Vol de signes inquiétants au-dessus des PsyEN

Le 16 juillet  c’est la date de fermeture des CIO pour les vacances scolaires. Rien d’anormal, mais pour certains, ce n’est pas que cela. La presse locale se fait l’écho de fermetures définitives de certains CIO. Dans les forum de discussion des PsyEN, l’inquiétude des personnels se manifeste. Une profession  s’éteint à petit feu dans un silence assourdissant. Désolé d’en rajouter à la morosité ambiante.

On ferme !

A Montceau-les-Mines il est question de fermer le CIO. Un site local explique ainsi la situation : « A vrai dire, la situation est fort simple à comprendre. Les locaux sont mis gratuitement à disposition de l’Education Nationale dont dépend le CIO par le conseil départemental depuis quatre ans. Or, la loi NOTRe dans la nouvelle organisation territoriale, ne permet plus cette situation. Comme la convention entre, pour faire simple, entre le CIO de Montceau et le Département prend fin le 30 juin, les huit psychologues, la directrice et deux administratifs, sont priés de trouver un nouveau toit. » La ville cherche de son côté une solution pour maintenir le CIO sur la commune, mais sans savoir si le rectorat a pris une décision définitive concernant le déplaçant de l’équipe au CIO du Creusot. Bonnes vacances aux collègues qui ne savent pas où ils seront à la rentrée.

Les fermetures se poursuivent donc ça et là sans aucune décision générale, au grès des problèmes financiers des départements, des tentatives de bricolages locaux et des impuissances rectorales. Pour rappel tout ceci se fait en moyens constants. Les rectorats doivent également se débrouiller avec leurs budgets. Comment on dit déjà, déshabiller Pierre pour habiller Paul ?

Ce mouvement est très anciens. J’en avais parlé dans un article[1] datant de 2013. Aucune mesures nationales ne fut élaborée sérieusement. Oubli, volontaire ?

L’extension des contractuels

Régulièrement dans un forum de PsyEn que je suis on voit des annonces de recherches de contractuels pour des remplacements ponctuels (des congés maladie ou de maternité), mais aussi des postes à l’année. Pour les premiers types cela signale une incapacité de plus en plus grande des services rectoraux à gérer les remplacements. Cela semble aussi le cas pour les enseignants. Mais pour le deuxième type de remplacement, cela signale tout simplement un manque de titulaires pour couvrir les postes existants. Et cela inquiète.

Deux exemples parmi bien d’autres.

« Rassurez moi : je ne suis pas la seule à trouver scandaleux tous ces postes de psys non pourvus un peu partout??

Tous les jours on lit des nouvelles offres d’embauches… je n’ai rien contre les collègues contractuel(le)s qui postulent mais franchement, quelle crédibilité gardons-nous au regard de tous ces postes précaires dans un service public? C’est dingue!! »

« Les postes ouverts au concours sont ridiculement bas… On est une profession précaire à plus de 30%. On a entériné cette précarité par la suppression des postes de titulaires de zone de remplaçant, réservant ainsi des postes exclusivement pour des contrats de droits privés précaires.

Je suis choquée des diffusions massives, parfois avec un encart touristique alléchant pour trouver du personnel précaire… Alors que les titulaires sont bien souvent persona non grata dans ces académies ou sur ces postes. »

Dans les académies, les syndicats alertent sur ce problème. On pourra lire un texte soutenu par les deux syndicats (SGEN et SNES) à  propos  de la « Problématique des PsyEN contractuel·le·s dans l’académie de Normandie. »[2] On y indique également ce taux de 30% de contractuels, mais aussi tous les problèmes de rémunérations très complexes et surtout qui rajoutent de la précarité à la précarité.

Ajoutons à ces difficultés, les problèmes d’organisation dans les CIO particulièrement touchés par la concentration de contractuels. Comment assurer à la fois un service et un accompagnement formateur de ces nouveaux personnels ?

Tout ceci s’inscrit dans un mouvement plus général s’appuyant notamment sur La loi de transformation de la fonction publique de 2019[3], et en particulier sur le décret n° 2019-1414 du 19 décembre 2019 relatif à la procédure de recrutement pour pourvoir les emplois permanents de la fonction publique ouverts aux agents contractuels est paru au Journal Officiel du 21 décembre 2019[4].

La formation défaillante

Jusqu’à présent la formation initiale des PsyEN EDA et EDO se soldait pour la quasi-totalité des participants de manière satisfaisante, par leur intégration. Mais un message dans le forum semble signaler un changement. « Cette année, sur 29 psyEN EDA/EDO stagiaires au Centre de formation de Bordeaux, 2 ont abandonné en cours de formation, 2 voient leur stage reconduit l’an prochain, 1 ne sera pas titularisée. Soit au total 17% de non titularisés cette année. » Le message signale également des pratiques évaluatives pour le moins curieuses et surtout opaques, sans critères réellement définis.

