Collaboration entre startups et ESR : un grand malentendu ?

A l’occasion de la conférence Educpros #EDUP2016, en partenariat avec LearnAssembly qui animera une partie des ateliers de travail l’après-midi, j’ai essayé d’identifier quels pourraient être les points d’achoppement des entrepreneurs edtech vis-à-vis de l’enseignement supérieur. En réfléchissant, je me rends compte que nombre de ces blocages viennent d’une incompréhension mutuelle, et finalement d’une absence de remise en question de part et d’autre.

Start-up et startup

Un peu comme dans ce célèbre sketch des Inconnus sur le “bon et le mauvais chasseur” , il y a plusieurs types de startups. Le terme “start-up” est d’ailleurs tellement galvaudé que s’y retrouver est difficile.

Premier élément permettant de circonscrire le concept de  “start-up”, le temps :  on convient généralement qu’une start-up est une entreprise “jeune”. Or l’une des caractéristiques des startups est la rapidité. Quel rapport entre une startup de 6 mois et ses deux co-fondateurs et une start-up de trois ans, ayant recruté une équipe de vingts, trente, quarante personnes, levé des fonds, un chiffre d’affaires se comptant en millions d’euros ?

Les entreprises ont bien compris cette frontière entre startup en amorçage et start-up devenue PME. Elles intègrent les entreprises plus avancées dans des appels d’offres complexes et proposent aux plus jeunes des solutions souples, comme des projets pilotes rémunérés, afin de leur donner leur chance sans prendre trop de risques. Mon entreprise LearnAssembly a commencé grâce à des petits contrats avec des clients intéressés par notre approche; ces premiers signes de confiance nous ont permis de développer notre savoir-faire, sans pour autant mettre en danger notre client. L’apprentissage a été mutuel et bénéfique. Nous remercions tous les jours ces personnes qui ont accepté de nous faire confiance au tout début, quitte à sortir des sentiers battus

Les acteurs de l’enseignement supérieur doivent apprendre à qualifier les startups en fonction de critères de maturité afin de les flécher vers les bons interlocuteurs et projets.

Les startups ne répondent  pas à vos besoins ? Faites-les grandir !

Le climat actuel en France est plutôt morose : l’énergie des startups est donc une aubaine médiatique ! Nos candidats présidentiels se précipitent dans les incubateurs pour prendre des selfies avec des startupers. Bref, tout le monde veut travailler en mode start-up.

Après quelques années passées dans cet écosystème, en avoir vu les bons comme les mauvais côtés, j’ai acquis la conviction que le meilleur cadeau que l’on puisse faire à l’écosystème startup est, dans certains cas, et avec bienveillance bien sûr, de le remettre à sa place. Non pas pour le casser, mais bien pour le faire grandir et lui permettre de réaliser son potentiel !

Les startups sont parfois incapables de se projeter au-delà du service qu’elles proposent. Elles pensent que leur solution est LA solution, et que les prospects qui ne l’achètent n’ont pas bien compris ce qu’ils ratent, voire sont carrément des imbéciles.

Elles n’ont pas une vision claire des enjeux de gouvernance, d’histoire, de culture de l’enseignement supérieur: passionnées par leur produit, leur envie de changer les choses, elles ne prennent pas toujours le temps de s’adapter à leur environnement.

La réaction de nombreux acteurs universitaires est donc une épidermique, voire hostile : “qui sont ces petits jeunes qui viennent m’apprendre mon métier ?”  Il est temps de dépasser ce malentendu ! Les startups doivent se rappeler qu’elles ont encore beaucoup à apprendre. Prenez le temps de les aider à gagner en hauteur de vue, plutôt que de les prendre de haut.

Les startups ne sont pas animaux de cirque

La tendance des learning expeditions, tiers-lieux et autres espaces de coworking donne parfois l’impression que les startups sont des animaux exotiques que l’on viendrait observer en safari, avec un appareil photo et un périmètre de sécurité pour éviter toute contagion.

Les startups ont une autre manière d’envisager une situation, en particulier dans l’éducation. Cependant, une acculturation n’est réussie que si elle entraîne des actions, une mise en mouvement. Visiter un incubateur, voir des jeunes travaillant sur leurs Macs dans des canapés vous confortera plutôt dans vos préjugés : “ Ils sont sympas ces jeunes, mais bon, nous on a des choses sérieuses à faire”.

Cette attitude paternaliste peut s’expliquer par un décalage culturel mais aussi sémantique. Les anglicismes et termes venus du monde du web nuisent à une bonne compréhension mutuelle. Mais le design thinking, le blended learning, les serious games ne sont pas que des buzzwords :  ils sont porteurs d’une vision et d’une transformation profonde de nos modes d’apprentissage et d’enseignement. Le rapport du Conseil National du Numérique qui oriente les budgets du PIA DUNE s’inspire d’ailleurs très largement de la culture startup.

En conclusion, l’enseignement supérieur doit accepter de se mouiller, de sortir d’une certaine zone de confort qui freine sa capacité à innover. L’austérité budgétaire et la complexité organisationnelle ne peuvent pas systématiquement servir de prétextes pour justifier l’absence d’innovation. Les enjeux sociétaux comme l’insertion professionnelle, la gestion de flux d’étudiants en première année, l’orientation, la concurrence internationale, la formation continue méritent qu’on se gratte la tête pour sortir des recettes toutes faites ! La créativité, la gestion de l’incertitude  et l’adaptabilité sont des compétences de demain : plutôt que de subir, anticipons.

De leur côté, les startups de l’ESR et de la formation professionnelle doivent faire leurs devoirs  et comprendre les enjeux complexes auxquels sont confrontés leurs interlocuteurs. Bref, se mettre à leur place sans perdre leur âme.

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