Jean-Robert Pitte, délégué à l’information et à l’orientation, vient de publier sous sa direction un livre : « Orientation pour tous, Bien se former et s’épanouir dans son métier » (François Bourin éditeur, 2011).
Son introduction – qu’il a rédigée – propose un diagnostic justifiant la loi de 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, ainsi que la création du service public d’orientation tout au long de la vie comme réponse à ce diagnostic.
Nous examinons, dans ce post, la nature de ce diagnostic et la pertinence de la réponse.
Tout d’abord… pour clarifier ma position
Cette idée du service public d’orientation tout au long de la vie est déjà relativement ancienne. Le Conseil européen travaillait sur l’AIO (accueil, information, orientation) avant 2000. La conception de l’orientation au niveau européen était basée dès cette époque sur l’idée d’un service à la personne et non pas comme un dispositif d’orientation des personnes. Cela suppose le libre accès à l’utilisation d’un service. C’est cette notion qui a guidée la création d’un service public d’orientation tout au long de la vie en France. Nous avons déjà examiné sa mise en œuvre dans de nombreux posts sur ce blog ( le dernier « Participer ou ne pas participer au Service public d’orientation tout au long de la vie (SPOTLV) ? » ).
Globalement nous sommes en accord sur cette nécessité d’un service rendu aux personnes. Mais le problème porte sur l’articulation entre le diagnostic posé par jean-Robert Pitte et la réponse qui y est apportée par la création de ce service.
Le diagnostic
Glanons quelques éléments de ce diagnostic.
La France a un taux de chômage élevé, comparé à d’autres pays européens. Mais dans les explications données habituellement, la flexibilité et l’entrée précoce dans la vie active sont peu souvent formulées, remarque J-R Pitte (p. 6).
Le taux de chômage élevé des jeunes est expliqué par : « En France , l’alternance est peu développée et peu de jeunes cumulent la poursuite d’études et un emploi, ce qui rend plus difficile qu’ailleurs leur accession au premier emploi, du fait de leur manque d’expérience du monde du travail. » (p. 7)
Les jeunes français sont donc pessimistes (p. 8-9)
« Si l’on remonte vers les causes de ce malaise, face au travail et à cette peur de l’avenir, il faut bien invoquer la crise persistante du système éducatif dont les contre-performances ont été récemment soulignées par le Haut Conseil de l’éducation, mais aussi par l’OCDE ; » (p. 9)
L’explication n’est pas à chercher du côté de la dépense publique ou des effectifs par professeur. Non l’effort est à faire du côté de l’enseignement primaire. Le doute des adultes et la perte de l’autorité sont également convoqués, avant d’aborder « L’autre handicap de notre système éducatif qui fait débat depuis longtemps : il est insuffisamment tourné vers le monde des métiers et de l’insertion professionnelle, ce qui traduit la méfiance que ces acteurs nourrissent encore trop souvent à l’égard de l’entreprise. » (p. 13)
Comment ce service public peut répondre à un tel diagnostic ?
Même si, je le répète, je suis tout à fait d’accord sur la nécessité de l’existence de ce service d’orientation à la personne, et non pas d’un dispositif d’orientation des personnes, je ne comprends pas comment votre diagnostic justifie ce service.
On peut alors s’interroger sur l’articulation entre le diagnostic posé sur l’état de la société française, et surtout sur celui des Français (jeunes ou adultes), qui globalement sont, d’après Jean-Robert Pitte pessimistes, immobiles, frileux… Et la solution à cet état : la mise en œuvre d’un service public d’orientation tout au long de la vie, qui suppose un utilisateur volontaire de ce service. C’est sûrement en voyant le logo sur une porte que le jeune décrocheur aura envie de la franchir pour s’interroger sur son orientation…
S’occuper de son orientation suppose un minimum d’énergie, d’estime de soi, et de confiance dans l’avenir. Et ce diagnostic ne va pas dans ce sens.
Il serait donc peut-être souhaitable de s’interroger sur le statut de ces « faits sociaux » que l’on ne peut nier mais que l’on ne peut pas non plus « naturaliser ». Ils sont des produits, notamment du fonctionnement de notre système scolaire.
Dans l’immédiat je renvoie à l’excellent post de Philippe Jamet sur ce même site d’Educpros intitulé : « Réflexions autour du « droit à l’excellence », et dont il faut lire la « Première partie : les déterminants de l’autocensure scolaire » .
Je proposerai une poursuite de cette réflexion dans un prochain article en rappelant le fonctionnement de notre système scolaire, très contrôlé par nos procédures d’orientation.
Bernard Desclaux
Un autre article qui expliquerait votre position serait le bienvenu. Ici, on comprend que vous êtes d’accord sur le principe d’un service d’orientation à la personne. Mais vous ne montrez pas en quoi vous êtes, ou pas, en désaccord avec le diagnostic de Robert Pitte, ni pourquoi le service proposé (dont vous ne dites rien) ne permet pas de répondre au problème.
Un peu de pédagogie serait utile.
[…] un précédent post je me suis interrogé sur le livre de Jean-Robert Pitte : « Orientation pour tous, Bien se former […]
Merci « Sirius » de votre remarque. Je poursuis cette réflexion dans un nouveau post intitulé :Interrogeons le diagnostic de jean-Robert Pitte,
http://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2011/10/22/interrogeons-le-diagnostic-de-jean-robert-pitte/#more-549
Mais je poursuivrais par d’autres posts.