Pourquoi la formation des Directeurs de CIO est nécessaire

Suite à la formation à l’ESEN que je viens de coordonner des nouveaux directeurs de CIO (DCIO), je constate de très fortes évolutions dans les activités des services d’orientation pour lesquelles les nouveaux directeurs, qui étaient jusque-là conseillers d’orientation-psychologues, ne sont pas préparés.
Je vais ici tenter d’identifier ces évolutions.

De nouvelles contraintes au métier

Les politiques nationales

Si on examine le travail contraint du DCIO, on constate qu’il se trouve engagé dans des politiques nationales avec applications territoriales. Et dans ces dispositifs territoriaux, pilotés par le préfet, il supporte de fortes responsabilités « institutionnelles ». Il y représente l’éducation nationale, il est parfois responsable vis-à-vis du préfet de la « production » du dispositif. Il engage parfois la responsabilité de son service.

Deux opérations nationales sont engagées actuellement :

  • Les plates-formes pour les décrocheurs.
  • Le service public d’orientation tout au long de la vie.

D’après ce que l’on sait, entre la moitié et le tiers de ces dispositifs territoriaux sont coordonnés par un DCIO. Pour ce qui concerne les plates-formes, les DCIO sont fortement sollicités non seulement par le préfet, mais également par la hiérarchie de l’EN qui est elle-même sollicité par le préfet.

Pour ce qui concerne le SPOTLV, un tour des régions montre que l’état de signature des conventions est très variable selon les régions, les départements, les territoires. On peut faire l’hypothèse que les différentes administrations et organismes s’investissent de manières différentes dans l’opération. Et pour ce qui concerne les DCIO, selon les académies, ils sont fortement encouragés, ou au contraire dans l’attente de directives.

L’autre pression vient des partenaires qui s’engagent, encouragent, ou au contraire résistent, en participant à des jeux de pouvoir dans ou autour du dispositif.

Le DCIO se trouve ainsi à la croisé de trois champs de pouvoir, le pouvoir politique, le pouvoir administratif, et l’environnement local.

A cela il faut rajouter qu’il se trouve confronté la plupart du temps à l’inertie ou même à la résistance du personnel du CIO, qui ne voit pas l’intérêt de participer à ces dispositifs, considérant qu’ils ne sont pas concernés.

Les politiques locales

Les régions se sont engagées plus ou moins dans des politiques locales concernant l’orientation sous l’appellation AIO, accueil, information, orientation. La visée ici, est le plus souvent la coordination d’actions auprès de divers publics, impliquant divers organismes d’orientation.

Les départements s’engagent également dans le pilotage ou la coordination d’actions, le plus souvent d’information auprès des publics du collège.

Et les villes ou les agglomérations développent également des projets éducatifs locaux, impliquant également des actions concernant l’orientation.

A ce niveau, il s’agit de participer à des actions auprès de publics désignés, au côté de divers partenaires, l’organisateur étant celui qui sollicite, désigne le public et les partenaires, ainsi que la forme de l’action à mener.

Dans la plus part des cas, les DCIO ne reçoivent aucune directives de leur propre hiérarchie. Ils engagent leurs personnels selon l’intérêt qu’ils apprécient pour le public concerné, et pour l’entretien des bonnes relations avec les pouvoirs locaux.

Et l’une des grandes différences avec l’implication dans les politiques nationales, c’est qu’au niveau local, c’est le plus souvent l’ensemble des personnels qui participent à l’action, et le DCIO doit être capable d’argumenter et de convaincre son personnel.

On doit remarquer également que les secteurs géographiques du CIO ne recouvrent pas les différentes territorialités des partenaires, parfois un CIO sur deux départements, et bien sûr de nombreuses villes sur le secteur. Toutes ces actions, nécessitant des réunions de coordination, impactent très largement l’emploi du temps du DCIO et le tiennent hors de son CIO.

En interne dans l’éducation nationale

La mise en place de nouveaux « dispositifs éducatifs » (pdmf, accompagnement personnalisé, orientation active, etc), modifient la pratiques des conseillers d’orientation-psychologues (COP) vis-à-vis des élèves, mais également cela réclame le développement de nouveaux rôles, ceux de conseiller technique auprès du chef d’établissement, auprès des équipes, d’ingénierie, de formateur des personnels.

Une montée de la préoccupation concernant l’orientation des « personnes », hors du jeu des procédures, l’articulation lycée-enseignement supérieur. Il s’agit de soutenir les différents dispositifs, accompagnement personnalisé, orientation active, APB, etc.

Ajoutons que les établissements sont amenés à développer de plus en plus leur autonomie ainsi que leur responsabilité dans la nouvelle gouvernance de l’éducation nationale qui se met en place autour du pilotage par les résultats. Le chef d’établissement se doit d’être en capacité de faire un diagnostic des résultats de son établissement, mais aussi du fonctionnement qui les produisent. Les COP et les DCIO sont et seront de plus en plus sollicités pour aider ce travail d’auto-évaluation. Et les DCIO devront soutenir, préparer leur personnel à ces nouvelles pratiques.

