« Comment améliorer l’information des lycéens sur le supérieur ? », c’est la question que m’a posée récemment une journaliste afin de préparer une conférence. Cette question sera de plus en plus prégnante dans le contexte de la stratégie de Lisbonne (2001). Par exemple, le nouveau cadre stratégique européen « Education et formation 2020 » propose comme nouveau « critère de référence » à atteindre dans tous les pays de l’UE qu’au moins 40% des 30-34 ans soient diplômés de l’enseignement supérieur. » cf. Profil des étudiants entamant des études universitaires et analyse des choix d’études, Catherine Vermandele, Charles Plaigin, Vincent Dupriez, Christian Maroy, Maud Van Campenhoudt et Dominique Lafontaine, Les Cahiers de Recherche en Education et Formation N° 78,AVRIL 2010)
Est-ce une bonne question ?
Le besoin de la massification des études du secondaire auxquelles les nations européennes (entre autres) ont été confrontées au retour de la seconde guerre mondiale, se trouve aujourd’hui étendu au niveau du supérieur. D’une certaine manière on peut comprendre que l’investissement financier recherche son efficacité voir son efficience, et donc que l’importance quantitative des « échecs » dans le supérieur est à réduire.
Reste que la question serait de notre point de vue : cette réduction peut-elle être obtenue en améliorant l’information des lycéens sur le supérieur ?
Informer ?
Une opération facile ?
Il y a quelques années j’avais la responsabilité dans une académie de l’Ile-France de l’organisation d’un stage de formation continue pour les enseignants de terminales. Une journée de présentation était organisée par chaque université de l’académie. Cela supposait une importante coordination entre la MAFPEN du rectorat et les SCUIO des Universités. Un des points de difficultés que rencontraient ces services était en particulier leur peu de poids auprès des départements de l’Université, même si le SCUIO est un service auprès de la présidence de l’Université. Et derrière cette difficulté il y avait qu’au fond la participation à de telles opérations pour les enseignants du supérieur se faisait sur la base du volontariat et du bénévolat. Sur ce point l’organisation dans le supérieur est sans doute pire que celle du secondaire pour ce qui concerne les activités hors-enseignement.
Qu’en est-il aujourd’hui alors que se développent :
• les journées portes-ouvertes ;
• les rencontres dans les lycées, voire des forums de lycée ;
• les salons, carrefours, forums, de ville, de département, de région ;
• l’orientation active.
Comment sur la base du simple bénévolat mobiliser suffisamment de personnels pour assurer toutes ces rencontres ?
Un constat de pléthore d’occasions de s’informer
A ces différentes opérations d’information il faut ajouter les publications papiers, secteur de l’édition qui prospère. Et au-delà du papier, on assiste au développement des sites web d’information gérés par les établissements eux-mêmes, ou par des opérateurs nationaux comme l’ONISEP. De leurs côtés les régions essayent de créer des portails pour faciliter la circulation des « chercheurs d’information ».
Cette accumulation de sources, d’occasions d’information, place le lycéen, et souvent ses parents, dans un processus infini de recherche de l’information. « Et si on avait raté quelque chose, allons au Salon machin, on trouvera sûrement… ». Un processus d’insatisfaction est ainsi enclenché par l’importance donnée à l’information. Course à la rationalité.
Information et formalisation
Mais que désigne l’information ? Pour avoir travaillé en SCUIO, je sais combien il est difficile pour ces services d’obtenir des informations structurées de la part des départements. La fabrication de l’information est un processus compliqué qui demande du temps, de la mobilisation des personnels.
Et faut-il encore que ce que désigne l’information soit suffisamment stable et décrivable pour rentrer dans ce processus. Peut-on parler de programme d’enseignement universitaire au même sens que celui du secondaire ? En quoi une « licence de x » désigne la même chose sur le territoire français, si ce n’est un ensemble de volumes horaires de telles et telles « matière » ?
Une formation du type BTS se termine par la passation d’une même série d’épreuves, ce qui implique une certaine homogénéité des préparations à ce diplôme. Mais quand est-il de la licence de x ? Aucune passation commune d’épreuve pour imposer cette tendance à l’homogénéisation.
