Ce troisième post de lecture critique du rapport du DIO sera consacré au discours tenu aux enseignants, à propos de leur implication dans l’aide à l’orientation.
Que dit le DIO ?
« Enfin, l’implication grandissante des enseignants dans l’orientation des collégiens et des lycéens constitue à l’évidence un progrès. Ceux d’entre eux qui encadrent des PDMF dans leur établissement sont les mieux à même de s’investir dans l’accompagnement personnalisé qui leur est demandé. De notre point de vue, il ne s’agit pas d’une lourde charge supplémentaire, mais d’une nouvelle manière de concevoir le métier de professeur. La transmission des connaissances peut sans doute y gagner en efficacité, dès lors que la relation professeur-élève n’est plus uniquement placée sur le terrain des résultats scolaires. Les parents regarderont aussi l’école d’un autre œil et comprendront plus facilement que la communauté éducative de l’établissement dans lequel est inscrit leur enfant est pleinement au service de sa réussite, de son épanouissement et, à terme, d’une insertion professionnelle correspondant à ses capacités, à ses goûts et aux attentes de la société.
Tous les responsables de notre « Education nationale », à quelque niveau de responsabilité qu’ils se trouvent, savent à quel point il est urgent de renouer un vrai dialogue avec les parents, trop souvent interrogatifs, dépassés ou en opposition avec les équipes des établissements de leurs enfants. Il y a tout particulièrement urgence dans les zones urbaines sensibles. Cette réforme indispensable implique de réformer dans l’avenir la formation des professeurs qui devront posséder une connaissance beaucoup plus approfondie du monde de l’entreprise et de celui de la fonction publique extérieure à l’Education nationale.
Un constat s’impose : les professeurs qui ne connaissent que l’école vivent dans un univers exclusivement fondé sur des connaissances théoriques, ce qui limite leur capacité de rayonnement en prise avec la vie. Les futurs enseignants doivent, d’une manière qui reste à inventer, être confrontés à des expériences professionnelles et sociales fréquentes, représentatives de la vie économique du pays. Viendra le jour où les professeurs auront déjà vécu d’autres expériences professionnelles dont les acquis seront pris en compte au moment de leur recrutement.
Cette évolution sera favorisée, cela ne fait plus de réel débat désormais, par une plus grande autonomie des établissements, de leur équipe de direction et de leur conseil d’administration. Il faut libérer l’initiative, favoriser les expériences, les partenariats avec le tissu économique et social local. C’est le seul moyen de résorber à terme les grandes inégalités géographiques entre les territoires et les établissements. L’uniformité apparente qui la règle d’aujourd’hui défavorise trop durement les établissements situés en zones sensibles. » (pp. 27-28)
La réception de cette mission
Cette nouvelle mission attribuée aux enseignants et à l’établissement est relativement nouvelle dans l’histoire de l’éducation nationale. Plusieurs tentatives peuvent-être rappelées : les nouveaux objectifs du collège en 1985, puis dix ans après l’éducation à l’orientation, et enfin les suites de la loi d’orientation de 2004 (socle commun de connaissances et de compétences et pdmf étendu au lycée). On peut dire que les deux premières tentatives ont échoué, pour preuve cette troisième tentative. Mais celle-ci peut-elle réussir ?
Nous avons déjà abordé cette question dans un post il y a deux ans (Nouvelle mission pour l’EPLE : la mission d’information pour l’orientation ), et dans un article « Une nouvelle logique pour l’école » in Travail par compétences et socle commun, Par Jean-Michel Zakhartchouk et Rolande Hatem 2009.
On peut synthétiser les sources de la résistance à cette mission de la part des enseignants en formulant trois remises en cause de l’univers de fonctionnement de la profession d’enseignant en France :
- la définition française de la profession enseignante est basée sur la transmission disciplinaire au sein d’une classe. Une activité éducative à l’orientation (ou à d’autres objectifs d’ailleurs) est perçue comme une déconstruction, une dévalorisation de la profession enseignante ;
- l’exercice de cette mission réclame une collaboration entre les acteurs, une programmation collective, une implication dans le fonctionnement de l’établissement. Les limites de la disciplines sont ainsi franchies, et la liberté individuelle se trouve limitée par le collectif de l’établissement ;
- enfin la relation pédagogique française est basée sur l’utilité immédiate malheureusement. La note rémunère l’investissement scolaire de l’élève. De plus, étant un « résumé » elle permet le jugement simple sur la personne, notamment dans le cadre de l’orientation.
Sélection et notation
Rappelons que cette forme scolaire et pédagogique est particulièrement liée à une conception au fond sélective de l’éducation, attribuée à notre école.
Malgré les réformes et les lois cette idéologie reste encrée dans notre fonctionnement général de notre éducation nationale. Le débat sur la notation en est un bon exemple. Alors que l’objectif du collège est l’acquisition par tous du socle commun de connaissances et de compétences, et que son évaluation ne peut se faire par les notes, celles-ci poursuivent leur existence. Défendues par l’un des syndicats important de l’EN, réclamées pour le fonctionnement de l’orientation et de l’affectation, et sans doute soutenues par les parents d’élève, elles risquent de se maintenir encore bien longtemps, concourant ainsi au maintien de notre forme pédagogique nationale. Voir un post précédent « Notation et orientation se tiennent la main ».
Là encore, le changement réel ne peut provenir d’un ajout. C’est le fonctionnement du système lui-même qui doit être modifié.
Bernard Desclaux