Evolution sur 30 ans des pratiques d’accompagnement vers le post-bac

Le 11 octobre 2013, j’étais invité à conclure la conférence proposée par Educpros : « Orientation : comment toucher vos futurs étudiants ? ».  Je vais donc développer en quelques articles les éléments abordés lors de ma conclusion. Et je commencerai par un survol rapide de 30 ans sur les questions d’orientation vers le supérieur.

Survol

Embauché au CIO d’Aubervilliers en septembre 1978, j’ai poursuivi cette carrière dans l’orientation jusqu’à ma retraite en septembre 2008. Activités dans l’académie Créteil puis de Versailles, activités de conseiller d’orientation en CIO et au SAIO (rectorat), directeur de CIO, beaucoup d’engagement dans la formation des personnels (tous personnels de l’éducation nationale), dans l’académie de Versailles et quelques autres parfois, et pour finir à l’ESEN notamment pour la formation des Directeurs de CIO. Si ça vous amuse, plus de détail avec mon discours de départ à la retraite.

Les années 70

A la fin des années 70, le travail en Lycée et l’information des lycéens sur le post-bac étaient réalisés la plus part du temps par le directeur de CIO. Au CIO d’Aubervilliers, le directeur, Jules Briau, avait décidé avant son départ à la retraite d’initier les conseillers à ce travail qui jusque-là étaient cantonnés aux interventions en collège pour l’essentiel, centrées sur l’orientation scolaire et professionnelle (orientation fin de cinquième et fin de troisième). Changement d’horizon, changement d’âge et centration sur l’information et le conseil. Quelques enseignants de terminales s’impliquaient dans l’information et le conseil des élèves.

Du côté élèves, s’informer n’était pas « facile ».

  • Se déplacer. Les établissements du supérieur n’ont pas encore organisé des services d’accueil et d’information. Les Cellules d’orientation et d’information dans les Universités commencent en 1973 à se mettre en place. Et selon les cas, ce service est ouvert seulement aux étudiants et non pas aux lycéens.
  • Lire. Côté « papier », c’est dans les années 70 que ce secteur se développe. L’ONISEP créé en 1970  créé en 1970 (et qui prend la suite du Bureau universitaire de statistiques (BUS)) développe son offre de publications à la vente.    Et dans la presse, ce secteur est inauguré par la création en 72 de Génération qui devient L’Etudiant.   L’accès à l’information écrite se fait payer. L’organisation de la documentation sur l’orientation dans les établissements est encore peu développée.
  • Rencontrer. La pratique des Forum, des Carrefour est très exceptionnelle. Municipalités, associations, personnels de l’EN (chef d’établissement, directeur de CIO). Ces opérations sont encore très éparpillées sur le territoire.
  • Reste voir un conseiller. Ils sont à l’époque la ressource la plus atteignable pour un lycéen et même pour ses parents. En établissement, ils y sont avec la sacoche 3 soufflets pour avoir sous la main la documentation compacte que produit le CIDJ pour les professionnels de l’orientation. Cette sacoche 3 soufflets servait, avant,  à transporter le matériel de testing, pratique qui s’estompe au cours des années 80.

A l’époque, l’inscription à l’Université, horizon largement majoritaire des lycéens se faisait le bac en poche, preuve à l’appui et physiquement ! C’était le principe de la file d’attente qui commençait tôt dans la nuit pour avoir une place.

Les années 80

Dans les années 80, l’explosion du « papier » se poursuit, toujours payant. L’ONISEP développe le concept de l’auto-documentation qui s’implante dans les CIO et dans les CDI des établissements. Idée simple, mais longue à se faire accepter : l’information, la documentation doit être accessible directement aux élèves sans avoir à passer par un « adulte » (documentaliste, conseiller d’orientation), un intermédiaire qui autorise l’accès. J’ai expliqué les difficultés de mise en œuvre dans un article de ce blog : Stages en CIO, la co animation nécessaire.

