Poursuite de nos réflexions et commentaires à propos de notre article : 2011-2012 les enjeux pour les services d’orientation et de la série ouverte par l’article Quelques réflexions à propos du service public d’orientation tout au long de la vie (I).
Il y a des inquiétudes parmi les personnels d’orientation de l’éducation nationale, autant sur la participation que sur la non-participation à ce Service. Et il faut sans doute en discuter.
Quels sont les risques d’une participation ?
L’antériorité historique
Y participer serait, sans doute, accepter la non-reconnaissance de l’histoire de l’orientation en France. Cette histoire commence au début du XXème siècle avec le mouvement pour l’orientation professionnelle et le combat pour la loi Astier sur l’apprentissage. Des bureaux d’orientation professionnelle se créent, soutenus par des associations, des villes. Puis un centre d’OP par département est requis par la loi de 1938 instituant l’avis d’orientation délivré par un conseiller d’orientation professionnelle. En 1959, ces centres deviennent des Centres d’orientation scolaire et professionnelle, puis en 1971, des Centres d’information et d’orientation. Ajoutons que l’orientation en France s’est construite sur la question de l’orientation professionnelle des enfants (et non pas des adultes comme aux Etats unis par exemple). Voir Bernard Desclaux : Commentaires aux articles extraits des revues, in B. Desclaux & R. Guerrier (Eds.), Actes du colloque international « Orientation passé, présent, avenir : 75 ans de l’INETOP », (pp. 275-280). L’Orientation Scolaire et Professionnelle, 34, Hors-série.
La dilution de l’identité
Et derrière la perte de reconnaissance, il y a la perte d’identité. Depuis 20 ans le thème du guichet unique est agité. Les derniers en date, « cité des métiers », « maison de l’emploi et de la formation » sont considérée comme des espaces de dilution des identités des « partenaires », et la labellisation au sein d’un service public d’orientation tout au long de la vie fait craindre la même chose (Voir mes billets à ce sujet sur ce blog). Quelle est l’identité qui va prévaloir, celle du CIO, ou celle du SPOLVT ? Un chapeau cache toujours en partie ce qu’il recouvre, même s’il le met en valeur.
Mais de quelle identité s’agit-il ?
Pour se défendre de ce risque, il faut une forte « identité », et l’un des problèmes se trouve sans doute là. Les critiques disent qu’une conception libérale de l’exercice de la profession s’est développée. Mais on peut penser qu’il ne peut en être autrement lorsqu’une profession est peu administrée : très peu de consignes, une institutionnalisation faible (pas de statut réel du CIO, un corps unique avec deux grades, conseiller d’orientation-psychologue et directeur de CIO, par exemple), pas d’évaluation des personnels et du service, pas d’obligation de rendre compte. Il n’y a A cela vous ajoutez un exercice très solitaire du métier. Il ne peut y avoir alors que libéralisme.
Participer à ce service suppose, vu le cahier des charges de la labellisation, de quitter ce libéralisme. Un engagement à agir de manière « normée » est attendu. On se reportera à l’arrêté du 4 mai 2011 fixant le cahier des charges relatif au label national « Orientation pour tous – pôle information et orientation sur les formations et les métiers » prévu à l’article R. 6111-1 du code du travail.
La longue hésitation de l’état
On pourra se plonger dans le rapport du HCEE intitulé L’évaluation de l’orientation à la fin du collège et au lycée, Rêves et réalités de l’orientation (mars 2004) et en particulier le Chapitre 1 : Les objectifs et les moyens des politiques d’orientation (pp. 11-36) p. 25.
On y rappelle les vieilles hésitations de l’Etat sur l’interprétation de l’orientation (autorité sur l’autre ou aide à la personne) et ses effets très ambigüe sur le positionnement des personnels d’orientation. Aujourd’hui la hiérarchie (CSAIO, IEN-IO) se trouve totalement impliquée dans le contrôle (procédures d’orientation, gestion des flux, affectation), alors que les personnels de terrains sont centrés sur l’aide et de conseil. Comment ces deux métiers peuvent-ils coopérer ? Comment peuvent-ils avoir le même point de vue sur la participation à ce SPOLVT ?
Libéralisme et protection des personnes
Du coup ce libéralisme de la profession est vécu de l’intérieur comme une protection vis-à-vis de tout contrôle de l’aide à l’orientation des personnes, et tout ce qui peut apparaître comme un cadrage de l’activité est perçu comme un risque de perte de cette « indépendance ». Et pour protéger cette indépendance, certains agitent d’autant plus tout ce qui pourrait apparaître comme contrôle des personnels. Voir notamment mon post Service public d’orientation tout au long de la vie : « Qui c’est le chef ? » (II).
Quels sont les risques d’une non-participation ?
Appeler à la non-participation
A l’inverse, la non-participation localement serait sans doute très mal ressentie. Ne pas participer au réseau des organismes labellisés implique un non-accès aux informations qui y circulent, et une mise à l’écart, une méfiance vis-à-vis de celui qui se met hors de ce jeu. Par ailleurs comment justifier aux partenaires la non-participation à ce service public tout en travaillant avec certains de ces mêmes partenaires dans le cadre par exemple des plates-formes concernant le décrochage ?
Nationalement qui pourrait prendre la responsabilité du mot d’ordre d’une non-participation au service public ?
- Pour un syndicat, cela voudrait dire qu’il refuse la participation des services d’orientation de l’éducation nationale à la mise en œuvre de la première loi qui porte sur l’aide à l’orientation de toute personne, quel que soit son statut.
- Pour un ministère, ce serait s’opposer à la mise en œuvre d’une loi.
Vouloir participer et être refusé
Mais il peut y avoir non-participation pas seulement parce qu’on ne veut pas, mais parce qu’on vous le refuse. Et une crainte largement formulé par beaucoup de collègue, serait ce refus prononcé par la commission et le préfet. en effet, le CIO demandeur peut ne pas répondre à tous les critères exigés. Un de ces critères souvent cité est l’absence d’accès assuré pour les handicapés. Cela renvoi au fait que l’implantation des CIO s’est faite n’importe où, dans n’importe quel environnement architectural, sans normes nationales.
Ainsi, paradoxalement, le CIO demandeur de participer au SPOLVT, s’il ne répond pas à ce type de critère, pourrait être publiquement reconnu comme non seulement ne pouvant pas être labellisé et participer au SPOLVT, mais aussi pourrait devoir fermer jusqu’à la fin des travaux le mettant en conformité avec la loi. Inutile de préciser que nombre de collègues directeurs de CIO se sont déjà vu recevoir des refus de travaux pour mise en conformité de la part du rectorat pour les CIO dit d’état, et du Conseil général pour les CIO dit départementaux.
Bernard Desclaux
[…] Nous avons déjà examiné sa mise en œuvre dans de nombreux posts sur ce blog ( le dernier « Participer ou ne pas participer au Service public d’orientation tout au long de la vie (SPOTLV… » […]