RH, Formation et Digital : les cordonniers sont-il les plus mal chaussés ?

Avez-vous déjà vu un responsable RH demander à un éditeur de logiciels en SaaS s’il a une API ouverte ? Ou encore entendre un responsable formation commenter les taux d’ouverture de sa campagne multicanal lancée pour sa nouvelle formation ? Ou si un Mooc pouvait être interfacé avec un RSE permettant aux apprenants de faire du multiposting ?

La réponse est probablement non.

Et pour cause : les responsables RH et formation sont les premiers concernés par le digital mais pas forcément les plus accompagnés sur le sujet. Dans notreculture managériale, on tend à considérer que tout ce qui ne vend pas est une “ fonction support”, ce qui peut expliquer le désinvestissement subi par ces “fonctions support”. Pas de chance, ces fonctions sont aujourd’hui au coeur de la transformation des entreprises; on leur demande maintenant de porter et d’apporter le changement. Au-delà de mes jeux de préfixes douteux, ce changement lexical indique bien un changement profond de posture : plus proactive, plus entrepreneuriale, plus créative.

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Les métiers de la formation et des ressources humaines sont systématiquement sollicités pour accompagner la transformation digitale. D’un point de vue chronologique, on peut considérer que la formation et le recrutement sont dans les toutes premières étapes d’une transformation. Et parce que les entreprises ont (enfin) compris que le digital n’est pas une question d’outils mais un problème de conduite du changement, les attentes ont évolué.

Problème, le digital est un sujet neuf pour ces professions, à l’exception peut-être du recrutement qui a déjà basculé sur le digital depuis près de dix ans et  l’arrivée des jobboards.

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La culture digitale, ses codes, son langage et ses métiers sont autant de grandes inconnues. Les cordonniers sont les plus mal chaussés, dit-on. C’est d’ailleurs pour répondre à ce besoin qu’ été lancé avec beaucoup de succès le Mooc RH dans lequel j’ai le plaisir d’intervenir sur les sujets de transformation digitale. Comment recruter des profils dont on ignore l’existence ? Comment former à un sujet nouveau et s’assurer de la qualité des contenus ? Comment créer un dispositif de marque employeur pour une cible dont on ne connaît pas l’existence ? Comment créer un Mooc d’entreprise quand on en a jamais suivi ? Les questions s’empilent à l’ordre du jour des  “comités de pilotage” et autres “ steering committees”, (copil et steerco pour les intimes) mais les réponses ne se bousculent pas.

chef de projet

A la décharge des entreprises, reconnaissons que la vitesse à laquelle arrivent les innovations est tout simplement incroyable.
Subie ou proactive, cette transformation de leurs rôles ne se fait pas sans heurts. Dans le cas de la formation, cette transformation commence par le choix des modalités pédagogiques. En plus des formations obligatoires en présentiel, les entreprises intègrent des offres de formation en libre accès, pour répondre à des apprenants de plus en plus exigeants et sursollicités par leurs contraintes opérationnelles. Les responsables formation,  tels des intrapreneurs, commencent à pitcher leurs choix pédagogiques, expliquer aux managers l’intérêt de modalités hybrides mêlant Mooc et présentiel.

On attend au tournant le responsable formation sur sa capacité à marketer ses formations, à utiliser des leviers webmarketing (acquisition de trafic, conversion, fidélisation) et à augmenter ses taux de complétion. Nous avons pu nous apercevoir au cours de cycles de formation blended learning menés par LearnAssembly pour des équipes Rh et Formation que cette évolution des rôles entrainait des craintes fortes, pouvant déboucher sur des risques psycho-sociaux et une perte de repères assez violente.

 

Audience Overview

Pour les ressources humaines, là encore l’extension du périmètre de la lutte est forte. Le sourcing sur Linkedin, l’utilisation du big data pour évaluer la qualité de vie au travail, l’intégration de la publicité programmatique pour les opérations de marque employeur : autant de sujets qui transforment le quotidien des responsables RH. Avec des sociétés en forte croissance comme Talentsoft, Work4 ou encore Kudoz, les enjeux technologiques font irruption dans le quotidien des RH. L’initiative du Lab RH consistant à regrouper les startups RH de la French Tech va d’ailleurs dans ce sens.

lab rh

Vient enfin l’enjeu de l’animation de communautés. Qu’il s’agisse d’apprenants, de formateurs occasionnels ou de formateurs, animer une communauté n’est pas une pratique en phase avec la culture des entreprises françaises, pyramidales et processées. Une communauté ça bouge, ça parle, c’est un organisme mouvant et incontrôlable. Le terme de communauté est d’ailleurs associé au          » communautarisme », cet épouvantail sociologique érigé en anti-modèle social absolu en France.

On retiendra que le digital exacerbe une tendance de fond : le rôle primordial de l’expérience utilisateur et de la culture du test and learn.  Une phase de tests, de pilotes, d’apprentissage est toujours nécessaire, pour maitriser son risque et arbitrer. Accorder un droit à l’échec relève là aussi d’un changement de culture. Bel exemple d’agilité et d’esprit intrapreneurial ! Si la formation et les RH réussissent leur pari d’accélérer la transformation de leurs entreprises, elle remonteront dans la chaine de valeur de l’entreprise. Et les premiers directeurs/directrices de la formation entreront aux comités de direction, voire aux comex, comme c’est le cas avec les DRH depuis quelques années. Le challenge est lancé.

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