Toujours dans le cadre de mon intervention à Angers, je poursuis l’exploration de la thématique éducative de l’orientation.
J’ai déjà abordé quelques critiques au cours des précédents articles. Celui-ci va essayer de systématiser les obstacles et les difficultés rencontrés par cette thématique au sein de l’éducation nationale. Deux articles y seront consacrés.
Retour sur l’éducation à l’orientation
Je vais commencer par rappeler trois types de difficultés qui se sont manifestées lors de l’éducation à l’orientation et que l’on retrouve sans doute pour le parcours de découverte des métiers et des formations.
Quel est l’objectif de ce/ces dispositifs ? Deux objectifs sont affichés : améliorer l’orientation scolaire des élèves et préparer les jeunes pour leurs futures tâches d’orientation. Mais l’existence des procédures d’orientation dans notre système éducatif amène les acteurs à se concentrer sur le premier objectif. Et quand je dis « les acteurs », je ne pense pas seulement aux enseignants, mais également aux conseillers d’orientation-psychologues, et sans oublier les élèves eux-mêmes et leurs parents. J’ajoute que dans une période où l’évaluation externe des établissements fut développées, les chefs d’établissement étaient également très concernés par l’évolution de certains indices : redoublement, cas d’appel, taux d’orientation.
Le pilotage de la mise en œuvre fut également problématique. J’ai développé particulièrement cette question dans mon article publié dans Perspectives documentaires n° 60 – L’éducation à l’orientation, 2003 : L’éducation à l’orientation en tant qu’innovation.
Après l’impulsion ministérielle, on pouvait attendre un relais de la part des inspections, telle ne fut pas le cas, et l’inspecteur général, rédacteur de la circulaire fut un peu seul à porter le message dans les académies. Et dans celle-ci, seuls les CSAIO (chefs du service académique d’information et d’orientation) tentèrent d’animer cette politique éducative, avec une double difficulté. D’une part ils sont très liés au fonctionnement des procédures d’orientation et d’affectation. Et d’autre part, ils n’ont pas d’entrée particulière sur le fonctionnement de l’établissement scolaire. Or la circulaire renvoyait toute l’organisation réelle de la mise en œuvre de la circulaire au niveau de l’établissement. C’est sans doute pourquoi la plupart se lancèrent dans une politique de formation continue, mais avec des politiques très différentes que j’évoque dans l’article cité plus haut.
La mise en œuvre, on devrait dire l’invention des pratiques d’éducation se faisant au niveau de l’établissement, celles-ci furent fort diverses, et fortement dépendantes de l’implication personnelle de quelques acteurs. L’éducation à l’orientation supposait l’implication de tous et notamment de tous les enseignants, or les quelques moyens furent attribués dans la plupart des cas aux professeurs principaux, dédouanant les autres de toute participation « gratuite » et renforçant encore par-là l’interprétation de l’EAO du côté de l’orientation scolaire.
Plus spécifiquement sur le pdmf
Les Cahiers pédagogiques ont publié un n° 504 intitulé « Le sens de l’orientation ». J’y ai écrit un article « Une éducation pour tous ou une voie pour chacun ? ». Mais surtout ils m’ont demandé d’en faire une « relecture », ce qui m’a permis d’avoir un large panorama de l’état actuel.
Les obstacles organisationnels
L’organisation temporelle est un blocage. C’est sur le temps de la DGH, hors les horaires disciplinaires, donc sur le « reste » que le pdmf et d’autres activités sont la plu part du temps prévu. Comme je l’ai dit, lorsqu’il y a « pénurie » de la DGH, ces activités hors disciplinaires sont réduites. L’accompagnement personnalisé qui doit intégrer une partie des activités du pdmf a été souvent « rogné ».
La conception temporelle est également souvent un blocage. La séquence horaire, l’emploi du temps rigide, le groupe classe, empêchent souvent de penser et de réaliser d’autres modalités d’intervention.
Enfin le temps de travail de l’enseignant est défini à partir de l’heure d’intervention dans la classe. Tout le reste est alors perçu comme un temps personnel et ne peut pas être organisé collectivement. Or ce type d’activité qu’est le pdmf suppose un travail très important de coordination et de collaboration entre les acteurs.
Les obstacles idéologiques
Les rôles professionnels sont relativement rigides en France, basé sur une expertise exclusive. J’ai déjà abordé cette question dans l’article « De la pureté du rôle de l’enseignant français ». Proposer à un acteur de faire quelque chose qui ne relève pas de son rôle stricto sensu peut être interpréter comme une dévalorisation, une tentative de déconstruction. Cela vaut aussi bien pour les enseignants que pour les conseiller d’orientation-psychologues : ne pas sortir du disciplinaire pour les uns, ne pas sortir du conseil d’orientation pour les autres.
Et pour ce qui est des chefs d’établissement, une évolution majeure de leur profession est en cours depuis longtemps, mais butte sur la question de l’autorité qui définit le statut de chef en France. Pas question de s’entourer de « conseillers techniques », cela réduirait le principe d’autorité.
Pour ce qui est du conseil technique, j’ai écrit deux articles sur ce blog : «Pilotage et conseil technique dans l’établissement scolaire, nouvelle organisation, nouveaux rôles » et « A propos de la fonction conseil dans le système éducatif » , et pour ce qui est du chef d’établissement, de l’autorité et du leadership, je renvoie à deux ressources : BASTRENTA Michel, NORMAND Romuald, NOUIS Armelle. Les pouvoirs du chef d’établissement : autorité, légitimité, leadership. CRDP de l’académie de Lyon, 2013. Et sur le site de l’ESEN voir la conférence de Romuald Normand (2010) : Le chef d’établissement pédagogue ? Apports de la recherche internationale.
Je poursuivrais l’examen des obstacles et des ambiguïtés dans mon prochain article.
Bernard Desclaux
[…] de l’examen de certains obstacles et ambiguïtés du pdmf que j’ai commencé d’explorer dans le post précédent qui poursuit l’explicitation de mon intervention à […]
[…] Bernard Desclaux revisite la notion « d’éducation à l’orientation &raq… […]