Catégories
Pierre Dubois

Luc Johann, président de Metz

Luc Johann est président de l’université Paul Verlaine Metz depuis 2008, université qui fête ses 40 ans en ce moment (programme des festivités). Il m’a accordé un entretien vendredi 8 octobre 2010, au siège de la présidence sur le campus de l’île de Saulcy. L’Homme et ses priorités à la tête de l’établissement sur le site de l’université. Deux thèmes ont été retenus à ma demande : le bilan de la LRU et du passage aux responsabilités et compétences élargies au 1er janvier 2010 et la fusion des 4 universités de Lorraine prévue pour le 1er janvier 2012.

Le président Johann, partisan de la LRU, fait un bilan fort positif du passage aux RCE et est enthousiaste de voir naître bientôt l’université de Lorraine (site). Ce blog étant critique quant à la réelle autonomie des universités sous la loi LRU (chroniques : “Valérie encline à prescrire” et “Pour une gouvernance autonome“), j’estime important d’entendre les arguments du président messin. Depuis le 1er janvier 2010, le budget de l’université est globalisé ; il inclut désormais la masse salariale des fonctionnaires : “nous avons négocié fort finement cette masse ; elle inclut bien entendu les “glissements viellesse technicité “(GVT) ; nous avons obtenu la somme qu’on nous devait”.

Le passage aux RCE a nécessité un énorme travail en amont en particulier dans les services financiers et dans les ressources humaines : “c’est pourquoi nous ne nous sommes pas précipités pour passer aux RCE dans les premiers” ; ”de plus, nous avons changé de logiciel de paie également au 1er janvier”. Lourdes charges pour les personnels. Le bilan est positif à deux niveaux, au niveau politique et au niveau de la marge de manoeuvre financière. Luc Johann est à même d’évaluer les changements positifs : avant d’être élu président, il était vice-président du conseil d’administration en charge des moyens. ”Le passage aux RCE a été l’occasion de penser la modernisation, d’identifier des priorités, de faire des choix stratégiques, de progresser en transparence, de se responsabiliser, de piloter mieux l’université”. Question : n’y avait-il pas déjà des marges de manoeuvre en ressources humaines avant la LRU ? “Oui et non. Le CA, après consultations, établissait une liste de demandes de postes classées par ordre prioritaire. La négociation s’engageait alors avec le ministère ; on ne connaissait que tardivement le nombre de postes accordés par le ministère et notre classement n’était pas forcément respecté. Maintenant, nous décidons nous-mêmes des postes et de leur affectation. C’est notre choix”. Au vu des départs en retraite, des mutations, des besoins en enseignement et recherche, plusieurs choix, non exclusifs les uns des autres, existent : repyramider des postes (changements de grade), redéployer d’une discipline à l’autre, geler temporairement des supports, inviter des professeurs étrangers, améliorer le régime des indemnités, renforcer le financement de telle ou telle équipe de recherche. Parallèlement, nous veillons à réduire le volume des heures complémentaires… Quand nous avons décidé, nous ne revenons pas en arrière, nous assumons nos choix”. Il ne s’agit donc plus par exemple de taxer en fin d’année les centres de recherche qui ont des reliquats de crédits.

Je suis assez convaincu par l’argumentaire du président, mais, quelques heures plus tard, je me demande. “Qui régule désormais au niveau national ? Si toutes les universités font le même choix de recruter des enseignants prioritairement dans une discipline parce qu’elle a une offre de formation attractive pour le marché, des débouchés professionnels pour les diplômés et/ou des créneaux de R&D, le risque serait d’avoir très vite une pléthore d’enseignants si les marchés en question se retournaient. La logique voudrait donc qu’on ne recrute ces enseignants-chercheurs que sur des contrats à durée limitée, cinq ans par exemple, cinq ans renouvelables”… Réflexions à poursuivre. 

La création de l’Université de Lorraine (sept chroniques précédentes). Le “projet a germé au 1er semestre 2008 lorque les 4 universités lorraines ont déposé une candidature commune à l’opération Campus”. Texte mis en large discussion en février 2010 : document de 7 pages. Etat présent du projet : conférence de presse du 27 septembre 2010 : document de 25 pages. Les conseils d’administration des 4 universités ont acté récemment la poursuite du processus de fusion (texte soumis au vote). Le CA de Paul Verlaine s’y est pris à plusieurs reprises et a finalement pris la décision à l’unanimité. Le président précise : “Les élus de l’UNEF étant présents”. “Le vote a été assorti d’une motion également adoptée à l’unanimité, visant à apporter un cadrage et des garanties sur certains points pour la poursuite de la démarche”.

