Conclusion de la série d’articles qui développent mon intervention lors de la conférence proposée par Educpros : « Orientation : comment toucher vos futurs étudiants ? ». Apparemment très éloignées des préoccupations de cette journée, mais peut-être pas tant que ça.
Nécessité d’une préparation « éducative »…
J’ai essayé de montrer combien la tâche du futur étudiant allait vers une grande complexification. Un marché de la sollicitation se développe à grande vitesse. L’éventail des formations possibles explose. Les situations réelles de l’apprentissage se diversifient mais sont également difficilement décryptables. De plus il ne s’agit pas seulement de choisir-construire sa formation, mais aussi de le faire en prévision d’une activité professionnelle visée, possible, probable. Or la relation emploi-formation devient très floue, une capacité projective-prospectiviste devient nécessaire.
D’autres phénomènes sont à identifier. Maryline Baumard dans son article « Diplômés des grandes écoles : la grande évasion » (LE MONDE du 09.10.2013) en désigne un : l’état forme pour l’étranger.
« A peine diplômés, et déjà un visa sur le passeport ! Quelque 79 % des étudiants en dernière année dans neuf des plus grandes écoles du pays « n’excluent pas » de chercher un emploi à l’étranger. »
« « Ces résultats sont emblématiques du pessimisme ambiant. Quand les titulaires des meilleurs diplômes pressentent que toutes les portes ne sont pas ouvertes en France pour eux, que pensent les autres ? », s’inquiète Jean-Daniel Lévy, le directeur du département politique d’Harris Interactive. ».
Deux motivations semblent jouer. Les difficultés économiques associées au principe franco-français du recrutement du « jeune expérimenté » déclenchent une angoisse de l’insertion. Le passage par la case étranger est perçu comme un accélérateur de carrière. L’autre motivation est le principe du « métier épanouissant ». Pragmatisme et hédonisme individuel finalement s’harmonisent. Ajoutons que l’entrée en couple « fixe » se faisant de plus en plus tard, les jeunes sont de plus en plus mobiles, tant sur le territoire national qu’à l’international.
Ces arguments associés à ceux que j’ai développés précédemment montrent la nécessité d’une éducation à l’orientation au sens large : développement d’un nouveau parcours de découverte, introduction de l’esprit d’entreprendre (voir mon article…. ), et surtout la suppression des procédures d’orientation ce qui permettrait la mise en œuvre d’une réelle pédagogie centrée sur les compétences et le processus de l’apprentissage et non l’acquisition cumulative des connaissances.
… et d’un conseil- accompagnement
Je vais donc terminer par l’affirmation de la nécessité d’un développement d’un service de conseil-accompagnement des lycéens et étudiants (étudiants au sens large, incluant tout demandeur de retour en formation). Une éducation à l’orientation est nécessaire, mais pas suffisante.
Et j’ai indiqué, que sans doute la tâche d’orientation ne s’arrête pas au choix de la formation. Elle se poursuit tout au cours de celle-ci.
L’assiette d’un tel service est nécessairement très large. Le principe du service public d’orientation qui associe, coordonne les différents organismes locaux qui s’occupent d’orientation est intéressant. Mais faut-il encore que ces services existent. Or il me faut signaler la difficulté dans laquelle les CIO et les personnels d’orientation de l’éducation nationale se trouvent. Le développement de ce point se trouve dans les articles mis en références ci-dessous.
Les Conseils généraux en se retirant du financement des CIO dits « départementaux » mettent en péril l’ensemble des services d’orientation de l’éducation nationale. Et de son côté, l’état en renvoyant aux recteurs la gestion des difficultés évite une négociation nationale, mais il ne pourra éviter une responsabilité dans le déclin du service.
Et ceci ne va pas dans le sens d’un développement pourtant nécessaire d’un service public d’orientation, efficace et accompagnateur de la formation de la moitié d’une génération au niveau L de l’enseignement supérieur.
Merci encore aux organisateurs de cette conférence de m’avoir permis de formuler ces quelques idées à cette occasion.
Bernard Desclaux
Références
A propos du service public d’orientation : « Quelques réflexions à propos du service public d’orientation tout au long de la vie (I) » et d’autres articles avec le mot clé SPOTLV sur mon blog.
A propos des CIO : « Un changement à bas bruit : la fermeture des CIO départementaux » et « La fermeture programmée des CIO du Val d’Oise, et d’ailleurs… »
Articles précédents
Evolution sur 30 ans des pratiques d’accompagnement vers le post-bac
Les choix des lycéens et leurs résultats
L’orientation dans le secondaire : effets des procédures
Prospectives de l’enseignement supérieur
Le besoin de « conseil- accompagnement » existe dans la population et bien évidemment chez les Étudiants . En effet , le « travail » mental qui s’opère lors d’une démarche d’accompagnement et dans un processus de conseil , ne fait aucun doute pour celles ou ceux qui le pratiquent , comme pour celles ou ceux qui en bénéficient . Il est évident que ce travail confère un « pouvoir agir » et ce n’est pas un hasard si l’on assiste au développement du coaching dans la sphère privée . On peut s’interroger sur le dénigrement de cette approche dans le service public d’orientation , comme s’il fallait réserver les effets positifs du « conseil-accompagnement » à une élite socio-économique et se contenter d’informer les masses , leur interdisant , de fait , la chance supplémentaire d’émancipation que procure le « travail » du Conseil . Si certains(nes)sont intéressés , j’ai écris un long texte sur cette question et je me ferais un plaisir de le leur envoyer , s’ils(elles) m’en font la demande ( kjmquairel@orange.fr) .