Ouvrir les portes de l’enseignement supérieur, une réponse suffisante ?

Le 24 septembre, Najat Vallaud-Belkacem et Geneviève Fioraso dressaient les perspectives de la rentrée universitaire. En mettant l’accent sur la démocratisation de l’accès. Poursuivre la massification du supérieure tout en combattant la ségrégation dans des filières séparées et hiérarchisantes. C’est un objectif louable mais pas nouveau puisque la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école (24 mars 2005) avait ajouté un troisième objectif (aux deux de La loi de 1989, toujours pas atteints) : l’objectif de 50% d’une génération avec un diplôme de l’enseignement supérieur (à la mode européenne, cela veut dire du niveau L, Licence). Voir mon article.

De bonnes mesures mais

Les mesures actuelles de facilitation…

Au cours des années 60-70 l’organisation du travail suppose le développement de postes intermédiaires entre la production et l’ingénierie : les techniciens supérieurs. Les BTS sont créés, rattachés aux lycées puis les DUT, rattachés aux Universités. Mais très vite on observe que les recrutés dans ces formations sont le plus souvent issues des bacs généraux. Et pire, phénomène surtout développés pour les DUT, la très grande majorité des diplômés poursuivent leurs études et ne rentrent pas sur le marché du travail. Ces formations leur servent à « éviter le premier cycle des universités jugés pas suffisamment encadrant. En passant, cela permet à la promotion interne des entreprises de fonctionner et d’alimenter en interne ces postes. Donc d’une certaine manière, ces mesures de réduction du recrutement des bacs généraux dans ces filières devraient permettre la promotion des bacs techno et pro. Mais ces directives adressées aux chefs d’établissements et directeurs d’IUT sont-elles efficaces ? Cela fait quinze ans que les rectorats et les ministères les publient régulièrement, avec de petits effets…

Mais ces mesures restent discriminantes. C’est bien de protéger les places des bacs pro en BTS et celles des bacs techno en IUT, mais cela maintien la hiérarchie des filières, et partant la répartition sociale.

 

L’amélioration de la prise en charge à l’Université des bacs pro

C’est sûrement une piste à développer. L’Université Paris 8 a mis en place depuis très longtemps ce type de pratique avec des résultats intéressants. Cela permet un travail sur la pédagogie et participe de son évolution. Mais combien d’enseignants du supérieur s’y investissent ?

 

Le soutien financier d’une manière générale

Il est sans doute important de développer cette action pour nombre d’étudiants qui dans le contexte actuel et sans cette aide ne pourraient pour suivre leurs études.

Mais d’une certaine manière, ces aides éloignent l’étudiant de la sphère du travail, et maintien à distance les entreprises. L’aide financière est un substitut au travail rémunérateur et ne favorise pas l’insertion et la coopération entreprise-enseignement.

Le statut national étudiant-entrepreneur qui vient d’être mis en place va sans doute dans le bon sens en permettant notamment un aménagement du temps des études (http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid79926/statut-national-etudiant-entrepreneur.html ), mais il est réservé à une toute petite part d’étudiants ayant un projet entrepreneurial.

Une conception de l’orientation

Ces mesures reposent toutes sur une certaine conception de l’orientation dans laquelle la répartition est une affaire publique mais la motivation est une affaire privée.

L’état se garde le droit, au moins en partie de la répartition dans l’offre de formation, mais il se tient à distance d’une intervention sur la « fabrication » de la motivation professionnelle, sur la dimension éducative de l’orientation. Les tentatives dans ce domaine restent très peu développées. Elles rencontrent la résistance de notre distinction entre enseignement, l’affaire des enseignants, et l’éducation, l’affaire… des autres.

Et pourtant, l’état s’est toujours préoccupé d’éducation, mais peu au sens du développement personnel, c’est plutôt au sens du formatage : construction de l’identité nationale, du patriotisme, de l’intégration (quand elle fonctionnait), la morale laïque, la citoyenneté, etc… Travail donc sur l’unification, sur ce qui tient ensemble, et non sur ce qui diversifie. La motivation, le moteur de la diversification, en France est de l’ordre du privé, ce qui se traduit par un renforcement du poids de la famille et des catégories sociales dans les processus d’orientation. Pas étonnant que l’école française soit ségrégative socialement.

Le Cafépédagogique donne la parole à Julien Grenet, chercheur à l’École d’Économie de Paris et directeur adjoint de l’Institut des Politiques Publiques (CREST/PSE)  au sujet d’une étude sur le rôle d’Affelnet, la procédure d’orientation en fin de troisième.

