Passer une semaine à San Francisco, rencontrer les principaux acteurs edtech et universitaires, revenir à Paris, reprendre le travail, procure une étrange sensation : celle d’avoir appuyé sans s’en rendre compte sur le bouton “avance rapide” de sa télécommande. Voici l’épisode 3 de ma série « Edtech, la Silicon Valley et le reste du monde : Linkedin Learning, le rouleau compresseur ».
La plateforme Linkedin Learning est un véritable rouleau compresseur. Grâce aux données collectées sur les profils, Linkedin Learning se propose d’identifier précisément les compétences dont chaque individu a besoin pour évoluer. L’objectif ? Lui proposer la formation pertinente et garantir sa mobilité professionnelle.
La plateforme prétend que « 78% des personnes étant product manager dans le secteur Industrie » ont développé la compétence X ou Y. Présent sur l’amont avec la cartographie des compétences, Linkedin est maintenant présent sur l’aval : l’entreprise sollicite des influenceurs stars pour tourner des vidéos pédagogiques dans ses studios, et proposera bientôt des parcours, directement inspirés des Spécialisations de Coursera. Linkedin pousse à fond le phénomène de starification développé par les Moocs.
Le développement de Linkedin dans la formation pose cependant certaines questions : les compétences de votre profil sont-elles une source suffisamment pertinente ? Certaines personnes que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam ont recommandé mes compétences managériales. Et je connais des dieux vivants dans leur métier qui n’ont que trois ou quatre recommandations…Soit moins que des stagiaires débrouillards qui maitrisent bien leur identité numérique. Les entreprises vont-elles accorder de la crédibilité à la formation made in Linkedin ?
Linkedin Learning permet d’entrevoir des possibilités de business model intéressantes : va-t-il faire payer des organismes de formation et universités extérieures pour pouvoir proposer des cours sur la plateforme ? Cette diversification de business model a du sens, et vient empiéter sur les plates-bandes de toutes les plateformes de cours en ligne. Elle doit aussi inquiéter les éditeurs d’e-learning, dont la force de frappe n’est pas comparable à celle de Linkedin.
Globalement, cette vision assez standardisée de la formation reste un peu limitée; il n’est pas évident qu’elle convainque les entreprises qui ont des besoins complexes. En revanche, elle couvre le bas de la pyramide de Maslow en formation : l’accès quasi illimité à la ressource pédagogique pour un coût marginal pour le client.