Nous sommes dans la première année d’application de la réforme Blanquer du lycée avec notamment « les nouvelles premières ». Comment va se jouer l’éclatement des filières du bac général ?
L’orientation
Cette réforme porte sur l’organisation des enseignements bien sûr, mais elle était également une réforme de l’orientation en fin de seconde. J’ai déjà abordé cette question dans deux articles de ce blog[1]. Mon hypothèse était que la libération du choix des spécialités de premières seraient sans doute fortement encadrée par les « 54 heures d’aide à l’orientation » qui seraient organisées dans la nouvelle seconde. Mais en fait cette hypothèse ne pourra être réellement observée que en cette nouvelle année. De fait la réforme du lycée a démarré par la première, et les choix des élèves et des familles ce sont opérés sas cet encadrement organisé.
Les choix sont faits aujourd’hui et diverses observation ont pu être faites : une enquête du ministère lui-même, ainsi que des observations syndicales. Bruno Magliulo a proposé une synthèse critique de ces observations dont je vous recommande la lecture[2].
Bruno Magliulo point : « En d’autres termes, il y a eu un indéniable effet « catégorie socio-professionnelle (CSP) d’appartenance » : faire des choix d’enseignements de spécialité permettant de reconstituer les filières anciennes, particulièrement la filière S, a été significativement plus fréquent dans les familles appartenant aux CSP favorisées. » Si cette tendance s’avère exacte, alors elle se retrouvera également dans la différence entre les lycées de centre-ville comme on dit où les « hautes CSP » sont concentrées et les autres établissements « périphériques.
Il ajoute que les plus grande difficultés d’orientation se joueront en fin de première lorsqu’il faudra « laisser tomber » une des trois spécialités.
Dans l’immédiat je voudrais aborder une autre difficulté, celle de …
L’organisation des classes
A nouveau, le problème de 1982 se pose : comment composer les classes[3] ? A quelques jours de la rentrée scolaire en France métropole, on pourrait aller voir dans les départements d’outre-mer. La rentrée se fait au cours du mois d’aout là-bas et j’ai quelques témoignages.
Donc un lycée de centre-ville (voir la remarque plus haut). Au cours de la seconde, le proviseur adjoint fait un questionnaire pour avoir une idée de la répartition des choix de spécialités par les élèves. Il en ressort en fait une très forte conformité avec les anciennes filières : près de 90% des choix recomposent ce filières. Il informe donc les parents et propose donc de construire les classes à partir de ces choix et donc de recomposer des classes « homogènes » par rapport aux spécialités, les classes se dispersant simplement au moment des options. Et c’est ce qu’il prépare pour la rentrée. Sauf que…
Sauf qu’un nouveau proviseur est nommé pour la rentrée, et indique que cette organisation n’est pas conforme à l’esprit de la réforme, qui se veut anti-filières, et il demande une autre organisation des classes. Ce que le proviseur-adjoint est bien obligé de faire, et il recompose donc les classes en mélangeant les « triplettes ». Qu’elle règle a-t-il pris pour répartir les élèves dans les différentes classes ? Je ne sais pas.
Résultats, côté élèves, d’après les calculs de ma petite fille, elle se trouve pour un tier de son temps avec les mêmes élèves, « sa » classe, et le reste dans des groupes différents. Autrement-dit à chaque changement de salle, de matière, c’est un nouveau groupe d’élève qui se recompose. Fini le fameux « esprit de classe » ! En même temps cela permet de rencontrer beaucoup plus d’élèves. C’est le côté sympathique !
Côté emploi du temps, bien sûr pas mal de « trous » horaires, tant du côté élèves que du côté enseignants, mais aussi de nouveaux problèmes : certains élèves ne peuvent se dédoubler ou même se détripler ! Impossible de participer à deux options qui se déroulent au même horaire. Et c’est donc la grande période des négociations et recherches d’arrangements et sans doute de renonciations. Pas sûr que les logiciels d’emploi du temps soient encore opérationnels pour une telle réformes !