Les questions posées en CAPA ont été balayées. Le mouvement lancé par le ministère de suppression du pouvoir des CAPA en matière de mobilité et d’avancement fait son effet. Les syndicats s’expriment, sans effets.

Rappelons que le Certificat d’aptitude aux fonctions de formateur académique (CAFFA) est accessible aux enseignants et aux conseillers principaux d’éducation, et pas aux autres personnels, dont les PsyEN. Qui seront les futurs formateurs des PsyEn dans le cadre de la formation continue ?

Moins de postes au concours

Depuis la création du corps unique des psyEN la tendance est à la réduction du nombre de postes globalement.

Petit rappel, les psyEN EDA sont les anciens psychologues scolaires et les PsyEN EDO sont les anciens conseillers d’orientation-psychologues.

Tableau extrait d’une pas d’un site syndical. Places aux concours 2021 des psychologues de l’Éducation nationale https://17.snuipp.fr/spip.php?article6078

De l’avis de tous, ces postes ne permettent pas de combler les manques de titulaires sur le terrain et encore moins d’approcher le taux européen d’un psychologue pour 800 élèves. Mais surtout, ces volumes réduits ont un effet sur les capacités formatives des différents centres de formation disséminés en France. Plus le nombre de formés se réduit et plus la palette et la richesse des formateurs en fait autant. Et une formation initiale qui s’étiole a quelques conséquences qui se prolongent dans le temps.

Le « grand remplacement »

A propos d’un article présentant l’interview «La méditation de pleine conscience porte gravement atteinte à la laïcité»[5], pour le président de la Ligue des droits de l’homme, un commentaire me permet d’élargir le problème des intervenants à un phénomène plus large.

« Beaucoup et de plus en plus d’intervenants extérieurs dans les établissements, normalement agréés par le ministère, mais vu le nombre d’agréments qui passent au BO ces derniers temps, difficile sans doute de vérifier la neutralité de chaque intervention. Mais la LDH s’est-elle penchée sur le système scolaire français un des plus inégalitaire d’Europe (pcs et genre) et où on retrouve les enfants les plus angoissés. Faire attention aux mouvements sectaires certes, mais étonnant de s’en prendre aux méthodes qui essayent de pallier aux dysfonctionnements d’un système…et qui sont des pratiques laïques. »

On a en fait trois phénomènes qui se conjuguent maintenant sur le champ de l’orientation et de la psychologie. Les chefs d’établissement ont de plus en plus de sollicités de la part d’intervenants extérieurs, et souvent ils font appel eux-mêmes à ces intervenants. D’autre part les régions ont désormais la responsabilité de l’information à l’orientation et le Cadre national de référence[6] leur permet d’intervenir dans les établissements. Les régions ne sont pas encore prêtes à exercer cette responsabilité, mais cela peut venir. Enfin la politique du ministre Blanquer défend et donne des moyens pour faire intervenir les enseignants et les CPE dans le champ de l’orientation.

 

Au fond les psychologues sont de plus en plus nécessaires, mais pas ceux de l’Education nationale.

Bernard Desclaux

[1] « Un changement à bas bruit : la fermeture des CIO départementaux » https://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2013/06/16/un-changement-a-bas-bruit-la-fermeture-des-cio-departementaux/

[2] Lettre envoyée à la DRAIO, au DRH et au DPE de l’académie de Normandie le 21 janvier 2021 https://sgenbn.fr/problmatique-des-psyen-contractuelles-dans-lacadmie-de-normandie/

[3] https://www.fonction-publique.gouv.fr/loi-de-transformation-de-la-fonction-publique

[4] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000039654288/

[5] https://www.liberation.fr/idees-et-debats/la-meditation-de-pleine-conscience-porte-gravement-atteinte-a-la-laicite-pour-le-president-de-la-ligue-des-droits-de-lhomme-20210712_7BQJ5QRAPBFGLIHVMOL3P557IM/

[6] Voir mon article sur ce blog : Le régalien, le cadre et la conception, https://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2019/05/28/le-regalien-le-cadre-et-la-conception/

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3 Responses to “Vol de signes inquiétants au-dessus des PsyEN”

  1. jeanmarie Quairel Says:

    Cela fait plus de 30 ans que l’État cherche à se débarrasser de ses services d’orientation…Il y sera finalement arrivé et l’instauration des PsyEN en remplacement des Conseillers en aura été le point d’orgue…La fermeture, à terme, des CIO est une conséquence inéluctable connue depuis 10 ans. Quant au recours massif aux contractuel, il préfigure une privatisation du système d’orientation avant le système éducatif ( dans les cartons de la droite depuis toujours )….Le fond du problème ? Tout travail d’éducation à l’orientation est impossible dans un système où les décisions d’orientation échappent au sujet concerné…L’État qui ne veut pas renoncer à ce pouvoir, garde la main à travers les procédures, mais sous traite tout le travail d’information et d’éducation ( impossible ou manipulé ) aux Régions, aux branches professionnelles et à des prestataires privés …Quel rôle peuvent tenir les PSyEN dans ce contexte ? Celui de faire valoir scientifique sans doute, au risque d’y perdre leur âme, après celle de toute une profession, sacrifiée volontairement par la duplicité des dirigeants politiques successifs et ses propres divisions internes.

  2. Jean Le Duff Says:

    L’exécutif a une vision très utilitariste des PsyEN, qu’il s’agisse de ceux qui peuvent « répartir » les cas problèmes dans les structures existantes ou de ceux dont il pense que leur rôle consiste essentiellement à donner les aux jeunes et à leurs familles les information qui permettrons de gérer en flux tendu le potentiel de places existant dans ses structures. l’Exécutif est totalement indifférent au soutien nécessaire pour permettre aux jeunes de s’adapter dans le temps et d’être plus dynamiques. Il ne conçoit pas que cette dynamique a besoin de relations, d’échange. Pour ses indicateurs comptables c’est du temps perdu. L’exécutif ne conçoit pas que le Conseiller, Psychologue en matière d’orientation est probablement l’acteur de l’amélioration des rapports entre les infrastructures, et les personnes que sont les jeunes et leurs familles, des rapports entre les jeunes eux-mêmes. Cela implique que l’appréhension des contextes économique, social, parental, éducatif par les « conseillers » soit la plus diversifiée et la plus large possible. Cela est l’affaire des centres de formation. Recruter des conseillers paliatifs implique que les services -les CIO- y consacrent du temps et des actions qualifiantes sur « le tas ». Nous avons un grand besoin de changer de « politique » pour y parvenir. Ce ne sont pas ceux qui portent les logiques dominantes actuelles qui changeront la réalité.

  3. Annick SOUBAI Says:

    Voici un sujet récurrent, celui de la transformation des CIO et peut-être de leur disparition. C’est un sujet complexe. Qui dit complexité, dit multiplicité de registres pour traiter la question:
    – Celle de la responsabilité partagée y compris au sens de compétence administrative partagée avec notamment l’apparition des régions pour le volet information.
    – celle des acteurs, qu’ils soient internes ou externes, titulaires ou contractuels. Cette situation relève d’une politique très ancienne qui date au moins des années 80 dont les conséquences se voient aujourd’hui. Qui dit personnels contractuels ne dit pas forcément personnel peu compétent. Au contraire. Qui dit prestataires extérieurs ne dit pas forcément prestations inadéquates. Au contraire. Je suis bien sûr un peu provocatrice avec ce commentaire, mais il repose sur des exemples vécus qui pourrait illustrer mon propos. Le problème est plutôt selon mon point de vue celui des finalités que la puissance publique poursuit et d’autre part, la finalité que les différents acteurs (et ils sont nombreux ) poursuivent.

    Avouons que nous vivons dans une certaine confusion, une confusion qui n’a cessé d’augmenter. Qu’est-ce qu’on veut faire faire aux psychologues de l’Education nationale et que veulent-ils faire eux-même sachant que différents courants se manifestent. Je nous renvoie au livre de Paul Lehner.
    Le pilotage au niveau de l’Etat depuis des années est présent, nous avions ,du reste en 1996, participé avec Bernard à la commission d’étude de la fonction d’orientation, qui avait commis le premier rapport. De nombreux ont suivi. M. Blanquer a opté pour l’Education à l’orientation, mais en fait depuis des années, cette option affichée n’est jamais mise en oeuvre.

    Si on voulait qu’elle soit mise en oeuvre, il faudrait former les professionnels, y compris les psyEN. On ne le fait pas et je suis bien placée pour le savoir, en tant que formatrice.

    L’option de Jean-Pierre BELLIER, centrée plutôt sur la psychologie cognitive n’est pas plus mise en oeuvre.

    Alors? Il y a une sorte de melting pot. Tout le monde fait sa mayonnaise. Qui inventera la bonne recette ?

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