Et l’informatique se développe. En région parisienne, les trois académies cherchent à faciliter la tâche de la gestion des inscriptions dans le supérieur et particulièrement à l’Université. L’affectation par ordinateur est déjà développée pour l’entrée dans les formations professionnelles post-troisième. Et surtout on est dans une période d’expansion des lycéens et des bacheliers. RAVEL est mis en place avec en plus un argument : il va permettre d’estimer à l’avance les tendances d’inscriptions et permettre aux Universités de s’y préparer. Pour le reste, les dossiers à déposer physiquement pour les DUT, BTS, CPGE reste de mise. Papiers à dupliquer, papiers à remplir, papiers à signer. Tout le monde croule sous cette paperasse.

C’est le temps où on dépose de multiples dossiers, on attend les réponses, et une fois le bac en poche on décidera ! Mais beaucoup attendent d’avoir le bac pour réfléchir. Et lorsque je fais mes interventions en classe de terminale je commence en disant : « Attention, vous risquez d’avoir le bac ! Donc préparez-vous comme si vous l’aviez. »

A cette époque je travaille aussi en Université comme conseiller d’orientation  à Nanterre, mais aussi comme chargé de cours. J’ai déjà écrit sur ce sujet et vous y renvoie : De l’orientation en milieu universitaire.  J’insiste sur un point. Je peux observer d’un côté les efforts de la cellule d’orientation pour obtenir des documents sur les formations proposées dans les départements, pour les diffuser lors des portes ouvertes. Ecrire de tels documents n’est finalement pas la priorité des départements d’enseignements. La nature des documents obtenus est aussi très disparate, et la cellule peut difficilement imposer un format de par sa position administrative. Mais en tant que chargé de cours, je vois aussi la distance entre ce qui est dit dans ces documents et ce qui se fait réellement. Et j’en retire une grande interrogation sur la validité des informations écrites ! Allez-y voir, rencontrez des étudiants, et vous aurez peut-être quelques infos plus pertinentes. C’est le discours que je tiens aux élèves, mais aussi à mes collègues de l’époque.

Les années 90

A partir de 90, je bascule en grande partie dans la formation et l’organisation de formations et d’opérations académiques. L’Etudiant est devenu également un salonnier, un organisateur au plan national de Salons. Cette pratique explose dans les académies-régions et les départements. La course aux plaquettes est engagée pour les lycéens.

Parmi mes activités, j’ai la responsabilité de l’organisation de la formation des professeurs principaux de l’académie. Avec l’extension de cette mission aux professeurs de première et de terminales des LEGT, ainsi qu’à ceux de l’enseignement professionnel, il y a de quoi faire ! Sur la quinzaine d’années de responsabilité en ce domaine, j’ai pu constater la résistance du lycée. Très peu d’enseignants du lycée, quelques PP de secondes, mais très rarement au-delà. Explication des proviseurs : nous ne pouvons détourner nos enseignants qui préparent nos élèves au bac.

RAVEL en région parisienne, s’impose et impose aux élèves et aux établissements de s’intéresser à l’orientation avant l’obtention du bac.

Les années 2000

Le ministère fait le choix de mobiliser les établissements du secondaire sur le champ de l’orientation. A eux d’organiser l’aide à l’orientation. Voir mon article Tendance de fond : l’aide à l’orientation est attribuée aux enseignants.  Beaucoup de textes et de dispositifs sont engagés par le Ministère, mais combien sont réellement exercés dans les établissements. La « matière scolaire » résiste bien. La priorité au bac et à sa préparation reste celle du lycée.

C’est aussi l’accessibilité de l’information très facilitée par l’extension du web et des publications électroniques. Et la généralisation de la gestion des inscriptions au travers de l’application APB. Désormais, il faut bien choisir avant d’avoir le bac !