Le statut de Grand établissement ayant été retenu pour l’université de Lorraine, on peut penser que les garanties concernent le droit d’accès à l’université (absence de sélection) et le montant des droits d’inscription ; les présidents se sont d’ailleurs engagés, en juin 2010, à respecter sur ces points la réglementation nationale en vigueur (lettre des présidents). Le statut de Grand établissement permettra plus facilement la délégation de compétences aux Collegiums et aux Pôles scientifiques, bases de la structuration de la nouvelle université. Le président : “Les collegiums seront le vrai lieu de la délégation de compétences. Pour les emplois, la négociation se fera avec eux ; il s’avérerait impossible de la faire avec 45 composantes et des dizaines de labos ; elle se conclura par des contrats d’objectifs et de moyens“. Le cadrage concerne aussi le calendrier.

La gouvernance de la nouvelle université. Questions sur son architecture, l’élection du président, les personnalités extérieures. Difficile (impossible ?) d’éviter un nombre plus important d’instances que celles existant dans chacune des universités. Le conseil d’administration ne comporterait pas plus de 30 membres dont peut-être 10 personnalités extérieures ; il continuera d’élire le président. Il n’est pas prévu de conseil d’orientation stratégique composé majoritairement de personnalités extérieures. Une instance nouvelle sera créée : le Sénat. Il pourrait comporter 120 membres (enseignants-chercheurs, chercheurs, BIATOSS, étudiants) ; il serait consulté sur la stratégie proposée par l’équipe de direction (dénommée directoire ?), amené à donner un avis sur le rapport d’activité du président, la politique des emplois. Il ne serait pas appelé à voter. Le président Johann aborde la question du fonctionnement du CA dans son université : “il faut passer beaucoup de temps à rechercher le consensus ; il faut faire adhérer ; si on se met à faire voter sans arrêt pour compter précisément les voix, on ne tient pas 4 ans ; le plus souvent, les décisions sont prises à l’unanimité.

D’autres intérêts de la fusion. 1. Une offre de formation régionale. Le président : “depuis le LMD, les 4 universités ont déjà fait deux contrats quadriennaux ensemble. Les licences doivent demeurer de proximité et resteront donc organisées sur Metz et Nancy, mais deux licences de même nom auront désormais le même contenu” (ce qui n’était pas forcément le cas jusqu’ici). Pour les Masters, il y a déjà des cohabilitations ; il ne pourra être question de dupliquer le même master sur deux sites, tout en prenant en compte le fait que le but n’est pas de faire se déplacer les enseignants et les étudiants d’une ville à l’autre”. Un principe : “qu’est-ce qu’on pourra faire de mieux, de plus original au bénéfice du territoire ? Le service du territoire est un affichage fort” et cela comprend des initiatives transfrontalières avec l’Allemagne, le Luxembourg et la Belgique. Les décisions définitives pour l’offre de masters ne sont pas encore arrêtées.

2. Les partenariats avec les écoles qui ne participent pas à la fusion. “Nous garderons un PRES pour travailler ensemble. L’université de Lorraine ne se coupera pas des autres établissements du supérieur comme les écoles des Beaux-arts, d’Architecture, de soudure (Thionville)… 3. Les coopérations internationales : “les pays frontaliers, la Chine et plus largement l’Asie, le Maghreb, les pays d’Europe centrale et orientale”… 4. La création d’un bureau régional de la vie étudiante décidée le 27 septembre 2010 (cliquer ici). 5. Dans l’ordre du symbolique et de la création d’une identité commune, j’aime beaucoup : la cérémonie de rentrée commune aux 4 universités, organisée le 4 octobre à l’Arsenal de Metz (cliquer ici).

J’aimerais personnellement, en tant qu’ancien directeur d’Observatoire, que soit créé rapidement un observatorie commun aux 4 universités pour élaborer les indicateurs de performance (chronique “Cibles de performance“), pour analyser les parcours de formation et les devenirs professionnels des diplômés (chronique “Observatoires nancéiens“).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *