Le régalien, le cadre et la conception

Ce mardi 28 mai 2019 le gouvernement et les régions signent un « cadre national de référence« . Suite à la  loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » il s’agit de définir les conditions dans lesquelles ils exercent leurs missions respectives dans les domaines de l’information et de l’orientation à destination des publics scolaire, étudiant et apprenti.

Le décret, Information sur les métiers et les formations. Nouvelles compétences des régions du 11 avril 2019 avait déjà modifié le Code de l’éducation préparant ainsi l’application de la loi[1].

Je vous propose une lecture à chaud.

Le régalien

L’orientation reste bien une affaire d’état. « l’État conserve une compétence pleine et entière dans la définition, au niveau national, de la politique d’orientation des élèves et des étudiants. Il continue de prendre les décisions d’orientation et d’affecter les élèves. Il assume toujours la dimension éducative et pédagogique de l’orientation des élèves qui relève de ses missions de service public de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur. »

Autrement dit, il reste maître chez lui ! Le fonctionnement de l’espace scolaire reste bien protégé. La circulation des élèves reste sous le contrôle de l’État. Mais également « la dimension éducative et pédagogique de l’orientation des élèves ». Leur définition sera toujours du ressort de celui-ci.

Le ministère de l’éducation nationale a protégé son territoire.

Le cadre

La nouveauté se trouve sous ce terme. La loi avait posé que « La région organise des actions d’information sur les métiers et les formations aux niveaux régional, national et européen ainsi que sur la mixité des métiers et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en direction des élèves et de leurs familles, des apprentis ainsi que des étudiants, notamment dans les établissements scolaires et universitaires. » Ces activités se déroulant dans les établissements du secondaire ou du supérieur, il est nécessaire de les « cadrer.

J’identifie trois niveaux

  • « Une convention régionale précise les rôles respectifs de la région académique et de la Région, ainsi que les modalités de coordination de leurs actions. »
  • « Le chef d’établissement reste le garant de la cohérence des actions mises en œuvre dans son établissement »
  • « Les actions d’information sont mises en œuvre par les Régions de manière concertée avec le chef d’établissement, en lien avec l’équipe éducative, dont les professeurs principaux et les psychologues de l’éducation nationale, dans les établissements de l’enseignement secondaire. »

Ce que je traduis par le fait de l’existence d’une convention au niveau régional. Il y aura un écrit, un accord explicite et il sera rendu public.

Mais la réalisation dans le réel, si je puis dire relève de l’accord et de l’arrangement entre des personnes. Et voilà encore un pari sur la bonne volonté.

Conception

Quelle est la conception de l’orientation repérable ?

Le mot « information » est sans doute le plus récurrent dans ce document. Ceci indique que l’orientation est conçue comme un processus de choix rationnel dans lequel l’information maximale sur les objets du choix est le plus à valoriser.

On déclare toutefois des objectifs éducatifs à cette affaire :

  • élever le niveau scolaire, conduire vers l’enseignement supérieur tous ceux qui le souhaitent;
  • construire une véritable éducation à l’orientation pour développer l’autonomie et la responsabilisation des élèves dans une dimension émancipatrice ;  
  • éviter les ruptures et favoriser la continuité des parcours entre l’enseignement secondaire et supérieur;
  • accompagner l’abandon des filières au lycée et faciliter l’expression progressive des choix des élèves.

On y confirme ainsi la centration sur l’articulation lycée/supérieur ainsi qu’une confusion entre « éducation à l’orientation » et « accompagnement à l’orientation. Avec une belle intention : « L’État va concentrer son action dans les établissements du second degré et de l’enseignement supérieur pour renforcer l’accompagnement de proximité des élèves, des étudiants et des apprentis tout au long de leur parcours de formation. » Et pour bien marquer une nouveauté, on affirme qu’« Auparavant exercé de façon diffuse et inégale dans les établissements scolaires, l’accompagnement des élèves pour l’élaboration de leur projet d’orientation s’effectue désormais dans le cadre d’un volume horaire dédié prévu dans l’emploi du temps des élèves. Cette disposition rejoint les préconisations récentes du conseil économique social et environnemental (CESE). »

Quelques surprises tout de même. Et une première cachée dans une infographie du ministère que nous nous permettons de reproduire :

Regardez bien, il est en dehors du cadre… on ne sait pas trop où le mettre sans doute, le CIO.

Et puis il y a le retour de deux acteurs, le psychologue de l’éducation nationale et le professeur documentaliste. Mais pas de Conseiller principal d’éducation ni de … Directeur de CIO.

 

En tout cas s’il y a un mot qui a bien disparut, c’est celui de « conseil ».

Hypothèse : le conseil n’est plus du ressort de l’État. Il sera assuré dans le cadre du SPRO (service public régional d’orientation) et sans doute de plus en plus par le secteur marchand beaucoup plus apte à répondre à l’angoisse.

 

Pour éclairer cela à lire une prochaine tribune dans Le Monde de lundi prochain :

« L’Etat français considère-t-il encore l’orientation scolaire comme relevant de sa responsabilité ? »

 

 

Bernard Desclaux

[1] En voir notre lecture : « Un décret attendu et bouleversant » https://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2019/04/15/un-decret-attendu-et-bouleversant/

 

This entry was posted on mardi, mai 28th, 2019 at 15:19 and is filed under Non classé. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.

One Response to “Le régalien, le cadre et la conception”

  1. Jean Le Duff Says:

    De l’art de transformer les personnes en algotithme!!!!

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