Suite des chroniques critiques sur les Comités de sélection (CdS). Chronique des 30 mai 2010 (ici), 26 juin (ici), 27 juin (ici). François Vatin, professeur de sociologie à Paris Ouest Nanterre la Défense, m’autorise à publier son courriel. Il ajoute d’autres critiques à celles formulées dans la chronique du 26 juin.
Cher Pierre. Je suis totalement d’accord avec toi, mais je me permets d’ajouter deux autres arguments, qui précisent et complètent les tiens. Je précise ici que je ne prends en considération ici que la première partie de la procédure en partant de l’hypothèse que le Président de l’université et son conseil suivent effectivement la proposition du comité. Rien à voir donc avec l’affaire de Strasbourg.
1. Oui, c’est un gouffre financier, mais de plus une charge qui pèse de façon différentiée sur les universités et est donc discriminatoire. Elle épargne en fait très largement les universités d’Ile-de-France. Plus généralement, compte-tenu de la composition spatiale de l’Université française, plus on est loin de Paris et plus l’organisation des comités de sélection est coûteuse.
2. Les commissions de spécialistes n’avaient pas simplement comme qualité de représenter largement la communauté disciplinaire d’un établissement donné; elles avaient celle d’être pérennes et inamovibles pendant la durée de leur mandat, que ce soit pour les membres internes ou pour les membres externes à l’établissement. Il fallait donc faire “avec” une composition large représentant des tendances et des sous-disciplines diverses.
Aussi, quoi qu’on ait pu en dire, les jeux étaient souvent ouverts. Dans le nouveau dispositif, une large partie de la décision est prise en amont, lors de la composition même du comité. L’illusion était de penser que le Président d’une université serait effectivement en mesure de nommer, pour chaque poste mis au concours et pour toutes les disciplines de son établissement, les personnalités les plus “qualifiées” pour procéder au recrutement. Comment ne pas comprendre que les Présidents ne sauraient avoir cette compétence universelle et que, sauf dans les tous petits établissements, il leur serait tout simplement matériellement impossible de s’intéresser à chaque recrutement ? Autrement dit que, pour des raisons pratiques incontournables, on laisserait chaque discipline ou chaque fraction de discipline, construire “librement” (de façon plus ou moins consensuelle) ses comités ? Le système est donc au final plus verrouillé que le précédent. Autrement dit, non seulement les frais engagés sont considérables, mais ils sont de plus largement stériles, puisqu’on aboutit au paradoxe que les extérieurs, plus nombreux, ont souvent, de fait, moins de capacité à peser sur le choix que dans le régime antérieur, en raison, notamment, des modalités mêmes de leur nomination, intuite personae et pour un poste déterminé.
3. J’ajouterais un troisième point qui laisse pantois quant aux conditions de rédaction du texte. La garantie du quota d’extérieur (au moins 50 %) est assurée avec un grand luxe de détails de procédure. En revanche, la parité professeurs/maîtres de conférences n’est plus assurée dans les concours de recrutement de maîtres de conférences, ce qui est contraire à une longue tradition universitaire et ne me semble pas avoir été voulu par les rédacteurs du texte. Mais surtout, aucun quorum de participants effectifs n’a été établi. Un comité de recrutement de professeur a ainsi pu se tenir avec 4 membres présents : 2 extérieurs/2 intérieurs. Dans la mesure où, en cas de désaccord, la voie du président pouvait devenir prépondérante et que le président était un intérieur, il lui suffisait techniquement de se garantir la voix d’un membre du comité pour contrôler la décision. Peut-on penser que les rédacteurs du texte avaient souhaité rendre possible un tel cas de figure ?
Ce texte a été manifestement rédigé par des idéologues qui n’ont pas cherché à penser les conditions pratiques de son application qui se révèlent aboutir à des résultats à l’exact opposé des intentions affichées. Qui aurait pensé que nous finirions par regretter les défuntes commissions de spécialistes ?