Autre remarque, cette fois-ci « uniquement » du côté enseignants : comment vas-t-on faire pour les conseils de classe ? Question subsidiaire, et personnelle : mais c’est peut-être bien la notion de « classe » qui est en train de disparaître, et cette fois-ci pas seulement en « l’inversant » ! Ajoutons que sur le plan orientation, les propositions d’orientation seront désormais particulièrement réduites (elles l’étaient déjà en fin de première puisque celle-ci n’était plus depuis longtemps un palier d’orientation). Le conseil, la recommandation, portant sur la poursuite ou la non-poursuite d’une spécialité elle devrait sans doute être faite par l’enseignant de chaque matière concernée.
Dès lors se posera sans doute à terme la nécessité de la tenue physique de conseils de classe.
Bernard Desclaux
[1] Les nouvelles procédures d’orientation en fin de seconde https://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2018/09/27/les-nouvelles-procedures-dorientation-en-fin-de-seconde/ et L’orientation dans la future classe de seconde https://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2018/07/18/lorientation-dans-la-future-classe-de-seconde/
[2] « Quels ont été les choix des familles concernant les enseignements de spécialité en première générale du nouveau lycée ? » Publié le 21 août 2019 par Bruno Magliulo, Formateur/conférencier et auteur de livres et articles sur le thème de l’orientation https://www.linkedin.com/pulse/quels-ont-%25C3%25A9t%25C3%25A9-les-choix-des-familles-concernant-de-en-bruno-magliulo/?trackingId=LcFDzVkVTEe3Jdoq5UpLQA%3D%3D
[3] Histoire que j’ai racontée dans Les nouvelles procédures d’orientation en fin de seconde
Allez, cassons tout, mais vraiment tout dans un capharnaüm. Le mot évoque tout de suite le bric à brac, le désordre. L’étymologie nous emmène vers le village de la compassion, que le terme hébreu nahum nous suggère.Ce passage vers l’étymologie n’a pas que la vertu de l’exercice de style toujours intéressant quand il s’agit d’éclairer le sens. Les parents sont déboussolés, ne sachant pas très bien que choisir pour réussir leurs stratégies d’entrée dans l’enseignement supérieur, pas la leur, celle de leur enfant. Et on les comprend car les critères d’admission ne sont pas encore clairement définies dans toutes les composantes des universités. Les lycéens sauront naviguer dans les couloirs et peut être s’amuseront-ils de changer de groupes. Au fond ces jeunes n’ont pas de passé et n’émargent pas à la sacro-sainte religion industrielle des filières. Quand ils auront des trous, ils parleront avec leurs camarades, referont le monde, il en a besoin. Ils se mettront sur leur portable et agiteront leur pouce en lieu et place des cours, internet est plein de ressources. Pensons maintenant aux proviseurs et surtout aux proviseurs adjoints, aux professeurs qui en ont leur claque… Rappelez-vous François Hollande nous avait promis: le changement,c’est pour maintenant.Avec Emmanuel Macron, le changement, c’est tout le temps.Quand, c’est tout le temps, les acteurs disent, c’est épuisant. C’est ce que j’ai entendu hier matin lors de la conférence de rentrée présidée par le recteur de l’académie de Paris. Les représentants syndicaux des chefs d’établissement portaient un message de souffrance. C’est un peu le genre de l’exercice, mais pour la première fois, il m’a semblé qu’il y avait dans leurs voix, ils étaient 3 à s’exprimer, un accent de vérité. Alors, pour terminer,la réforme du lycée, c’est un véritable casse-tête, c’est juste de le dire. Mais il faudrait que l’expression embrasse tout le corps et pas seulement la tête. Dans les mois à venir, observons , la capacité d’adaptation de notre vieille institution bousculée.
Tu as bien raison Annick, on peut penser que les lycéens s’arrangeront plus ou moins des difficultés d’emplois du temps, sauf peut-être ceux qui ont un emploi du temps surbooké extérieur (les multi-cartes des activités extrascolaires…). Le plus dur sera pour les enseignants avec les emplois du temps à trous et les multiples groupes différents auxquels ils devront s’adapter, et qui risquent bien de ne pas « former groupe » vu le peu de temps passé ensemble. Et puis pensons aux « numéros 2 », à l’adjoint vers qui remontera toutes les doléances, critiques… etc…