L’organisation tubulaire de l’enseignement
Tuyaux et fuites
Notre enseignement supérieur prolonge le secondaire. L’organisation tubulaire se poursuit. Toute sortie de ce chemin prévu est considérée comme une « fuite ». C’est une erreur, c’est une faute : une erreur d’orientation de la part de l’étudiant, et une faute de la part de l’organisation qui n’a pas su le conserver. Rien que la dénomination « passerelle » en dit long sur la précarité et la solidité des parcours de dérivation qui sont proposés.
Nous avons un enseignement organisé comme un menu de restaurant, me disait un enseignant américain, alors que celui des Etats Unis serait plutôt sur le principe de la carte. On peut rappeler d’ailleurs qu’à l’origine le principe du LMD supposait le principe de la carte : un ensemble de modules à assembler par l’étudiant. Mais notre conception française est passée par là.
Il y a une telle multitude de « tuyaux » que la recherche d’information, pour ne pas en rater un qui serait meilleurs que celui que je connais, devient un sport national.
Que sait-on des autres organisations de l’enseignement supérieur ?
Au niveau du secondaire, les évaluations internationales, notamment l’enquête PISA a produit beaucoup de données permettant des comparaisons sur l’organisation de cet enseignement. En particulier Nathalie Mons s’est spécialisée sur ce thème. On peut se reporter à son dernier livre : Les nouvelles politiques éducatives, La France fait-elle les bons choix ? PUF, 2007 (voir un cr de Martine Fournier dans Sciences Humaines . Et en ces temps de débats politiques pour les prochaines élections un retour sur ce livre serait sans doute instructif pour les candidats et les électeurs.
Mais, dans le supérieur, les évaluations internationales ne semblent pas produire ce type de réflexion. Il semble que le seul élément de réflexion porte sur la taille des unités, et l’organisation de l’offre, et la circulation des élèves dans ces formations ne semblent pas encore être des objets de comparaison. Il faut peut-être encore un peu de temps pour passer du quantitatif au qualitatif ?
Structuration par le haut et par l’organisation du marché du travail
Structuration par le haut
Antoine Prost dans une conférence à l’ESEN (Regards historiques sur l’éducation en France : XIXe – XXe siècles ) rappelait que notre secondaire fut créé pour préparer les entrées dans les grandes écoles qui fournissaient à l’époque napoléonienne les ingénieurs, les techniciens nécessaires à l’armée et au développement économique, administratif…
Curieusement ( ?) le baccalauréat est le premier diplôme de l’enseignement supérieur, et s’il donne ainsi accès aux études universitaires, le concours d’entrée en grande école est nécessaire, ce qui justifie sans doute le développement des « classes préparatoires ». Et dans ce schéma, on pourrait dire que les différents bacs préparent à l’entrée en classe préparatoire d’abord. Mais alors où et quand se fait la préparation aux études universitaires ? Et peut-il y avoir un réel investissement du lycée, et de ses personnels dans l’information sur le supérieur s’il existe dans ce fond organisationnel une telle hiérarchie de valeur entre les poursuites d’études ?
Le diplôme professionnel, un mal français ?
Pour terminer, on peut remarquer l’importance donné chez nous au diplôme. Nous avons une conception très fermée qui uni en un cheminement quatre éléments : formation, diplôme, métier, emploi. C’est ce qu’on appelle le modèle adéquationniste. Même s’il est très largement remis en question, il continu d’avoir des conséquences sur l’organisation de notre système de formation. Voir l’excellent document conçu par Laure Endrizzi : dans le cadre de sa VST, l’INRP avait publié en septembre 2009 un dossier intitulé : La relation école-emploi bousculée par l’orientation .
Conclusions ?
Tout ça pour dire, de manière abrupte, que le développement de ces dispositifs d’information renforce une vieille conception de l’orientation et de la formation.
C’est prendre l’orientation par le côté de l’offre des formations. Et rappelons-nous la taille de cette offre : 10.076 formations post-bac comme l’indiquait Pierre Dubois dans l’un de ces posts sur Educpros.
Bernard Desclaux