Comme EducPros le laissait entendre, Jean-Robert Pitte vient d’être nommé Délégué Interministériel à l’Orientation par le Conseil des Ministres le 23 Juin 2010. Ce poste, récent, n’étant pas (pas encore ?) stabilisé dans l’organisation institutionnelle de notre pays, la personnalité de son titulaire a une grande importance
C’est un géographe, pleinement inscrit dans la tradition de l’école géographique française, comme le symbolise le fait qu’il ait succédé en 2008 au géographe emblématique que fut Pierre George à l’Académie des Scineces Morales et Politiques. Sa thèse “Terres de Castanide. Hommes et paysages du châtaignier de l’Antiquité à nos jours” est dans le lignée des grandes thèses de l’école régionaliste française. Spécialisé dans la Géographie des paysages, il a aussi monté une grande compétence dans le domaine de l’alimentation, de la gastronomie et du vin, et su magnifier les terroirs. Il est président de la Société de Géographie, et président de l’Association pour le Développement du Festival International de Géographie de Saint-Dié-des-Vosges.
Mais c’est aussi un politique. Aspirant à une fonction en première ligne dans l’équipe de Valérie Pécresse lors des dernières élections régionales en Ile de France, il s’est trouvé, par le jeu des petits partis faisant chèrement payer à l’UMP la stratégie d’union au premier tour voulue par le Président de la République (dont les résultats ont montré qu’elle était loin d’avoir l’efficacité attendue), si loin qu’il a préféré avec un certain panache se situer à l’avant dernière place sur la section parisienne de la liste, loin de ce qu’il a qualifié de “bataille de chiffonniers“
Il n’arrivait pas par hasard sur cette liste : il fut, après avoir exercé de nombreuses fonctions adminstratives dans l’Université, Président de l’Université de Paris IV – Sorbonne, avant de réussir à se faire battre par Georges Molinié, un candidat marqué à gauche, en 2008, ce qui, quand on se rapelle que depuis 1968 cette Université est un bastion (et dans certains cas un refuge) de la droite, est quand même une forme d’exploit, qu’expliquent sans doute un certain nombre de provocations dont Jean-Robert Pitte n’est pas avare.
En effet celui-ci s’est affirmé explicitement partisan de la sélection à l’entrée à l’Université et s’est fait le chantre de l’augmentation des droits d’inscription à l’Université, ces positions étant fondées sur une conception élitiste de l’enseignement supérieur. Il a par ailleurs entretenu la polémique en affirmant que “40 % des universitaires en font pas de recherche“, et en stigmatisant les “fainéants”
Est ce que ces positions préfigurent les orienations qui le guideront dans ses nouvelles fonctions ? On peut le craindre
Mais il faut surtout noter sa totale inexpérience en matière de publics en situation de difficulté avec le système scolaire, pour qui la fonction d’orientation n’a pas du tout la même fonction que celle que revêt pour les “bons élèves”, conformes aux standards de la réussite.
Espérons que son regard neuf permettra de contribuer à donner à cette question vitale de l’orientation une cohérence qui lui manque grandement aujourd’hui. Sur ce point, c’est de la capacité de Jean-Robert Pitte à oublier ses a-priori idélogiques, et à élargir son champ de vision, que dépendra sa réussite dans cette fonction qui vient de lui être confiée par le gouvernement.
Il devra par ailleurs se positionner sur le rôle des Conseils Régionaux en matière d’orientation. Restera-t-il sur la position qu’il affirmait, sans ambiguité aucune, lors de la campagne des élections régionales “la région doit coordonner l’orientation des jeunes, ce qui n’est pas le cas actuellement”, ou reviendra par nécéssité de la fonction qu’il occupe à une conception où c’est l’Etat qui doit demeurer le pilote de l’orientation. Belle occasion de mesurer la profondeur des convictions.