« Tout dépend des paramètres utilisés dans la procédure. A Paris, le bonus donné aux boursiers a effectivement permis d’accroitre considérablement la mixité sociale. Par contre la forte prise en compte des notes dans l’affectation a créé de fortes inégalités scolaires, avec une forte hiérarchie des lycées par niveau. » Bien sûr, on peut agir pour renforcer ou réduire la mixité sociale, la répartition sociale, « « l’orientation » -comme il est dit de manière elliptique- doit être un temps de découverte, un moment structuré par un projet pédagogique. Cela peut, par exemple, revêtir la forme d’un projet artistique (écriture et représentation d’une pièce de théâtre, tournage vidéo), de la conception d’outils de communication sur les métiers (reportage sur des branches professionnelles méconnues, interviews de professionnels, enquêtes), d’un journal… Ainsi, les élèves s’approprient le projet en tant qu’acteurs et non spectateurs/consommateurs d’une « orientation » qui leur serait proposée de l’extérieur. D’ailleurs, si les enseignants eux-mêmes sont incités à concevoir leur carrière comme une dynamique, sans doute seront-ils enclins à mieux comprendre les angoisses et le stress de leurs élèves. » (Christophe Chartreux sur son blog Profencampagne, Comment aider nos élèves à « penser le(ur) futur ».. .

 

Ce qui se passe à l’étage supérieur dépend du traitement des élèves aux étages précédents. J’ai déjà abordé ce thème dans divers articles de ce blog, et notamment, De l’autorité en orientation, réponse à Marie Duru-Bellat, Les bontés de l’orientation, L’orientation dans le secondaire : effets des procédures, troisième article qui développe mon intervention lors de la conférence proposée par Educpros : « Orientation : comment toucher vos futurs étudiants ? » d’octobre 2013.

 

 

Mais au fond quel est l’objectif pour un état du XXI ème siècle ? Son objectif est-il une société-économie basée sur le développement du nombre, de la masse de ses étudiants, ou est-il le développement de chacun ?

 

Bernard Desclaux

 

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This entry was posted on lundi, septembre 29th, 2014 at 17:31 and is filed under Orientation. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.

2 Responses to “Ouvrir les portes de l’enseignement supérieur, une réponse suffisante ?”

  1. LB Says:

    Les quotas d’élèves de bac technologiques est un véritable scandale. Le faible niveau scolaire des élèves injectés de force par les recteurs est du niveau d’une classe de troisième. Nous avons une pensée aux élèves méritants et à leurs parents à qui on a volé leurs places suite à ces quotas antirépublicains. Les IUT sont fières de permettent aux enfants des familles de classes moyennes d’intégrer une école d’ingénieur. Les bons élèves que l’on souhaite détourner des IUT se dirigent déjà dans le privé et oui Mme Fioraso. En France il n’y a jamais eu une digne égalité des bacs. Les bons élèves intègrent un bac S, les moyens un bac techno et les autres un bac pro. Après le non diplôme le baccalauréat bientôt les DUT et BTS sans aucune valeur….continuons ainsi, les quotas, la suppression des bourses aux mérites ….c’est le royaume de la médiocratie

  2. Yves.P Says:

     » Et pire, phénomène surtout développés pour les DUT, la très grande majorité des diplômés poursuivent leurs études et ne rentrent pas sur le marché du travail. Ces formations leur servent à « éviter le premier cycle des universités jugés pas suffisamment encadrant.En passant, cela permet à la promotion interne des entreprises de fonctionner et d’alimenter en interne ces postes. »
    Deux approximations dans cette assertion.
    Plus de 30% des étudiants d’IUT obtiennent une licence professionnelle et sont donc dans la majorité des cas sur le marché du travail avec un diplôme qui a remplacé de fait depuis 15 ans le traditionnel DUT pour le démarrage de la vie professionnelle. Ils constituent donc « la couche des techniciens » indispensable à notre pays.
    Venir en IUT c’est aussi choisir un enseignement où la technologie est un des pilier de la formation. C’est très loin d’être anodin. Cela permets tout en ayant une formation générale, l’acquisition d’une « culture technique » et des méthodologies associées.
    Enfin pour conclure, il est loin d’être anodin que les ingénieurs formés puissent pour partie être titulaires d’un diplôme (BUTS ou DUT). Leur culture technologique initiale, leur sera très utilise par la suite, alors que les écoles d’ingénieurs désertent de plus en plus l’enseignement technologique. La création d’emploi à forte valeur ajoutée passe par la recherche, l’innovation au sein de la chaine produit-process et donc par la formation de technologues du niveau bac au niveau doctorat. Les STS apportent leurs contribution à l’atteinte de cet objectif.

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