Suite des chroniques sur les IES. Qui enseignera dans les Instituts publics d’enseignement supérieur, chargés du 1er cycle, le cycle Licence ? Des agrégés et seulement des agrégés. Quels sont actuellement les corps professoraux qui enseignent dans les CPGE, les STS, les IUT, le cycle licence à l’université, corps qui devraient disparaître en tant que tels avec la création des IES ?
Dans les CPGE et les STS, enseignent des professeurs agrégés et des professeurs certifiés du secondaire. Certains agrégés n’enseignent que dans les classes supérieures des lycées (pas d’heures de cours dans le secondaire) (chronique : “PRAG dans le SUP“). Il faut pour cela candidater, au sein d’une procédure nationale, sur des postes gérés directement par le ministère. Celles et ceux qui parviennent à n’être affectés que dans ces classes ont alors un statut bien meilleur que celui des PRAG affectés dans le supérieur. Leur service d’enseignement est moindre : il peut n’être que de 8 heures par semaine s’ils enseignent dans des classes dont l’effectif est égal à 35 élèves ou plus ; il est alors de 288 heures par an (8 heures par 36 semaines) contre 392 heures dans les universités.
Au salaire de base, s’ajoutent les heures supplémentaires, en particulier les heures de “khôlles”, heures désormais défiscalisées ! Si, de plus, le PRAG enseigne en licence professionnelle dans son lycée (en partenariat avec une université), son service est encore réduit ! Et enfin, ces PRAG, … s’ils en ont le temps, peuvent enseigner à l’université en heures complémentaires ! Chronique : “Bacs Pros en prépa Economique et commerciale, voie technologique“.
C’est sur la base de la situation précédente que pourrait s’appuyer la négociation des conditions de travail et de rémunération des agrégés du 1er cycle de l’enseignement supérieur, enseignant dans les IES : grille indiciaire allant jusqu’aux indices des agrégés titulaires d’une chaire supérieure, 8 heures de cours magistral durant 36 semaines.
Dans les IUT, le corps professoral est fort hétérogène : y enseignent des enseignants chercheurs, des PRAG et des PRCE, des professionnels vacataires. Les PRAG et PRCE représentent 43% du corps professoral (”Les personnels enseignants de l’enseignement supérieur en 2008-2009“). Dans un certain nombre d’IUT d’universités, la multiplication des licences professionnelle a induit de nombreuses heures complémentaires pour les enseignants-chercheurs ; il en résulte peu d’activités de recherche pour ceux-ci (chronique : “Président Condé“).
En licence universitaire, le corps professoral est encore plus hétérogène que dans les DUT : enseignants-chercheurs (quelques professeurs et beaucoup de maîtres de conférences), des PRAG et des PRCE, des ATER et des moniteurs, des vacataires et même des étudiants de master pour le tutorat… Le 1er cycle est de plus en plus le champ d’enseignement des “contractuels du SUP“, “Doctorants et docteurs“, des “précaires du SUP“.
Qui peut sérieusement argumenter que, dans le cycle Licence, on pratique aujourd’hui un enseignement à et par la recherche ? Combien d’ATER et de moniteurs, de fait mal encadrés par des enseignants titulaires, se laissent aller à parler de leur thèse et encore de leur thèse, mettant quelquefois des éléments de celle-ci au programme de l’interrogation terminale. Le premier cycle universitaire va mal ; les étudiants le fuient (”Effectifs. Alerte rouge“). Il faut arrêter le massacre en créant des IES dont les enseignants seront tous des agrégés.
7.500 agrégés enseignent déjà dans le supérieur universitaire (DUT et licence). Combien d’agrégés enseignent dans les classes supérieures des lycées publics et dans leurs classes du secondaire ? La Note d’information de la DEPP 10.2 de février 2010 donne la réponse : 2.119 agrégés titulaires d’une chaire supérieure et 47.600 agrégés (le nombre de professeurs certifiés : 247.300) ; malheureusement, la Note n’indique pas le nombe d’agrégés qui enseignent en partie ou totalement dans les classes supérieures des lycées.
