PsyEN, la psychologie de l’orientation

Poursuite de la série sur les PsyEn. N’étant pas un spécialiste des psychologues scolaires, je vais me centrer sur les conseillers d’orientation-psychologues, et je commencerai par « la psychologie de l’orientation ».

Psychologie de l’orientation d’hier

Jean Guichard et Michel Huteau ont écrit un livre en 2001, Psychologie de l’orientation chez Dunod  puis une 2ème édition augmentée en 2006. Je l’ai déjà évoqué dans un petit article « Hypothèses sur l’évolution du métier de conseiller d’orientation ».

Claude Pierret dans sa recension en 2001 écrit : « Les mérites de l’ouvrage sont nombreux. Deux apparaissent d’emblée : d’une part ses points de vue sont internationaux, d’autre part il suggère une philosophie de l’orientation qui s’est enrichie des expériences contrastées du vingtième siècle.

En effet, la vision de l’orientation a souvent été franco-française et la trilogie : Binet, Piéron, Reuchlin a occupé une place prépondérante dans l’esprit des praticiens de l’orientation. Ce livre donne aux chercheurs étrangers leur juste place en montrant combien les théories développées ont été tributaires des contextes idéologiques, sociaux et économiques. Canada, États-Unis, U.R.S.S., pays européens … Tous les travaux les plus récents sont ici confrontés. »

Claude Pierret, « J. Guichard, & M., Huteau. Psychologie de l’orientation.  », L’orientation scolaire et professionnelle [Online], 30/3 | 2001, Online since 20 July 2016, connection on 04 October 2017. URL : http://osp.revues.org/5168

Relevons cette formule quelque peu pudique : « la vision de l’orientation a souvent été franco-française ». J’ai proposé une autre manière de voir cette période franco-française notamment dans cet article « Apprendre à s’orienter, d’hier à aujourd’hui (VI), ou la perte de l’argumentation ».  J’y rapporte l’histoire de Pierre Naville et d’Antoine Léon, deux acteurs de l’INOP puis de l’INETOP qui ayant proposé une autre « vision » seront éloignés de l’institut. Celui-ci poursuivra en maintenant le silence sur d’autres conceptions venues de l’étranger (L’ADVP canadienne et l’EAC de Hoyt).

J’ai repris cette histoire française dans « Questionner l’histoire de l’orientation et des conseillers en France (VII) » l’émergence de l’éducation à l’orientation  en indiquant une hypothèse : « L’Institut s’est, à mon avis, opposé à une conception éducative de l’orientation afin de protéger une conception du « métier » de conseiller d’orientation basée sur l’expertise. » A l’époque, ce métier participe à cet ensemble, repéré par François Dubet, des métiers d’autorité sur autrui.

Psychologie de l’orientation d’aujourd’hui

Christine Delory-Momberger propose une autre recension de nouvelle édition. Elle écrit : « Ce qui apparaît pour ainsi dire en creux dans leur démarche d’exposition, c’est d’abord la difficulté de passer de modèles théoriques empruntés à la psychologie et à la sociologie à des pratiques d’aide à l’orientation incluant des protocoles d’observation, des recueils de données et des dispositifs de guidance. Le problème du choix et de la pertinence du modèle se redouble ici de l’adéquation et de la cohérence de la méthode à chacune de ses étapes, dans les objectifs qu’elle se fixe et dans les moyens qu’elle se donne pour les atteindre. À cette difficulté épistémologique et méthodologique il faut ajouter – et les auteurs ne le dissimulent pas – le succès relatif des résultats obtenus – en même temps d’ailleurs que la difficulté à mesurer ce succès – : il semble d’une manière générale que si les pratiques d’aide à l’orientation élargissent d’une manière positive le champ d’information et de connaissances sur le monde professionnel, si elles peuvent contribuer chez les consultants à une meilleure connaissance d’eux-mêmes, de leurs intérêts et de leurs compétences, leur efficacité et leur pertinence sont davantage sujettes à questionnement dans la manière dont elles déterminent la prise de décision et dont elles influencent l’orientation. Ce questionnement renvoie à la dimension éthique d’un geste professionnel qui, par sa fonction sociale et par les attentes individuelles auxquelles il doit répondre, se trouve au nœud des relations entre l’individu et le social et qui est directement confronté à la question de l’inégalité sociale. C’est l’immense mérite du livre de Jean Guichard et de Michel Huteau, livre de savoirs et de savoir-faire, que de situer cette place centrale de l’orientation au cœur du social et de tenir ouverte cette interrogation éthique. »

Christine Delory-Momberger, « J. Guichard & M. Huteau. Psychologie de l’orientation », L’orientation scolaire et professionnelle [Online], 36/1 | 2007, Online since 08 December 2009, connection on 15 September 2017. URL : http://osp.revues.org/1344

 

Relevons qu’à propos des pratiques d’aide à l’orientation, elle écrit : « leur efficacité et leur pertinence sont davantage sujettes à questionnement dans la manière dont elles déterminent la prise de décision et dont elles influencent l’orientation ». Le terme de « conseil » semble s’estomper au profit de celui « d’accompagnement » beaucoup moins lié l’autorité sur autrui. Mais on sait aussi que ce terme est bien ambigu. On peut accompagner son enfant à l’école, et le plus souvent le tirer par la main, sinon il n’aurait pas besoin de vous pour y aller. Mais on peut aussi être simplement avec quelqu’un, à ses côtés, en suivant ses décisions.

Cette période actuelle se trouverait donc caractérisé non plus par la croyance en son efficacité de professionnel, mais au contraire par son incertitude, comme un écho de celle du « client », du demandeur d’aide. La psychologie ne serait plus un discours de certitude pour le professionnel, elle n’est  plus un discours de savoir sur l’autre.

 

Bernard Desclaux

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This entry was posted on jeudi, octobre 5th, 2017 at 16:57 and is filed under Evolutions, Orientation. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.

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