Il s’agit de la première partie de mon intervention faite dans l’atelier « L’orientation scolaire ? Où en est-elle aujourd’hui ? » au congrès de l’ANDEV le 6 décembre. Voir sa présentation sur mon dernier post, et le prezi utilisé ici.
On va voir dans cette première partie comment l’orientation professionnelle en tant que service se constitue au début du XXième siècle, et devient orientation scolaire dans les années 50.
L’absence de formation professionnelle
Au début du XXième siècle, en France, les effets d’une absence de formation professionnelle organisée sont durement ressentis. Pourquoi une telle absence ?
Je pense qu’il faut remonter au moment de la révolution française. La royauté avait commencé ce mouvement, et la révolution l’a parachevé avec la loi Le Chapelier de 1791 interdisant notamment les corporations . Cette loi, on dirait aujourd’hui, qu’elle « libérait le marché du travail » en permettant la circulation de l’ouvrier, et en libérant également l’estimation du prix de son labeur. Tout cela était impossible avec les corporations. Mais celles-ci organisaient également la formation avec l’apprentissage tel qu’il se pratiquait alors. La corporation assurait la formation et l’insertion. Tout ceci disparait, et différents acteurs, éparpillés tentent de mettre en place quelques formations, les villes, et quelques grandes entreprises « paternalistes », Godin par exemple, ou les mines, etc.
Mais l’industrie au cours du XIX ieme siècle se développe sans une réelle organisation de la formation professionnelle. Les besoins sont immenses, et les accidents dus à l’absence de formation des ouvriers sont très importants.
L’état finalement intervient par deux lois principalement. En 1919 la Loi Astier institut l’apprentissage, puis la loi de 1938 institut l’avis d’orientation et la reconnaissance des offices d’orientation professionnelle.
Trois types d’acteurs se sont mobilisés, les association philanthropiques, les villes, l’état bien sûr, mais aussi les scientifiques, psychologues et médecins.
L’arrière-plan idéologique est l’adaquationisme, le meilleur des mondes à la Bernardin de Saint Pierre. Les formules « une place pour chaque chose et chaque chose à sa place », « une place pour chaque personne et chaque personne à sa place » sont la base des théories de Taylor ou de Mayol, mais aussi du développement du testing. Et l’orientation professionnelle repose sur l’idée que les capacités de l’individu correspondent aux caractéristiques des métiers. Aussi conseiller l’individu repose sur l’autorité de la science, même si l’avis d’orientation signé par un conseiller d’orientation professionnel est nécessaire pour signer un contrat d’orientation, mais il reste un avis à suivre ou non par la famille.
Une autre idée importante se met en place à l’époque, c’est l’enchaînement : éducation, puis formation pour un métier (relativement durable), puis un emploi. La question de l’orientation se pose sur l’articulation éducation-formation. Les conseillers de l’époque testent les élèves sortant du primaire pour les orienter vers une formation professionnelle. Les meilleurs seront retenus, et à l’époque, cette voie professionnelle est une voie promotionnelle.
Deux différences importantes
En France, la disparition des corporation a finalement coupé les entreprises de la préoccupation de la formation professionnelle, en tout cas il n’y a pas une unanimité suffisante pour en faire un objet politique. Aussi, c’est l’état qui légifère. Et pour ce qui est de contrôler cette formation, ce n’est pas le ministère du travail qui en est chargé, mais un secrétariat à l’enseignement technique, rattaché au ministère de l’instruction qui en est chargé. Tout le contraire en Allemagne, où l’orientation est liée au ministère du travail. Et c’est toujours le cas aujourd’hui.
Autre différence que je vais faire jouer cette fois-ci par rapport aux USA. En France la question de l’orientation professionnelle se développe autour de la question de l’apprentissage et donc des enfants. Aux USA, c’est le problème de l’intégration des immigrés, pour la plus part en provenance d’Europe, qui se pose. Ce sera également celle de l’organisation de l’armée américaine lors de son envoi en France durant la première guerre mondiale. Et donc de fait l’orientation professionnelle qui se développe aux USA est en direction non pas d’enfant comme en France, mais en direction d´adultes.
Et l’orientation professionnelle devient scolaire
Les personnels d’orientation sont fonctionnarisés. Comme je l’ai dit ci-dessus, la question de l’orientation, essentiellement apprentissage, testing et avis d’orientation est du ressort du Secrétariat à l’enseignement technique, qui tente également de s’occuper de la nébuleuse des établissements offrant une formation professionnelle. Lorsque la réforme Berthoin intervient ne 59, que l’état a rassemblé sous son giron la plupart des formations professionnelle au retour de la seconde guerre mondiale (à l’Etat de former, aux entreprises d’employer), organisant ainsi un système scolaire et de formation, la question de l’orientation se pose. Jusque- là, la répartition se faisait essentiellement « naturellement » par les familles dans des systèmes disjoints comme on le verra dans la deuxième partie. Dans un système unifié, c’est le système qui prend en charge la circulation interne. Et les conseillers d’orientation professionnels semblent être les experts appropriés. C’est ainsi que d’une activité dans le primaire, ils vont passer dans l’autre étage du système : le secondaire.
Bernard Desclaux
A propos de l’apprentissage lire sur ce blog Apprentissage : le contexte historique français