Le nombre total des agrégés (un peu plus de 57.000) est supérieur au nombre total de maîtres de conférences, 37.300 (cliquer ici). Les agrégés sont a priori suffisamment nombreux pour assurer à terme l’enseignement dans le cycle Licence et remplacer les maîtres de conférences dont le corps est mis en extinction dès la création des IES.
Mettre le corps des maîtres de conférences (MCF) en extinction et confier le cycle Licence aux seuls agrégés ? Mais pourquoi donc ? Plusieurs arguments. 1. Les agrégés sont recrutés par concours national de haut niveau, les MCF sont recrutés par des comités de sélection locaux, trop souvent emprunts de localisme.
2. Les agrégés commencent à enseigner plus jeunes que les MCF et bénéficient ainsi d’une carrière plus longue. S’ils font une trajectoire sans redoublement, les étudiants titulaires d’un master (condition mise aujourd’hui par la “mastérisation”) peuvent réussir le concours d’agrégation à l’âge de 24 ans. L’âge moyen des MCF au moment de leur recrutement est supérieur à 33 ans. Il n’y pas photo !
De nombreux arguments vont à l’encontre de la position que je défends pour les IES et pour leur corps professoral. Exposons certains d’entre eux. 1. Les agrégés qui enseignent dans les IES ne sont pas docteurs et ne peuvent pratiquer un enseignement à et par la recherche. D’accord, mais qui peut prouver (cf. supra) que ce type d’enseignement est pratiqué aujourd’hui en 1er cycle universitaire, en DUT, en BTS, en CPGE ? Dans le cycle unifié de Licence en IES, il y a par contre besoin d’une pédagogie par projet (chronique : “IES. Les formations“) ; il faut donc transformer les contenus des concours d’agrégation pour mesurer la capacité des agrégés à exercer la pédagogie de la conduite de projets.
2. Il n’existe pas actuellement d’agréation du secondaire dans certaines disciplines comme le droit, les sciences de la santé… Qu’à cela ne tienne ! L’histoire de l’agrégation, au 19ème et 20ème siècles, est celle d’une création presque incessante de nouveaux concours, plus spécialisés. L’IES exige donc que soient créées de nouvelles agrégations pour couvrir tous les champs d’enseignement du cycle Licence.
3. Mais si le corps des maîtres de conférences est mis en extinction, qui enseignera à terme dans les universités, dédiées désormais, en conséquence de la création des IES, aux masters et aux doctorats ? Seuls les professeurs des universités enseignent à l’université. Le vivier de ces professeurs est constitué par les agrégés des IES. Tout nouvel agrégé pour les IES doit y enseigner un minimum de 2 ou 3 années ; au terme de cette période, il a 26 ou 27 ans.
Les agrégés, stimulés et intéressés par la recherche, et selon un appel d’offres annuel, sont détachés dans des équipes de recherche pour y préparer un doctorat en 3 ans ; ils gardent de ce fait leur statut de fonctionnaire et sont payés comme tels (plus de problèmes d’allocations de recherche, de “contrats doctoraux“).
Au terme de leur doctorat (vers 30 ans), une partie des agrégés docteurs sont incités à rester en détachement dans leur équipe de recherche ou dans une autre, en France ou à l’étranger, pour y poursuivre leurs recherches et préparer une habilitation à diriger des recherches (HdR) au terme d’une période de 5 à 8 ans. Ils peuvent ensuite candidater à un poste de professeur des universités. Les autres agrégés docteurs retournent enseigner en IES et peuvent éventuellement revenir plus tard à la recherche et à la préparation d’une HdR. Avantage de ce mode futur de recrutement des professeurs des universités : tous auront enseigné dans un IES, dans le 1er cycle de l’enseignement supérieur. A débattre !