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Claude Lelièvre

PISA: la France championne des résultats inégalitaires?

En attente des résultats de la dernière enquête PISA qui vont être rendus publics mardi prochain, il est sans doute bon d’avoir à l’esprit que la première enquête PISA, celle de 2000, nous situait parmi les pays aux résultats les plus contrastés, et que cela avait été encore confirmé lors de la dernière enquête, celle de 2006. Quid pour celle de 2009 ?

Les comparaisons entre pays peuvent se faire à partir de la moyenne des résultats des élèves pour tel ou tel domaine. Et, jusqu’ici, la France s’est située autour de la moyenne des pays de l’OCDE pour les trois grand domaines ’’testés’’ : la compréhension de l’écrit, , les mathématiques, la culture scientifique. Mais on peut aussi analyser la dispersion des résultats, notamment en raison de l’origine socio-culturelle des élèves. Et là, la France est nettement parmi les pays aux résultats les plus dispersés, les plus ’’inégalitaires’’.
Si l’on étudie, par exemple, les écarts de points à l‘enquête  PISA de 2006 entre les élèves dont le statut économique , social et culturel des parents est le plus élevé ( le quart le plus favorisé ) et ceux dont le statut économique, social et culturel est faible ( le quart le moins favorisé ), la France se trouve pour les trois domaines parmi les deux pays où l’écart est le plus grand. La moyenne, on le sait, est par principe de 500 dans les enquêtes PISA. Les écarts vont de 63 pour la Finlande à 122 pour la France ( bonne dernière ) pour ce qui concerne la culture scientifique. Ils vont de 55 pour l’Islande à 112 pour la France ( avant dernière, devant le Luxembourg ) pour ce qui a trait à la compréhension de l’écrit. Ils vont enfin de 62 pour l’Islande à 115 pour la France ( avant-dernière, devant la Hongrie ) en mathématiques. Une belle constance dans les écarts et les places, qui n’est sans doute pas due au hasard.

On peut songer à bien des explications. Je me contenterai ici de mettre ces résultats en regard des moyens dévolus en France à l’encadrement de la scolarité obligatoire ( sans prétendre aucunement épuiser le sujet, loin s’en faut )…
Selon les données de l’OCDE datant aussi de l’année 2006, la France se caractérise pour l’enseignement primaire par un coût salarial par élève ( 1625 dollars) nettement plus faible que dans la moyenne de l’OCDE : elle est en 25° position pour 30 pays. L’écart par rapport à cette moyenne ( c’est à dire 637 dollars ) s’explique par des facteurs de sens divergent : un salaire des enseignants plus faible ( – 256 dollars ), un temps d’enseignement assuré par les enseignants plus élevé ( – 257 dollars ), une taille des classes plus importante ( – 394 dollars ), et, en sens inverse, un temps d’instruction des élèves plus long ( + 270 dollars ) ».
Au collège, le coût salarial par élève en France ( 2392 dollars ) reste encore inférieur à la moyenne de l’OCDE : la France se situe en 22° position. Ici encore, ce coût moins élevé ( écart de – 526 dollars ) s’explique par un salaire des enseignants plus faible ( – 347 dollars ) et par une taille des classes plus importante ( – 803 dollars ) ; en revanche, le temps d’instruction des élèves est plus élevé que dans la moyenne de l’OCDE ( + 315 euros ), et le temps d’enseignement des enseignants est moins élevé ( + 310 euros ) ».

Tout le monde sait bien, et depuis longtemps , que les résultats scolaires sont inégalement répartis en raison des statuts sociaux d’origine des uns et des autres. Cela existe – plus ou moins – dans tous les pays. Et c’est amplement confirmé, précisément, par les résultats aux tests PISA. Mais que la France soit le pays de l’OCDE aux résultats scolaires les plus inégalitaires  peut paraître des plus surprenants. En dépit ( ou plutôt à cause ? ) du fait que nous nous targuons d’avoir pour ambition « l’égalité des chances » ( versus « mérite individuel scolaire » ou « élitisme scolaire » ) ce qui, en bon français, signifie l’ambition affichée d’un recrutement socialement élargi des élites…
Mais dans les comparaisons internationales faites par PISA , il ne s’agit justement pas de l’accès ( scolaire ) à l’élite ( aux élites ) mais des compétences acquises à l’âge environ de la fin de la scolarité obligatoire, celles qui concernent tout le monde. L’ambition privilégiée ( en France ) de ‘’l’égalité des chances’’, de ‘’l’élitisme républicain’’ serait-elle peu favorable à l’ambition de résultats plus positifs et plus homogènes pour tous ? La question mérite d’être posée avec force, même si elle est difficile à traiter  (et jusqu’alors plutôt à contre-courant, en France ).

Peut-on attendre que cette question puisse devenir centrale s’il est confirmé par les résultats de l’enquête PISA 2009 que la France reste ( plus que jamais ? ) une ‘’championne’’ des résultats scolaires inégalitaires ?  A voir, à partir de mardi prochain…

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