Les cadres d’une réforme du lycée. Mais de quel Lycée ? 2/5

Deuxième article pour la préparation de la table ronde pour la FCPE.

Lorsque l’on veut réfléchir sur une réforme du lycée, faut-il encore s’interroger sur le champ du lycée en le replaçant dans une évolution historique.

 

Un peu d’histoire

 

Notre système scolaire s’est construit sur la base de deux ordres scolaires, parallèles et quasi étanches entre eux.

Sur un plan législatif, l’état, avec Napoléon, crée en premier le lycée (1802), espace de l’ordre du secondaire qui prépare au baccalauréat, premier diplôme universitaire, ce qui explique encore aujourd’hui le principe de l’entrée sans sélection à l’université de tout bachelier. Il faut attendre la loi Guizot de 1833 pour rendre obligatoire l’ouverture d’une école primaire par chaque commune.

Très vite une évolution majeure se met en place. L’ordre primaire va se créer une « prolongation » d’études dans le secondaire avec notamment les écoles primaires supérieures, amenant pour certains à rejoindre les écoles normales ceux qui deviendront instituteurs, les autres allant vers des formations professionnelles ou l’apprentissage. Le dernier avatar historique de cet ordre primaire étant le collège d’enseignement supérieur (CEG). L’ordre secondaire de son côté, afin de mieux contrôler son public, créé des « petites classes du lycée » qui disparaitront en … 1966.

Ecole du peuple d’un côté rassemblant la très grande masse des élèves, et de l’autre côté l’école pour les enfants des notables. D’un côté l’école de l’intégration et de l’autre le lycée producteur des élites. Ajoutons une différence également fondamentale, celle des personnels, les uns sont issus de l’école normale et les autres de l’université. On reste entre soi. Voilà en fait la structure de l’école républicaine tant réclamée par certains… Il y a des transfuges, mais que d’un côté pour l’essentiel, le lycée recrute les meilleurs élèves du primaire.

Avec la réforme dite Berthoin en 1959, réforme gaulliste, c’est une mise en système qui s’organise. Le primaire et le secondaire vont désormais se succéder. Il y aura encore un temps plusieurs secondaires après l’école primaire, puis la réforme Haby installera le collège unique, seule voie à l’issue du primaire. L’orientation, « professionnelle » jusque-là, sera intégrée au fonctionnement du système et deviendra « scolaire » petit à petit, l’orientation vers le professionnel se faisant pour l’essentiel sur la base d’un jugement scolaire déclarant l’incapacité à réussir dans la poursuite des études générales. Jusque-là, la poursuite ou plutôt la non-poursuite d’études relevait du « destin » social. Dès lors ce destin sera renforcé par le destin scolaire. L’échec scolaire règle la circulation et le maintien ou non dans le système.

L’intégration se joue toujours à l’école primaire. Berthoin avec l’allongement de la scolarité à 16 ans et la création des BEP (qui devaient remplacer les CAP), puis Haby avec la création du collège unique, et la réduction du lycée à la deuxième partie du secondaire, pensaient, tous les deux, pouvoir élaborer le collège de l’intégration, repoussant la différentiation après la troisième du collège. Ce n’est pas ce qui s’est passé. Lorsque la loi Haby est publiée, c’est un quart de la population scolaire qui sort du collège après la cinquième. Cette sortie est finalement maintenue jusqu’à la réforme du collège de Bayrou en 1994. Si on observe petit-à-petit une réduction de la sortie du collège et une réduction drastique des CAP, on constate une différenciation interne du collège.

La loi de refondation ouvre l’évolution vers une autre organisation du système. Avec la mise en place des cycles, notamment celui réunissant fin de l’école primaire et début du collège, mais aussi la conception commune des programmes de ces deux niveaux, c’est l’organisation « nordique » qui émerge : une école fondamentale assurant l’intégration de tous, puis un deuxième cycle du secondaire (voir sur le site du ministère).  Dans cette organisation, la différenciation devrait relever uniquement de cette deuxième partie du système. Mais pour cela il faudrait une réforme également de l’orientation, ce que nous verrons plus loin.

Le/les lycées

Une autre piste de réflexion serait la configuration des types d’établissements. Historiquement, le lycée général est le plus ancien avec la préparation du baccalauréat. Puis il va se diversifier dès la fin du XIXe siècle. Ensuite est apparu le lycée technique préparant au brevet de technicien puis à partir de 1966 au baccalauréat technique puis technologique. C’est un établissement distinct du premier. Le troisième type d’établissement est le collège d’enseignement technique (CET) qui deviendra le lycée professionnel et qui prendra toute son importance avec la création du baccalauréat professionnel.

Aujourd’hui, on a trois types de configurations de ces trois entités. La première qui s’est mise en place, c’est le lycée général et technologique. Ce nom a été donné aux lycées généraux qui très vite après la loi de 1989 ont préparé à des bacs de technologie du domaine tertiaire (opération de différenciation interne sans doute). La réunion des formations générales et des formations techniques « industrielles » ont été beaucoup plus délicates, et des résistances se sont organisées, Tant du côté des grands lycées techniques que du côté des grands lycées parisiens ou versaillais…

La deuxième configuration, appelée lycée polyvalent, rassemble les trois formations, générale, technologique, professionnelle. Ce qui accentue encore plus la différenciation possible, et des jeux pas toujours très réguliers d’ailleurs pour réguler la circulation des élèves. Le plus souvent cet établissement rassemble les préparations aux bacs généraux et aux bacs technologiques et professionnels du domaine tertiaire.

La troisième configuration, le lycée des métiers, ne repose pas sur l’idée de préparation à des baccalauréats. Il s’agit de rassembler toutes les formations professionnelles d’un même domaine, industriel, que ce soient les formations initiales, continue ou encore par alternances, que ce soit le niveau bac ou supérieur. On est là dans une toute autre logique. Récemment c’est le concept de campus des métiers qui ouvre encore davantage sur l’enseignement supérieur. « Les Campus des métiers regroupent des établissements d’enseignement secondaire et d’enseignement supérieur, de formation initiale ou continue. Ils sont construits autour d’un secteur d’activité d’excellence correspondant à un enjeu économique national ou régional soutenu par la collectivité et les entreprises. »

Une réforme « du » lycée supposera donc sans doute un choix ou une combinaison entre ces trois configurations.

 

L’organisation pédagogique

On terminera cette partie avec quelques remarques sur l’évolution de l’organisation pédagogique.

Jusqu’en 1981, l’organisation des deux lycées, général et technologique est fondée sur le principe des filières. L’orientation fin de troisième injecte des élèves triés qui rentrent aux lycées dès la classe de seconde dans une filière. Le lycée est différencié, il n’a pas à différencier. Eventuellement il rejette hors les murs. La fameuse formule « vie active » n’est pas rare dans les bulletins. Elle sera supprimée en 1982. A partir de cette date une révolution s’impose dans les lycées. La décision d’orientation en fin de troisième est « passage dans une classe de seconde de détermination ». Désormais le lycée devra opérer la différenciation. La notion de seconde détermination (réforme Beullac mise en œuvre par la Gauche) reprenait l’idée de la sixième unique de la réforme Haby, c’est-à-dire une classe hétérogène. Mais de fait les établissements ont cherché à maintenir la situation antérieure, celle des classes homogènes, et l’on rassembla dans la même classe les élèves ayant fait le même choix d’options, l’option préfigurant leur choix de bac. Cette organisation est encore largement prévalante aujourd’hui dans les établissements.

Du côté professionnel on a pu observer également des évolutions dans la structuration des classes de secondes avec des classes polyvalentes permettant de retarder un peu le choix plus précis de la formation. Et puis révolution fondamentale avec le passage d’une formation à deux diplômes successifs (BEP puis bac pro) à une formation à un bac pro en 3 ans. Cette nouvelle organisation était très critiquée : comment ramasser en trois ans ce qui se faisait en quatre ! Il y aurait sans doute encore plus d’échecs. Le BEP permettait également une sélection des meilleurs, capables d’aller vers le bac pro. En fait c’est l’inverse qui s’est produit. Le « rendement » du lycée professionnel s’est accru tant sur le plan quantitatif que sur le plan de la réussite au bac.

Hypothèse

Une hypothèse sur l’évolution de la forme pédagogique du lycée reposerait sur la notion de module et de combinaison. La différenciation ne serait plus imposée aux élèves par la nature de chaque diplôme mais par les choix exercés par l’élève lui-même.

Mais il faut bien comprendre que plusieurs problèmes se posent alors.

Les deux premières organisations reposent sur le principe des disciplines (qui définissent le statut des enseignants). Le choix est contraint pour les élèves (ce qui est organisés). Il y a donc une grande dépendance aux moyens humains et aux contraintes matérielles (bâtiments, classes, horaires…)

Dans une organisation par modules combinés, c’est le choix par les élèves qui détermine « l’offre de formation » et non l’inverse.

 

Cette organisation par modules est difficile à penser dans une organisation matérielle, mais dans une formation numérique ?

Bernard Desclaux

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This entry was posted on mercredi, novembre 30th, 2016 at 19:03 and is filed under Evolutions, Système scolaire. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.

2 Responses to “Les cadres d’une réforme du lycée. Mais de quel Lycée ? 2/5”

  1. jean-marie Quairel Says:

    Bonsoir,
    Pour imaginer le nouveau Lycée, il me semble qu’il faut utiliser trois principes : 1/ Les nouveaux cycles ( CM2/6°; 5°/4°; 3°/2°) 2/ La liberté de choix du jeune et de sa famille. 3/La valeur de l’expérience. Si ces deux principes sont acceptés et réellement mis en œuvre , nous pouvons supprimer l’Orientation en fin de 3°, tout en préservant la possibilité d’un choix d’apprentissage à 15 ans. Les jeunes qui ne choisissent pas cette voie de formation, entre en classe de « Seconde pour tous »,en LGT et en LP, sur des critères de cartes scolaires favorisant la mixité sociale. Ils y reçoivent un enseignement identique en : Français, Maths, Sciences, HG, Citoyenneté, Philo, 2 Langues et EPS. Par ailleurs, 2 demies journées hebdomadaires sont consacrées à une exploration en petit groupe, de l’ensemble des offres de formations du bassin(LGT; LP et CFA). L’élève peut expérimenter plusieurs fois le mème domaine, mais doit passer au moins une fois dans chaque domaine. En fin d’année, l’élève choisit une formation (Bac Général, Technologique ( nombre réduit ), Professionnel, ou Apprentissage. Évidemment, rien ne pourra se faire sans un changement profond de la formation, des pratiques et de l’évaluation des enseignants, des modalités de transmission des savoirs et de leur évaluation, de la place des parents. Les NTCI seront absolument incontournables, sans négliger pour autant les temps d’accompagnement, de questionnement, de dialogue et de Conseil, non virtuels, mais nécessairement incarnés, entre les différents partenaires du système.
    Bonne soirée.

  2. Le blog de Bernard Desclaux » Blog Archive » Les cadres d’une réforme du lycée. Que produit notre système ? 1/5 Says:

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