. En réalité les difficultés ne font que commencer. La formation professionnelle française est – exception culturelle quand tu nous tiens – encadrée par le droit du travail. Son indicateur préféré reste la bonne vieille feuille de présence (on ne remplace pas une équipe qui gagne). La signature de la feuille de présence et sa validation préalable par le manager, qui prescrit, inscrit, valide ou invalide une formation sont un pré-requis. Les managers considèrent souvent la formation comme une perte de productivité puisque de leur point de vue un collaborateur en formation ne “ travaille” pas. Avec les Moocs, le collaborateur va devoir se connecter en ligne par sessions de vingt minutes à une heure, plusieurs fois par mois ou par semaines. Autant d’heures “perdues” pour la productivité. L’heure ou un manager acceptera sans sourciller que l’un de ses collaborateurs lui dise “ j’ai bien pris en compte ta demande, mais je la traiterai plus tard car je suis en train de suivre un Mooc” n’est pas encore arrivée, loin s’en faut.
Nous voulons déployer des Moocs pour tous les collaborateurs – épisode 6, le comex
La solution de l’épisode 5 est toute trouvée : sans communication managériale forte et soutien des dirigeants de l’entreprise, les Moocs ne trouveront pas leur place à grande échelle dans les entreprises. Retour à la case départ : la majorité des dirigeants français fuit sa boite mail comme la peste et demande à son assistant(e) de répondre à sa place ou mieux, de lui imprimer ses mails en lui surlignant les points importants demandant une réponse. Quant au PDG du Cac40 qui suit un Mooc, j’attends encore de le rencontrer !
Nous voulons déployer des Moocs pour tous les collaborateurs – épisode 7, les instances sociales
Tous les soucis exposés préalablement ont été réglés : équipement de pointe, salles de formation équipées, possibilité de dégager du temps seul ou en équipe, soutien de la direction. Arrive maintenant la question du plan de formation et des instances sociales. L’e-learning, encore souvent perçu comme de la formation low-cost, n’a pas convaincu les instances représentatives du personnel ni les OPCA, financeurs de la formation. Pire, ils y sont parfois hostiles, considérant que le Mooc est un prétexte pour former les collaborateurs sur le temps de repos, et/ou n’est pas une vraie formation mais une sorte de reportage télé même pas produit par une chaine reconnue et découpé en petites séquences.
Chez LearnAssembly, nous recommandons donc d’impliquer plus tôt possibles les syndicats et créons des éléments de langage pour valoriser les Moocs.
Conclusion : les attentes des apprenants se sont élevées, à la fois parce que la culture web nous rend impatients et zappeurs, mais aussi parce qu’une certaine exaspération à l’égard de certaines pratiques de formation présentielles archaïques se fait sentir sur le marché. L’appétit pour la formation digitale est là ! L’expérience utilisateur, élément clef de tout dispositif web, connu depuis longtemps des géants du web et autres startups, fait son arrivée dans le monde de la formation. Et l’expérience utilisateur, ou plutôt l’expérience apprenant déborde simplement la simple qualité d’un parcours pédagogique. Elle intègre des éléments spatiaux, temporels, psychologiques, sociaux, qui enveloppent la pédagogie et lui permettent de se déployer en toute sérénité !
One Response to Transformation digitale : comment suivre un Mooc dans de bonnes conditions en entreprise ?