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Claude Lelièvre

Des tuteurs très exposés et incertains

La réforme ‘’mastérisée’’ de la formation professionnelle va avoir pour effet à la rentrée prochaine de devoir compter essentiellement sur le suivi de ‘’tuteurs’’ lors de la première année de l’entrée en fonction des nouveaux enseignants ( du moins dans le secondaire, car dans le primaire il est possible de s’appuyer sur des dispositifs issus des IUFM, et notamment sur les maîtres formateurs confirmés dans leur rôle et leur service ),

Or, le moins que l’on puisse dire est que cela va se passer ‘’à géométrie variable’’. Actuellement, les enseignants du secondaire à qui l’on propose de devenir tuteur ne savent toujours pas quel sera précisément leur temps de service, leur rémunération, et a fortiori leur formation. Dans certaines académies, nombre d’enseignants refusent d’être tuteur, soit par incertitude sur les conditions d’exercice, soit par refus de ‘’cautionner’’ la réforme. L’Apmep ( association de professeurs de mathématiques ) paraît se prononcer dans ce sens en déclarant que « le nombre d’heures en responsabilité du jeune enseignant est trop élevé et ne lui permet pas de se consacrer à une formation professionnelle digne de ce nom ». D’autres acceptent, parfois en ‘’désespoir de cause’’, notamment pour ne pas laisser leurs futurs collègues dans l’abandon.

Selon Thierry Cadart, le secrétaire général du Sgen–CFDT, « dans certaines académies, il n’y aura pas assez de tuteurs ; et, très souvent, les tuteurs ne seront pas dans le même établissement que ceux qu’ils devront suivre » ( Libération.com du 29 juin ) « On comprend mieux, a-t-il ajouté, pourquoi dans le projet de validation de cette année de stage, rien n’oblige à ce que le nouveau collègue ait bénéficié d’un tel tutorat… ».

On peut certes faire valoir  ( malheureusement ou heureusement ? ) les résultats de l’étude qui vient d’être menée en Angleterre auprès d’enseignants débutants,  selon qu’ils ont été  soumis à un tutorat ’’poussé’’ ou à un tutorat ‘’classique’’ (  étude rapportée le 29 juin dernier dans l’excellent site « ToutEduc » ).
Le tutorat ’’classique’’ recouvre une forme de tutorat informel, qui inclut le parrainage de chaque nouvel enseignant par un enseignant plus expérimenté, « sans que ce dernier n’ait à sa disposition un matériel pédagogique spécifique ou des plages horaires spécialement dédiées au tutorat ».
Le tutorat ‘’poussé’’ est, lui, un soutien intensif, structuré, délivré par séquences, « souvent par des tuteurs expérimentés et formés ». Il inclut la plupart du temps une réflexion sur le parcours professionnel des professeurs, des sessions d’orientation, des séances d’évaluation dans les classes, ainsi que des plages de débat autour des pratiques pédagogiques.
Selon l’étude menée sur trois années ( portant sur un millier d’enseignants débutants exerçant dans plus de 400 écoles différentes, la moitié d’entre eux suivant un tutorat ‘’classique’’ et l’autre moitié un tutorat ‘’poussé’’ ) , il n’y aurait aucune différence – la première année – sur les pratiques adoptées en classe par les enseignants, ni sur les performances des élèves. Selon l’étude, néanmoins, on observerait – la troisième année – une élévation des résultats scolaires chez les élèves des enseignants débutants ayant bénéficié d’un tutorat ‘’poussé’’.

Décidément, on sait à peine à quel tuteur ( ou à quel saint ? ) se vouer !

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