Les initiatives d’excellence (IDEX), clefs de voûte des Investissements d’avenir, ont pour “ambition de doter la France de 5 à 10 initiatives d’excellence capables de rivaliser avec les meilleures universités du monde” (site du MESR). Date limite de soumission des dossiers à l’ANR : 4 janvier 2011 (appel à projets).
Je fais l’hypothèse que les IDEX vont accroître la pagaille institutionnelle dans l’enseignement supérieur et la recherche français. Leur échec est annoncé et je ne comprends pas pourquoi on ne le claironne pas sur les toits.
Pourquoi les IDEX, dont les premières vont être sélectionnées par un “jury international de très haut niveau” avant l’été 2011, portent dans leurs gènes une grande pagaille et ne vont jamais produire ce que le gouvernement attend d’elles ? Tout bêtement parce qu’elles visent une impossible quadrature du cercle. Sur le papier, les IDEX sont certes capables de se poser dans les clous imposés : base territoriale obligée, forte coopération entre universités et grands organismes de recherche, entre universités et grandes écoles, entre établissements d’enseignement supérieur et partenaires économiques, intensité des partenariats entre public et privé. Qui a pu concevoir un cahier des charges aussi absurde ?
Ce n’est pas fini. “Un des trois critères pour la sélection est l’efficacité de la gouvernance“. Qu’entend-on par là ? “L’initiative d’excellence devra développer une politique globale impliquant l’ensemble des partenaires et des actions qui devront viser en particulier à atteindre un degré élevé d’autonomie et une gouvernance équilibrée : un partage des rôles entre la communauté académique et l’exécutif pour le pilotage de l’initiative d’excellence, une grande autonomie de gestion, sous le contrôle d’un conseil d’administration resserré, largement ouvert à des représentants extérieurs, une capacité de décision rapide sur les choix stratégiques et leur mise en oeuvre”… L’IDEX doit viser aussi à “mettre en place les structures de pilotage appropriées (gestion des moyens et ressources humaines, de la propriété annoncée,…), des mécanismes d’interface avec les entités et les activités du porteur situées hors du périmètre d’excellence, et garantir un dispositif rigoureux permettant l’évolution dynamique de ce périmètre”. Le lecteur peut avouer : “que tout ceci est bien compliqué !”. Je vais plus loin : “ces phrases ne veulent strictement rien dire, ne peuvent être opérationnalisées, ne sont que du vent” !
Cas concret : “Initiative d’excellence Grenoble université de l’innovation“. 14 institutions sont associées dans le projet : les 6 établissements du PRES Université de Grenoble (cliquer ici), 5 “morceaux territoriaux” d’organismes de recherche (CEA, CNRS, INRIA, INSERM, CEMAGREF), l’Ecole d’architecture, le CHU et… Grenoble Ecole de management (école liée à la Chambre de commerce et d’industrie). L’IDEX Grenobloise satisfait donc, sur le papier, aux critères de l’appel à projets (dont celui “privé-public”).
Comment peut-on imaginer une gouvernance efficace au niveau IDEX sans même traiter la question du statut juridique de ce regroupement opportuniste (ne laissons pas passer l’argent !), celle du maintien de niveaux décisionnels à plusieurs niveaux de la pyramide institutionnelle, au niveau intermédiaire du PRES et au niveau de base (chacun des établissements associés). Et n’oublions pas l’opération Campus (cliquer ici), les pôles de compétivité. Trop de regroupements “non finis” aux périmètres différents. Comment peut-on imaginer que ça puisse marcher au niveau IDEX alors que les 4 universités sur le territoire de Grenoble sont incapables de s’accorder pour fusionner (chronique : “Cultiver le campus“) ? Pire qu’une usine à gaz. Et que dire du gaspillage d’argent public qui en résultera (coûts d’une administration à chacun des niveaux et donc globalement pléthorique, coûts de coordination énormes).
Gaspillage d’argent public sous condition que les IDEX soient dotées un jour ! Il faut rappeler que les milliards soit-disant mis sur la table sont pour l’instant virtuels. Les IDEX sélectionnées ne seront labellisées qu’après une période probatoire de 4 ans ; c’est seulement alors que leur dotation en capital deviendra “consumptible”. Qui peut prévoir aujourd’hui ce que sera la situation financière de la France à cette date ?
Mais pourquoi donc les universités se lancent-elles dans cette galère ? Hypothèse forte : elles ne sont pas autonomes ; elles le sont moins avant la LRU qu’après la LRU. Une preuve : mais pourquoi Valérie Pécresse, le recteur de l’académie de Montpellier font-ils une telle pression sur l’université Paul Valéry pour qu’elle cesse de faire la tête et pour qu’elle rejoigne l’IDEX régional ? Au pas les universités ! Et je n’oublie pas : la grande majorité des universités est d’ores et déjà hors des lDEX. Pour elles, l’usine à gaz a déjà explosé.