Je ne pensais pas aborder cette question purement juridique sur ce blog, en effet depuis la loi DADVSI d’août 2006 il ne fait aucun doute que les enseignants-chercheurs sont titulaires des droits d’auteurs sur l’ensemble de leurs ressources pédagogiques. Toutefois, la réalité étant toujours plus complexe que la règle de droit. Très dernièrement j’ai été amené à discuter avec des collègues de cette question sous des angles particuliers : qui est titulaire des droits d’auteurs sur les oeuvres en Elearning produites par une équipe TICE à partir du cours rédigé par l’enseignant ? et qu’en est-il lorsque l’auteur n’est pas enseignant-chercheur ? etc…
Il m’a alors semblé intéressant d’essayer dans le cadre de ce blog d’apporter quelques éléments de réflexion. Je n’aborderai pas dans le détail tous les aspects de ces questions, un article n’y suffirait pas.
Nous posons comme élément acquis que l’enseignant est l’auteur de la ressource en Elearning et que sa création lui est propre. En outre son oeuvre est élaborée de sa propre initiative, sans répondre à un ordre de son autorité hiérarchique. Il s’agit des cas les plus courants.
Que l’enseignant soit salarié ou bien enseignant-chercheur il ne fait aucun doute qu’il est titulaire des droits d’auteurs sur ces créations (en Elearning ou autres).
Pour le salarié, selon l’alinéa 3 de l’article L. 111-1 du Code Propriété Intellectuelle : “L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte aucune dérogation à la jouissance du droit reconnu par l’alinéa 1er au créateur”. Le salarié dispose donc, comme tout auteur, d’un monopole d’exploitation sur son œuvre et sa qualité de salarié n’a pas d’influence sur la titularité des droits d’auteur.
Pour l’enseignant-chercheur, la solution est identique mais ne repose pas sur le même fondement juridique. En effet c’est en raison de son statut d’autonomie que l’enseignant-chercheur est titulaire des droits d’auteur sur ces oeuvres pédagogiques par dérogation au régime applicable à la fonction publique.
Lorsque l’enseignant est un agent public ne bénéficiant pas du statut de l’enseignant-chercheur, il est alors soumis à “l’exception de service public”prévu par l’article L. 131-3-1 du Code de la Propriété Intellectuelle. Cet article institue une cession de plein droit du droit d’exploitation de l’agent public auteur dans « la mesure strictement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public ». A condition toute fois que l’œuvre ait été élaborée dans le cadre de « l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues ». Toutefois il est nécessaire de respecter son droit de paternité sur l’oeuvre. Il sera donc toujours cité comme étant l’auteur de l’oeuvre.
Néanmoins si l’oeuvre est exploitée à des fins commerciales, par exemple en formation continue, l’administration ne dispose envers l’agent auteur que d’un droit de préférence quant à l’exploitation de son oeuvre ce qui suppose une éventuellement rémunération ou intéressement.
Qu’en est-il pour les créations multimédias en Elearning qui nécessitent l’intervention d’ingénieurs pédagogiques, de graphistes,… ?
Dans cette situation il convient de distinguer l’oeuvre réalisée par l’enseignant, souvent un cours, et la création multimédia en Elearning. La première répond aux divers statuts juridiques envisagés plus haut. Pour l’oeuvre multimédia la situation est un peu plus complexe. Schématiquement tout dépend des conditions concrètes d’élaboration de cette oeuvre mulimédia et plus concrètement de la forme que prendra la direction de ce projet :
- si l’enseignant prend l’initiative de ce projet, dirige l’équipe technique et enfin publie et divulgue cette oeuvre, l’on considère alors qu’il s’agit d’une oeuvre dite collective ; l’enseignant se retrouve alors investit de la totalité des droits d’auteurs sur cette oeuvre multimédia, il devra néanmoins cités les membres de l’équipe qui ont la qualité d’auteur.
- si l’enseignant intervient simplement dans le processus de création de l’oeuvre multimédia, il sera alors considéré comme co auteur ;
- si l’enseignant n’intervient pas du tout dans la création multimédia et s’en désintéresse, l’oeuvre multimédia sera considérée comme une adaptation ou une transformation de son cours ;
Dans les deux derniers cas un savant régime juridique mêlant plusieurs régimes juridiques de droits d’auteur trouve à s’appliquer qu’il serait trop fastidieux d’exposer ici.
Si vous êtes arrivé jusqu’à ces dernières lignes (j’espère ne pas vous avoir trop dégouté du droit d’auteur), je pense que vous serez convaincu comme moi de la nécessité de sensibiliser les enseignants aux aspects juridiques du Elearning. A l’heure du recours massif au Elearning dans l’enseignement supérieur il paraît souhaitable de proposer aux enseignants une initiation au droit d’auteur.