Constats

Or ce qui m’a surpris à l’écoute des témoignages présentés lors de cette journée, c’est l’engagement des établissements dans des activités organisées, coordonnées, pilotées. Dans ce domaine, il y a me semble-t-il un passage d’une activité individuelle, liée à un intérêt personnel de l’acteur, à des dispositifs collectifs qui engagent l’ensemble des acteurs. C’est sans doute cet aspect-là qui est le plus nouveau. Et quid des conseillers d’orientation-psychologues ! Pas un mot ! Participent-ils à ces actions, le peuvent-ils ? Le font-ils en tant qu’acteurs parmi tant d’autres ou en tant que conseillers techniques ?

 

Bernard Desclaux

Pour « compléter » :

« Vers l’orientation active » par Dominique Odry, Responsable de la formation des IEN-IO et des directeurs de CIO à l’ESEN (2008).

Et un de mes anciens article : « Comment améliorer l’information des lycéens sur le supérieur ? » (2011)

 

 

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This entry was posted on dimanche, octobre 13th, 2013 at 10:49 and is filed under Orientation. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.

8 Responses to “Evolution sur 30 ans des pratiques d’accompagnement vers le post-bac”

  1. Séna Muriel Says:

    Effectivement, les choses bougent et les lycées se mobilisent dans des activités de partenariats, construites comme des actions collectives qui concernent l’ensemble de leurs élèves.
    Certes, on n’entend peut-être pas parler des COP dans ces changements, mais si j’en crois mon expérience et la réunion académique (Créteil) de la profession sur Marne La Vallée du 3 octobre dernier, les conseillers ont bien un rôle de conseillers techniques en ce domaine ! Sur le CIO de Gagny, la réforme du lycée et l’introduction de l’accompagnement personnalisé nous ont permis de monter un volet orientation en 2de et en 1ère : l’opération PREMS : première vers le supérieur… tout un programme que nous tentons d’installer avec les enseignants et les partenaires de l’enseignement supérieur ! Je pense que l’activité est plus efficace lorsque plusieurs conseillers interviennent, montrant aussi d’autres modalités de travail.

  2. Evolution sur 30 ans des pratiques d’accompagnement vers le post-bac | L'info en V.O. Says:

    […] See on Scoop.it – cijvaldoiseSee on blog.educpros.fr […]

  3. bernard-desclaux Says:

    Merci beaucoup de ce commentaire. Très heureux de ce que vous signalez.
    Actions collectives, partenariat, conseil technique sont les évolutions nécessaire de notre profession.
    Malheureusement peut-être, mais le conseil individuel des élèves ne pourra jamais être assuré pour l’ensemble des élèves.
    Bernard Desclaux

  4. Marcel Kibondzi Says:

    Bonjour,
    Je viens de lire avec beaucoup d’intérêt votre parcours et vos préoccupations.
    En effet, après plus de 15 ans d’activité dans le domaine de l’insertion, je venais de rendre mon tablier depuis peu (juin 2013) pour me lancer dans la lutte contre le décrochage scolaire précoce (ces jeunes qui « échouent » précocément dans les Missions locales, découvrent, à leurs dépens, la réalité du marché de l’emploi, et finissent par alimenter les rangs ce que je qualifie de « désillusinnés de l’insertion professionnelle », et deviennent des potentiels candidats aux « économies parallèles » (le coùt sociétal de ces économies: cambriolages, meurtres, inalidités physiques, psychologiques, etc….). Aussi, je souhaite monter une structure (association ou auto-entreprise) d’intervention dans les lycées (intermédiation auprès des élèves et familles,aide au décrypter des codes de réussite scolaire, actions de réussite scolaire auprès des élèves en voie de décrochage). Les contacts « pertinents » me font défaut. Aussi,je souhaiterais avoir des contacts à l’académie de Créteil (SAIO) pour des interventions dans des établissements de Seine-et-Marne Nord (pour un début)…Ma formation initiale: Maîtrise de Sociologie + DESS de Psychologie sociale…..Merci d’avance pour m’avoir accordé votre attention. Très cordialement. Marcel Kibondzi

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