Enfin, selon les résultats des élections présidentielles et législatives, sans doute une reconfiguration de l’architecture du système scolaire aura des conséquences sur la conception de l’orientation dans le système.

Pour les services d’orientation eux-mêmes

Nous allons sans doute sur une reconfiguration des services, et sans doute vers une concentration.

Plusieurs raisons se combinent actuellement. Rappelons qu’il existe deux statuts pour les CIO. Es CIO départementaux dépendent pour leur budget du Conseil général, les services d’orientation ayant été créés pour la plus part par les départements. En 1970 dans la loi portant création des CIO, il était prévu qu’à l’horizon de 1975 l’ensemble des CIO seraient étatisés. Aujourd’hui seulement la moitié l’est. Beaucoup de Conseils généraux ayant de plus en plus de difficultés financières veulent se désengager du financement des CIO.

Le SPOTLV posera sans doute des questions sur le maillage des services dans les territoires.

Et du côté de l’éducation nationale il est possible que les bassins jouent un rôle de plus en plus affirmés, et le CIO avec. Ce qui est parfois compliqué lors qu’existent plusieurs CIO sur un même bassin.

Enfin, la taille actuelle d’un CIO peut varier de 1 COP et 20 COP.

Tout ceci fait qu’il y aura sans doute de plus en plus de regroupements, des fusions de CIO, avec parfois une responsabilité de plusieurs structures pour un même directeur (ce cas de figure existe déjà).

Une formation est nécessaire

Tout ceci à des effets très profond sur la conception du fonctionnement du CIO et sur les pratiques professionnels des CIO. Non seulement le DCIO devient un « manageur » d’équipe, et un acteur important dans l’interface éducation nationale et autres partenaires, mais il doit également accompagner ces changements de pratiques des différents acteurs et en particulier les COP.

Or les nouveaux directeurs de CIO sont d’anciens COP. Même si pour beaucoup il y a une prise de conscience de la nécessité de ces évolutions-changements, il y a un deuil à faire du modèle d’origine, et ce temps de formation est nécessaire pour soutenir de processus.

Dans ces périodes de changements profonds, de reconfigurations, il est important d’accompagner, de soutenir les acteurs engagés dans ce processus, et de leur donner un espace-temps pour réfléchir, se ressourcer, s’outiller pour cette nouvelle posture, et en comprendre les enjeux.

Chaque année il y a une soixantaine de nouveaux directeurs de nommés. Les petites académies peuvent avoir de temps en temps un nouveau directeur. Il est impossible pour les académies d’assurer à elles seules une formation pour des groupes aussi restreints. Cette formation se doit d’être nationale.

Bernard Desclaux

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This entry was posted on lundi, mars 19th, 2012 at 19:00 and is filed under Orientation. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.

2 Responses to “Pourquoi la formation des Directeurs de CIO est nécessaire”

  1. Dominique.Odry Says:

    Un complément à cette riche analyse de Bernard Desclaux. La formation des directeurs de CIO (dont je me suis occupé pendant une dizaine d’années)a été prise en charge par l’ESEN il y a environ quinze ans, à la suite d’un échange avec l’inspection générale. Il y avait un vrai choix de politique de formation, celui d’une politique réfléchie: ancrer les directeurs de CIO dans une véritable culture de l’encadrement. Ce choix était d’autant original que l’ESEN forme les cadres statutaires de l’éducation nationale (chefs d’établissements et inspecteurs, ainsi que les cadres administratifs) et que directeur de CIO constitue un grade, les directeurs restant dans le corps des conseillers d’orientation. Que leur formation se déroule à l’ESEN, c’était les considérer comme des cadres à part entière. J’ai souvenir de deux choses: comment le discours qu’on leur tenait lors du premier séminaire de la fin du mois d’août les bousculait quelque peu: ils faisaient maintenant partie du personnel d’encadrement, et donc devaient se conformer à un certain nombre de valeurs en s’inscrivant réellement dans la chaîne hiérarchique. Mais aussi comment dans leur très grande majorité ils n’avaient aucune difficulté à cette mue identitaire. J’ai été également surpris de leur grand appétit de culture juridique, dont ils découvraient l’utilité pratique pour les nouvelles situations professionnelles auxquelles ils étaient confrontés. En bref, aux antipodes de cette image sulfureuse d’une profession en « roue libre », j’ai toujours eu devant moi un public qui, à de rares exceptions près, souhaitait se positionner comme cadres, sans négliger les devoirs que cela implique. On « est » aussi fonction du récit dans lequel l’institution vous prend ,car elle vous dit ce qu’elle veut faire de vous. Pour les directeurs de CIO, leur formation à l’ESEN c’est la reconnaissance de leur fonction de responsable et de manager, et l’accès à des ressources en formation auxquelles ils n’auront pas accès en académie. Il serait plus que regrettable que cette modalité disparaisse, car un pas en arrière n’a jamais voulu signifier obligatoirement deux pas en avant…

  2. Le blog de Bernard Desclaux » Blog Archive » Vers la disparition des personnels d’orientation de l’EN Says:

    […] [4] Formateur des DCIO à l’ESEN j’avais écrit cet article sur mon blog en mars 2012 Pourquoi la formation des Directeurs de CIO est nécessaire. […]

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