Remarque à propos du pilotage
Une première remarque sur le terme même de « pilotage ». Il suppose une maîtrise individuelle, ce qui me semble assez contraire à tout ce que l’on peut dire actuellement sur les questions de gouvernance d’établissement qui suppose un travail du collectif, pas seulement l’exercice solitaire d’une compétence.
Or il y a en fait un manque d’outillages collectifs pour élaborer de l’accord entre les participants. On va voir ce que produit le deuxième texte sur le Conseil pédagogique. Nous sommes en fait toujours dans un modèle bureaucratique hiérarchisé, reposant sur le principe de l’autorité statutaire. Voir l’analyse de Alain VENART et Robert CANNAFARINA (« le changement de l’organisation EPLE dessine un nouvel espace éducatif qui, au-delà de l’opposition entre le principe et la modernité, interroge chacun de ses acteurs sur ses missions. » )
La question du/des rôles de conseiller technique
Plusieurs professions de l’éducation nationale, ont été créées en fait à l’origine sur le modèle de l’expert, le modèle du spécialiste. C’est assez particulier à la France.
L’enseignant « reste pur », et les tâches « ingrates », « utilitaires » sont réalisées par des spécialistes tels que le surveillant général, devenu le conseiller principal d’éducation, le conseiller d’orientation scolaire et professionnelle, devenu le conseiller d’orientation-psychologue, le documentaliste, devenu le professeur documentaliste. D’autres professions encore ont été intégrée telles que médecin, infirmière, assistante sociale.
Or on voit depuis une vingtaine d’années et particulièrement depuis les années 90, que pour chacun de ces « métiers » la pratique professionnelle personnelle se voit « doubler » d’un champ d’activité attribué à l’ensemble de l’établissement. Non seulement il y a crise d’identité pour ces « spécialistes », mais aussi pour les enseignants qui se voient réclamer des compétences d’experts dont ils étaient protégés jusqu’ici. D’où également tensions entre ces spécialistes, en général seul représentant de leur espèce dans l’établissement, et « les autres ».
Ce déplacement en entraîne un autre. Alors que ces professionnels étaient dans leurs pratiques des experts vis-a-vis des élèves, ils deviennent des conseillers techniques concernant des dispositifs collectifs et surtout conseillers vis-à-vis du chef d’établissement. D’une relation « descendante » vers l’élève, ils passent à une relation « ascendante » vers le chef d’établissement.
Des conditions du conseil technique
S’il y a évolution fonctionnelle vers ce rôle (qui se rajoute aux autres) cela ne veut pas dire que cette évolution se fasse réellement et facilement.
D’un côté le conseil technique doit être rendu possible par une « demande ». Or cette demande de conseil suppose un « non-savoir », du demandeur et donc un « non-pouvoir » de la part de quelqu’un qui se trouve actuellement défini comme ayant l’autorité fondée sur la possession de compétences.
L’autre frein institutionnel est la question du statut de ces conseillers. Dans une organisation hiérarchique, ils sont du même niveau que celui des enseignants. Pas tout-à-fait du même niveau : l’épreuve qui consiste à retirer un enseignant entraîne un arrêt dans le fonctionnement de l’établissement, mais retirer l’un de ces spécialistes n’a pratiquement aucune conséquence. L’un des aspects propre à l’organisation hiérarchique, c’est le risque encouru par un acteur de rentrer en contact avec le niveau supérieur sans un appareillage de protection (représentant élu du personnel, représentant syndical, représentant de la discipline…), et en général dans un espace publique, jamais « seul à seul ». La notion de conseiller technique n’est pas conforme à cet univers institutionnel.
Des conséquences pour la formation des personnels
Dans un de mes articles (L’éducation en orientation en tant qu’innovation. Publié en fait en 2005 dans la revue Perspectives documentaires en éducation, n° 60, 2003, L’éducation à l’orientation, pp 19-32), j’utilise le modèle de Callon et Latour pour analyser la tentative de diffusion de cette innovation institutionnelle qu’est l’éducation à l’orientation. Dans le cadre de la formation des IA-IPR, je pense que ce modèle, et la réflexion autour de ce modèle seraient pertinents.
Je pense également que la notion de conseiller technique devrait être travaillée. Les IA-IPR EVS auront à porter la diffusion de ce rôle à la fois chez les professeurs documentalistes et les conseillers principaux d’éducation, mais également auprès des chefs d’établissement.
Bien entendu, la formation et la définition du statut du chef d’établissement sont à revoir.
La question se pose d’ailleurs également à propos de la formation des IEN-IO pour ce qui concerne les conseillers d’orientation-psychologues. Ce rôle de conseiller technique ne peut être investi par une personne qu’à la condition qu’un « collectif » la supporte. Aussi la formation des directeurs de CIO devrait également être concernée par cette question. Le directeur doit être capable d’animer l’équipe du CIO de telle manière que chaque COP se sente supporter par un travail collectif de production de « savoir » qui fonde son rôle de conseiller technique.
Enfin ayant participé à la formation des professeurs documentalistes dans l’académie de Versailles, notamment sur la politique documentaire ce qui les place eux aussi dans un rôle de conseiller technique, je pense qu’il serait important de rassembler des ressources dans ce domaine, et les dernières réflexions sur ce sujet afin de les mettre à disposition.
Durant plusieurs années, j’ai réalisé auprès de divers publics des formations sur le rôle de conseiller technique. On peut voir les documents de formation que j’ai produits à ces occasions sur mon site http://bdesclaux.jimdo.com/formations/conseiller-technique/.
Bernard Desclaux
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